Le Jeu des Trônes (fini)

LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Le Jeu des Trônes (fini)

5 sujets de 1 à 5 (sur un total de 5)
  • Auteur
    Messages
  • #831
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Avant-Propos 

    Cette fanfiction est une réponse au défi Complot&Pouvoir, lancé par Marine.

     

    Intrigue :

     

    Imaginez, on est dans l’épisode 6. Jeanne stoppe le Duc de Germain (ou d’Orléans je ne sais plus), lui demandant l’aumône pour une pauvre descendante des Valois. 

    Et si au lieu de la gifler, il lui avait accordé le bénéfice du doute ? Ainsi grâce à elle, en prouvant que ce n’est pas une imposture, il parvenait à se rapprocher de la couronne grâce à elle ?  

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #832
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Le Jeu des trônes  

     
    Chapitre 1: Les Roses noires éclosent la nuit 

     

     

    Paris, avril 1774

     

    Ce soir était un soir de printemps au vent très doux. Les étoiles illuminaient le ciel de Paris et pour une raison que Jeanne ignorait, elle lui semblait plus brillantes que d’habitude. Ses pieds nus marchaient sur les pavés tièdes. Elle préférait quémander le soir. Plus de monde. Plus de nobles. Les pierres des rues ne brûlaient plus à cause du soleil ardent. Hélas, ce jour-là, elle avait fait chou blanc, les gens semblaient plus proches de leurs bourses que jamais. Un carrosse richement décoré passa à côté d’elle.

    – Voilà ma chance! Se dit-elle

    Elle courut après en criant “ Arrêtez-vous! S’il vous plaît!”. Elle monta sur le marche pied pour apercevoir à l’intérieur un noble à la chevelure aussi châtain que son imposante moustache. Ses yeux bleu de Prusse étaient glacials, ils lui firent frissonner l’échine et la jeune mendiante avait l’impression que la température venait brutalement de chuter.

    – Oh Monseigneur ! S’il vous plaît, l’aumône pour une pauvre orpheline qui descend des Valois.

    L’homme lui saisit alors brutalement le bras.

    – J’ai connu personnellement le Duc de Saint-Rémi, dernier descendant des Valois. Comment oses-tu avoir l’outrecuidance que de te faire passer pour sa fille ?!

    Jeanne releva un peu plus la tête et le noble put alors voir toute la fierté dont elle était capable.

    – Parce que c’est la vérité ! Je suis la fille du Duc de Saint-Rémi !

    Il prit son menton entre son pouce et son index et la força à le regarder.

    – Si tu es son enfant, tu dois avoir des traits hérités de lui. Si tu m’as menti, je te couperai en deux.
    – J’espère que votre épée n’a pas envie de sortir de son fourreau.
    – Tu as son cran, c’est un bon point.

    Il lui souleva un peu la tête et s’approcha. Elle pouvait sentir une odeur de musc émaner de lui. Il resta un moment ainsi, à la contempler. Elle avait ses yeux, un grain de beauté placé sous l’oeil gauche à l’instar de son prétendu géniteur, ses cheveux avaient la même couleur d’ébène. C’était une véritable aubaine ! Une pouilleuse qui était en fait une descendante des rois de France !

    – Monte. Ordonna-t-il

    Légèrement surprise, Jeanne obéit. Les coussins pourpres du carrosses étaient plus doux et moelleux que tout ce qu’elle avait connu.

    – Raconte-moi ton histoire.
    – Je m’appelle Jeanne. Ma mère, Nicole Lamorlière, était une servante au service du Duc de Saint-Rémi. Il s’est épris d’elle et a fait d’elle sa maîtresse. Je suis née peu après.
    – Nicole… Oui, je l’ai connue. Un beau brin de femme. Je me souviens l’avoir vue grosse. Ton père était ravi. Sa bonne femme n’était pas fichue que de lui faire un gosse. Il avait prévu que d’annuler son mariage pour épouser ta mère et te légitimer, mais la maladie l’a emporté avant.
    – Vous étiez l’ami de mon père, Monseigneur ?
    – Son frère de lait. Mais dis moi, petite Jeanne, quel est ton rêve ?

    Elle planta son regard émeraude dans les yeux de son interlocuteur.

    – Retrouver la place qu’est la mienne, à Versailles, et non pas dans ces taudis puants. Je suis une descendante de rois, je mérite mieux.
    – L’on va bien s’entendre, toi et moi. Cocher ! A ma résidence !

    Pendant tout le trajet, Jeanne observa les quartiers pauvres de la ville défiler et quitter son champ de vision. Le cauchemar était fini et la chance venait enfin de lui sourire. Finies les corvées, les travaux indignes, elle allait vivre en noble, en princesse même. Et pour que sa bonne étoile brille toujours, elle ferait n’importe quoi. Elle en faisait le serment.

     

    XXXXXX 

     

    Le château du Duc de Germain était immense. Tout comme il imposait le respect. Il était en pierre grise brute, l’architecture était de style gothique. La demeure semblait âgée mais forte, debout malgré le temps qui avait érodé les roches. Jeanne fut conduite dans ses nouveaux appartements. Il y faisait si bon ! Elle avait un immense lit à baldaquin avec des breloques d’or pur, les draps et tentures en velours pourpre. Les meubles étaient en acajou. Cette pièce seule était plus grande que son ancienne maison et celle de ses deux voisins réunies. Son nouveau protecteur avait ordonné qu’on la baigne et qu’on la pare avec des atours plus appropriés à sa condition. Alors que sa servante lui lavait le dos, elle lui apprit que la chambre et les robes appartenaient à la petite sœur du duc, qui les avaient laissées à son frère pour sa future fille s’il en avait une. Elle était désormais mariée, avait eu quatre fils et il était évident que c’était elle « qui portait la culotte » dans le couple. Jeanne fut vêtue d’une robe verte rappelant ses yeux, ses cheveux avaient été lavés, coiffés et légèrement parfumés. Une tiare en perle blanche ornait le haut de sa tête, faisant un magnifique contraste d’ombre et de lumière.

    – Bon sang ne saurait mentir, Jeanne. Tu es une vraie Valois. S’exclama le duc quand il la vit

    Il l’invita à s’asseoir près de lui, au coin du feu.

    – Tu dois te demander pourquoi je t’ai accueille ici. Pour plusieurs raisons. La première est que j’adorais ton père. Il t’adorait aussi. Il est donc logique que je te sorte de l’indigence. Mais sache que cela n’est pas complètement désintéressé. Toi et moi avons un but qui passe par un chemin commun. Tu veux avoir ta place à la cour, la place d’une marquise, d’une princesse. Je veux être plus proche de la couronne. Voir mon nom couvert de gloire, lié à celui des Bourbon. Aussi, ai-je un plan. Mais avant de te l’expliquer, je veux savoir jusqu’où tu serais prête à aller pour cela.

    Les yeux de Jeanne brillaient et le feu qui brûlait dans l’âtre lui donnait un air presque malfaisant.

    – Le meurtre ne me fait pas peur et je sais que les larmes ne sont pas les seules armes d’une femme. Elle en a une bien plus puissante entre ses cuisses. Je n’ai pas peur de les utiliser toutes les deux.

    Le duc eut un sourire satisfait.

    – Avant de t’amener à la cour, tu dois avoir des liens et surtout, une éducation. Je ferai venir des professeurs pour faire de toi une vraie dame. Tu seras connue comme étant ma pupille et ma nièce, ce que l’on peut m’accorder vu que j’ai été le frère de lait de ton père. Tu seras connue sous le nom de Jeanne de Saint-Rémi.

    Jeanne acquiesça.

    – Pour obtenir titres et gloire, il faut passer par la case royale. On ne peut rien tirer de Louis XV. Il aime trop sa Barry et en plus, il n’est plus tout jeune. Non, il faut viser l’avenir, il faut viser le jeune dauphin Louis. Ta mission est très simple. Une fois à la cour, tu devras devenir l’amie de ce balourd myope. Sois douce et gentille avec lui, jusqu’à ce qu’il ne parle plus de son autrichienne, jusqu’à ce qu’il n’ait plus que ton prénom sur la langue. Ensuite, tu le séduiras, tu le charmeras.
    – Et je devrais faire en sorte qu’il me fasse un royal bâtard. Vu qu’il tient à être honorable, il reconnaîtra l’enfant et nous nous verrons titrés. Et si sa femme reste stérile, il aura vite fait son choix pour l’avenir de sa dynastie. Entre elle et son ventre plat et moi, pleine des courbes délicates de la grossesse, je deviendrais peut-être la nouvelle reine de France. Le nom de Germain n’en serait qu’encore plus lié qu’avec qu’un bâtard légitimé.
    – Je vois que l’on se comprend à merveille.

    L’homme prit deux verres qu’il remplit de vin. Il en tendit un à Jeanne et ensemble, ils trinquèrent à leur avenir plein de promesses.

    A Suivre 

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #833
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Le Jeu des trônes  

     
    Chapitre 2 : Rose, vin, intrigue et… amour ? 

     

     

    Château des Germain, Paris, avril 1777

     

    – Vous avez fait de tels progrès, Jeanne ! En trois ans, vous avez tout appris !

    Les compliments de ses tutrices ne la touchèrent même pas.

    – J’ai mis toutes les chances de mon côté. J’ai travaillé nuit et jour pour devenir une vraie dame. Pensa-t-elle

    Le plan de son protecteur allait enfin pouvoir se mettre en place ! Elle pourrait enfin aller à Versailles ! Versailles ! Ce château plein d’or, de diamants et de soie, où une orgie de luxe avait lieu chaque jour pour les courtisans ! Et dire que trois ans auparavant, elle était toujours dans ce taudis misérable où l’on se marchait dessus, à traîner les rues, volant de temps à autre pour éviter d’être dégoûtée du même aliment qu’elle était contrainte d’avaler chaque jour, sous peine de faire un malaise hypoglycémique ! A accomplir des choses pour lesquelles elle n’était pas faite ! Bien sûr, de temps à autre, elle pensait à Rosalie, à sa mère, se demandant si elles allaient bien. Mais très vite, elle se ressaisissait.

    – Elles sont les maîtresses de leur destin. Si elles sont encore dans cet endroit puant, c’est qu’elles le veulent.

    Plus elle vivait en noble, plus elle se rendait compte à quel point sa vie de roturière lui avait été insupportable. Le monde nobiliaire était le monde qu’elle n’aurait jamais du quitter. Et aussi étonnant que cela pouvait paraître, elle s’était sincèrement attachée au duc de Germain. Les deux se comprenaient bien. La jeune femme avait remarqué que, dès qu’il parlait de feu son ami Guillaume de Saint-Rémi, son visage s’adoucissait un peu. Il ne manquait jamais que de lui narrer la vie de son géniteur.

    – Le duc est comme toi, Jeanne. La Vie l’a rendu amer et dur. Il veut se venger d’elle. Pensa-t-elle

    La jeune femme lisait quand le noble entra dans la pièce, clairement excité par une bonne nouvelle.

    Jeanne sentit alors une poussée d’adrénaline monter en elle. Versailles, Versailles, enfin !

    XXXXXX

    Jeanne avait opté pour une robe en velours rouge. Un rouge sang vif, qui mettait en valeur sa toison brune, relevée en un chignon simple, une tresse lui servant de couronne pour le dessus de son crâne. Le col de sa robe était carré et la bordure en était soulignée par une large bande de paillettes d’or. Il y en avait des rappels sur ses manches. A son cou, une rivière de rubis, avec les boucles d’oreilles assorties. Elle ne portait pas de maquillage.

    – Je veux faire royale, pas catin des rues de Paris.

    Le palais était encore plus beau que dans ses rêves et elle dut se contrôler afin de ne pas tourner la tête dans tous les sens afin d’observer chaque recoin. Louis XVI était assis sur son trône, sa reine à ses côtés.

    – Marie-Antoinette n’a pas volé sa réputation, elle est en effet très belle. Mais son air, ses couleurs pastels, elle me fait penser à Rosalie. Trop fraîche. Une enfant de l’été qui ne sait rien des froids de l’hiver. L’hiver vient, ma reine, préparez donc vos fourrures. Médita la jeune femme en observant sa souveraine.

    Le duc de Germain lui offrit sa main. Elle posa la sienne dessus avec délicatesse et se laissa conduire près du couple royal. Jeanne plongea dans une profonde révérence, tête baissée.

    – Voici donc votre nièce, Monsieur de Germain ? Demanda Marie-Antoinette
    – Oui, Votre Majesté. Permettez-moi de vous présenter ma charmante nièce, Jeanne de Saint-Rémi.

    A ces mots, Jeanne se releva et son regard se planta dans celui du roi. Étrangement, Louis ne rompit pas le contact. Il l’observait et vu son air, il avait l’air d’apprécier le spectacle.

    – Bienvenue à la cour, Jeanne. Dit la reine avec gentillesse
    – C’est un honneur que de vous être présentée, Votre Majesté. Répondit-elle avec un sourire
    – Et vous aviez caché un tel joyau pendant trois ans ? Honte à vous, Monsieur de Germain ! Plaisanta soudainement Louis
    – Votre Majesté est trop bonne. Répliqua Jeanne avec un léger rire

    Les musiciens entamèrent alors l’air d’un menuet. Jeanne fut invitée à danser par Nicolas de la Motte, un des filleuls du duc de Germain. Elle aimait bien Nicolas, il la faisait rire, c’était une affection presque maternelle vu la bêtise de cet homme. Il savait que rien ne se passerait entre eux mais il s’estimait déjà heureux que de jouir de son amitié. Elle allait avoir besoin d’un confident et écouter, il savait le faire.

    Depuis son siège, le duc de Germain remarqua que son roi semblait captivé par Jeanne et ne la quittait pas du regard. La reine l’avait également remarqué et dit gentiment à son époux :

    – Elle est aussi gracieuse qu’élégante, elle danse divinement bien.

    Sans pour autant cesser son étude, il acquiesça et baisa la main de sa femme. Pour la première fois, Marie-Antoinette prit peur. Elle se sentit en danger.

    – Il est le roi. Il peut prendre des maîtresses. Toi, tu es la reine. Les maîtresses passent, la reine reste. Tenta-t-elle de se rassurer.

    A la fin de la danse, Jeanne faisait face au roi et malgré la distance, elle plongea alors dans une révérence si profonde que ses mains auraient pu toucher le sol. Quand elle se redressa, elle adressa un sourire plein de chaleur au jeune homme, qui se mit à applaudir avec entrain.

    Seule Jeanne remarqua l’air satisfait de son protecteur.

    Le lendemain, Louis XVI demandait par lettre à Jeanne de devenir une demoiselle de compagnie au service de la reine.

     

    XXXXXX 

     

    – Mets-toi sur le chemin du roi, qu’il te remarque. Lui avait dit son protecteur avant qu’elle n’aille au château pour son premier jour

    Marie-Antoinette exigeait de ses suivantes qu’elles portassent des robes couleur crème ou écru, ce que Jeanne détestait car elle avait l’impression que cela lui donnait un air de fantôme. La reine n’ayant rien dit au sujet des bijoux et du maquillage, elle se permit de compenser ce maque de couleur avec un rouge à lèvres vif, un peu de rouge sur les joues et n’hésitait pas à mettre des bijoux un peu plus voyants pour lui redonner de l’éclat. Elle se tenait dans la Galerie des Glaces. Le roi fut annoncé. Elle s’inclina aussitôt. Il s’arrêta devant elle.

    – Mademoiselle de Saint-Rémi. La salua-t-il
    – Votre Majesté.

    Il lui tendit la main pour l’aider à se redresser.

    – L’uniforme des demoiselles d’honneur vous va à ravir.
    – Merci, Votre Majesté.

    Louis la voyait gênée.

    – Qu’avez-vous ? S’enquit-il
    – Votre Majesté me trouve extrêmement embarrassée. C’est mon premier jour au service de la reine et j’ignore où je dois me rendre ou à qui je dois me présenter.
    – La reine n’a-t-elle pas fait parvenir un mot chez vous, écrit par Madame de Noailles, avec les détails ? S’étonna-t-il
    – Je n’ai rien reçu. Le mot s’est peut-être perdu.
    – Permettez-moi que de vous mener à la reine. Lui proposa-t-il alors en lui présentant sa main pour la guider

    Jeanne le remercia chaleureusement et accepta. Le pauvre, il était si gentil, si aimable, qu’elle se sentit coupable que de lui avoir menti. Elle n’avait pas reçu le mot mais le duc ayant des connexions à la cour, il lui avait tout expliqué. Tout comme il lui avait appris que le roi passerait ce jour-là dans la Galerie des Glaces à dix heures précises.

    – Dites-moi, Mademoiselle de Saint-Rémi ? Commença-t-il
    – Votre Majesté peut m’appeler Jeanne si elle le désire. Dit-elle avec un sourire

    Louis se surprit à lui sourire en retour.

    – J’ai su que jadis, avant que votre oncle ne vous retrouve, vous aviez vécu de sombres moments.
    – J’ai été dans l’indigence la plus totale, Majesté, vivant dans les taudis parisiens.
    – Comment vit le peuple à Paris ? J’aimerais tant pouvoir aider mon bon peuple parisien, ainsi que tous les français, mais il y a tant à faire, et je ne sais pas comment m’y prendre, j’en sais si peu !

    Un tel discours étonna Jeanne. Elle avait toujours cru que les rois étaient égoïstes et faibles. Il émanait de Louis XVI une sincérité étonnante.

    – Le peuple souffre. Il subit la crise économique, il désire travailler mais se retrouve au chômage. Mais avant tout, il a faim. Certaines familles n’ont même pas de point s’acheter leur pain quotidien. Des mères restent affamées pendant des jours et des jours pour que leurs enfants puissent manger une tranche de pain. La vie est chère, et je crains que certains n’en profitent pour se remplir un peu plus les poches.
    – De la spéculation ?! Grand Dieu ! Mon pauvre peuple ! J’avais des idées jadis, mais l’on m’a empêché…
    – Votre Majesté doit faire ce qu’elle juge être le mieux et seule Votre Majesté doit avoir le dernier mot. Vous êtes le roi. Et votre volonté est sacrée.

    Les mots de la jeune femme le frappèrent en plein cœur. Elle avait raison. Certes, il devait composer avec le Parlement, avec les nobles, les ministres, mais le roi, c’était lui. Jeanne ne l’avait vu que deux fois dans sa vie et elle avait été la première à avoir été aussi sincère.

    Le duo arriva aux appartements de Marie-Antoinette, laquelle sentit, pour une raison qu’elle ignorait, comme une rage de les voir arriver ensemble. Jeanne ne lui avait rien fait et pourtant, elle souhaitait la voir partir.

    – Comment remercier Votre Majesté ? Demanda la brune
    – Vous l’avez déjà fait.

    Il alla baiser la main de sa reine, mais avant de se retirer, il salua d’un signe de la tête sa compagne de route. Toute la journée durant, Marie-Antoinette ne put se débarrasser du sentiment de malaise qu’elle ressentait.

    XXXXXX 

     

    Quelques jours plus tard, un vent de scandale soufflait sur Versailles. Le roi Louis XVI, malgré la ferme opposition de ses courtisans, avait validé la proposition de réformée de son ministre Turgot. Les nobles devaient désormais payer un impôt, calculé en fonction de leurs revenus. Le souverain avait aussi fait faire une étude sur les conditions de vie des français à Paris et le peu qu’il recevait était alarmant. Le jeune homme dut se rendre compte de l’évidence : Jeanne avait raison. Il y avait eu des spéculateurs, ce qui expliquait en partie la hausse des prix, et ce malgré son ordre que le prix du pain soit baissé. Les piaillements de ses ministres commençaient à l’énerver. Ils ne faisaient que s’agiter sans agir. Tous se disputaient sur la manière de punir les spéculateurs.

    – Sortez. Dit-il

    Les politiciens le regardèrent, parfaitement étonnés.

    – Sortez, s’il vous plaît. Tous. Et que l’on m’amène Jeanne de Saint-Rémi.

    L’ordre étonna tout le monde. Tout comme le ton employé. Poli, mais ferme. Déterminé. Clair. Fort. Ce qui était si contraire au roi. Ce fut Oscar qui fut chargée d’aller quérir la jeune brune et la colonelle s’en voulait, elle allait imposer une telle humiliation à sa reine !

    Quand Oscar entra, Jeanne était en train de ranger les quelques broderies que sa souveraine avait avancé. Elle salua la reine.

    – Votre Majesté, le roi m’envoie. Il désire s’entretenir en privé avec Mademoiselle de Saint-Rémi.

    La femme soldat pouvait voir au fond des pupilles bleutées de Marie-Antoinette que ces mots lui faisaient mal. Elle était la reine de France et de Navarre mais son mari préférait la compagnie d’une noble de plus petite position, dont on ignorait tout de la mère, et qui descendait des Valois uniquement parce que son père était un descendant d’un bâtard du roi Henri II. Elle savait que Louis avait de l’amitié, de l’affection pour elle. Mais la manière dont il regardait Jeanne, c’était la manière dont elle regardait Fersen. Elle n’en voulait pas à Louis en particulier, il ne pouvait pas choisir de qui il tombait amoureux mais la situation lui paraissait si injuste ! Elle, obligée de réprimer ses sentiments au point d’en meurtrir son cœur, lui, pouvant s’afficher aux yeux de la cour.

    – Fort bien. Jeanne, vous êtes libérée de votre travail, allez voir le roi. Je vous donne également congé pour la journée. Parvint-elle à dire
    – Mille grâces, Votre Majesté. Répondit Jeanne en la saluant

    Une fois arrivée, Oscar la quitta. Jeanne la remercia et entra dans la pièce. Louis était assis, la tête entre les mains, clairement déchiré entre les décisions qu’il devait prendre. Elle ne pouvait s’empêcher d’avoir mal au cœur pour lui, pour ce jeune homme généreux qui voulait tant aider mais qui se sentait si impuissant.

    – Fais attention, Jeanne. Ne te laisse pas berner par ta propre illusion. Tu n’es pas amoureuse du roi. Ta mission est de devenir son amie, puis sa maîtresse et la mère de son bâtard afin d’obtenir titres et rentes. Pensa-t-elle très fort

    Pourtant, malgré cela, elle ne pouvait nier qu’elle avait un léger faible pour son souverain.

    – Majesté ? Se risqua-t-elle en avançant

    Il leva la tête et eut l’air alors soulagé d’un poids immense. Il quitta sa place et se dépêcha afin d’être face à elle et lui prit les mains.

    – Vous aviez raison, Jeanne. La France, les parisiens, tous vivent dans la misère et des voleurs sévissent. Je dois punir les spéculateurs, mais comment, comment Jeanne ? Certains évoquent la prison, d’autres disent une amende, mais comparés à leurs crimes, cela semble si peu ! Le peuple ne sentira aucunement la Justice…
    – Votre Majesté doit pardonner l’horreur de mes propos mais…
    – Mais ?
    – Jadis, quand un homme volait, on lui tranchait la main avec laquelle il avait volé. Ces hommes ont volé le grain, le labeur des français. Votre grain, Majesté. L’Etat, c’est vous.

    Face à cette phrase de son célèbre ancêtre, Louis ne put cacher un sourire.  Mais le châtiment corporel ne l’enchantait guère. Il avait su comment avait été puni l’homme qui avait essayé de poignardé son grand-père. Cela avait été macabre, horrible, et les penseurs avaient été outrés.

    – Cela peut être fait de manière propre, et l’on pourrait soigner les condamnés ensuite afin de leur éviter une infection. Une punition doit être à la hauteur du crime.
    – Jeanne, pensez-vous que… Si j’en punissais un ou deux pour la forme… et que…
    – Vous pourriez en punir un ou deux pour la forme et offrir aux autres spéculateurs votre pardon s’ils restituent ce qu’ils ont pris et baissent leurs prix, avec la promesse devant vous, notée par un greffier et signée, de ne plus jamais recommencer, sous peine de se voir mutilé. Ainsi, vous montreriez votre fermeté sans pour autant vous montrer insensible ou sourd à un possible compromis.
    – Vous lisez dans mes pensées, chère Jeanne !  Je vous connais depuis peu, pourtant, je ne saurais me passer de vous.

    Le 24 avril 1777, sur la place Louis XV à Paris, deux des plus grands spéculateurs parisiens eurent une de leurs mains tranchée, par ordre de Louis XVI. Dans son éternel soucis de paraître juste, il décida néanmoins que la main coupée ne serait pas celle avec laquelle ils écrivaient et que les deux condamnés se verraient soignés afin d’éviter la gangrène. Il voulait les punir, pas ruiner leurs vies. Il fit également savoir qu’il ne souhaitait qu’aucune représailles ne soit commise contre eux, ils avaient payé pour leur crime et c’était assez. Des centaines de spéculateurs défilèrent à Versailles pour demander pardon au roi, jurer qu’ils ne se laisseraient plus jamais tenter par un tel appât. Vers la moitié du mois de mai, le prix du pain avait commencé à baisser.

    A la cour, les courtisans savaient que s’ils voulaient des faveurs royales, le plus rapide était désormais de passer par Jeanne, qui avait l’oreille et la confiance du roi, pour une raison qui leur échappait. Le duc de Germain n’aurait pas pu être plus fier de sa protégée et s’il lui fallait payer des impôts, face à un tel résultat, cela lui paraissait dérisoire. Pour lui, il était très clair que le roi était épris de Jeanne.

    La phase finale du plan pouvait commencer.

     

     

    XXXXXX 

     

    D’habitude, Marie-Antoinette adorait l’été, à cause des longues journées claires, des robes un peu plus légères. L’été 1777 était l’un des pires qu’elle ait vécu. Elle était envahie de lettres de sa mère qui la sermonnait, la mettait en garde.

    « Tant que vous n’aurez pas produit un héritier, votre position reste faible à la cour. Mais une fois un fils enfanté, le roi se détournera de cette Jeanne. »

    « C’est de vous que le roi devrait tirer ses conseils, non de Mademoiselle de Saint-Rémi. »

    L’impératrice ne lui apprenait rien de nouveau. Elle savait que le roi pouvait annuler leur mariage, d’autant plus facilement qu’il n’avait pas été consommé. Mais Louis semblait de plus en plus apprécier la compagnie de Jeanne à la sienne, et elle ne savait pas comment y remédier. Cette femme l’avait séduit, chose qu’elle, son épouse, avait été incapable de faire. Certes, il l’appréciait mais chacune de ses tentatives de flirt avaient échoué.

    – Comme dirait Mère, elle sait comment le manipuler. Mais moi, je ne suis pas de ce genre.

    Fersen lui manquait plus que jamais. Elle se sentait de plus en plus seule dans ce palais. Et le fait d’entendre Louis, dehors, rire aux éclats avec Jeanne accentuait sa solitude.

    Louis marchait le long des canaux avec Jeanne. Elle portait une ravissante robe vert pastel avec des broderies florales bleues sur le devant. Depuis son arrivée à la cour, il avait l’impression d’avoir trouvé une amie, une qui le comprenait si bien que cela en était presque affolant. Sa connaissance de la condition roturière l’avait énormément aidé. Elle l’avait aidé en tout point, sur le plan politique comme personnel. Il appréciait de plus en plus d’être roi. Mais peu à peu, il sentait que cette belle amitié avait évolué pour lui. Un soir, alors qu’il tentait une énième fois de faire l’amour à sa femme, l’espace d’un instant, il se mit à rêver que c’était Jeanne sous ses doigts. Le visage de Marie-Antoinette s’était allongé, ses yeux avaient changé de forme et de couleur, elle avait bruni, son corps encore enfant était devenu plus femme. La douleur habituelle qu’il ressentait l’empêcha d’aller plus loin. Mais il comprit que même sans cela, il n’aurait pas pu. Elle n’était pas la femme qu’il désirait. Observant l’horizon, mentalement, il soupira. Tout lui semblait tellement plus simple avec Jeanne, tellement plus naturel !

    – Quelque chose vous tracasse, Votre Majesté ?

    La voix de Jeanne le tira de sa rêverie. Il demanda à sa suite de les laisser seuls, ils continuèrent ainsi à marcher ensemble.

    – J’ai un problème épineux à résoudre… Un héritier à la couronne…
    – On touche au but ! Pensa Jeanne

    Elle lui demanda ce qui n’allait pas.

    – J’ai beau… Essayer d’honorer la reine… Quelque chose me bloque. Les médecins m’ont parlé d’une intervention mais j’avoue qu’elle me fait peur…

    La jeune femme n’eut pas besoin de plus de renseignements. La cour grouillait de rumeurs selon laquelle le roi hésiterait à se faire opérer du phimosis qui était un barrage entre lui et la naissance d’un dauphin.

    – J’ai pris la décision que de me faire opérer mais… Et si jamais ça ne marchait pas ? Je ne veux pas donner de faux espoirs à la reine… Ni l’humilier une fois de plus avec un essai infructueux.

    La couche royale, enfin ! Cela faisait trois ans que Jeanne attendait cela, trois ans qu’elle se réservait pour Louis, qu’elle prenait des potions de fertilité au goût infect. Tout cela allait enfin se concrétiser !

    – Votre Majesté…
    – Oui Jeanne ?
    – Si Votre Majesté est déterminée à subir cette intervention… Si vous êtes désireux de… Constater un progrès dans cette affaire… Oh, comment le dire sans paraître immonde ?
    – Vous ne le serez jamais, chère Jeanne ! Lui dit-il en lui prenant les mains

    La jeune femme fut ravie de voir que son jeu d’actrice était convainquant. Enfin son jeu… Plus elle côtoyait Louis, plus ses réponses lui venaient naturellement, sans calculs, sans arrières-pensées…

    – Si Votre Majesté désire essayer… De voir si il y a eu une amélioration de sa… Condition… Je serai heureuse que de vous y aider.

    Le jeune homme la regarda avec étonnement. Malgré son air gêné et ses joues rougissantes, il sentait sa sincérité.

    – En êtes-vous certaine, Jeanne ? Vous savez ce que cela implique… Vous deviendriez… Ma maîtresse, aux yeux de tous… Un bien lourd fardeau.
    – Que je suis prête à porter pour vous, Majesté.

    Emu, il lui baisa la main.

    Une semaine plus tard, il se faisait opérer. Un mois plus tard, Jeanne était nue, à ses côtés, dans la couche royale du Petit Trianon. Et en octobre 1777, elle lui apporta une nouvelle qui le combla de joie autant qu’elle lui fit peur :

    Jeanne de Saint-Rémi portait en elle un Bourbon.

     

    A Suivre 

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #835
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Le Jeu des trônes

    Chapitre 3: Aux Portes du Destin

     

     

     

     

    Lorsque Jeanne pénétra dans la salle du trône, son être était rempli de fierté.

    Royale dans sa robe de velours rouge, elle avançait vers son amant, assis sur cette chaise dorée. Ce jour-là, elle retrouvait enfin la place qu’elle n’aurait jamais du quitter. Cela grâce à ses talents de courtisane, de paroles, grâce à sa féminité mais aussi grâce à l’enfant qu’elle portait, bien caché sous son ventre encore plat.

    La réaction de Louis quand elle lui avait annoncé sa grossesse l’avait touchée plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Il l’avait embrassée, lui répétant des milliers de fois qu’il l’aimait. Et elle devait bien se rendre compte de l’évidence. Elle l’aimait aussi. Sans doute pas autant que lui l’adorait. Mais son être l’avait touchée, touchée au plus profond de son âme. Son enfant, son bâtard, était un bâtard de l’amour et non de l’avarice.

    Arrivant face à son roi, elle s’agenouilla sur le coussin prévu à cet effet et la tête droite, elle écouta son secrétaire lui annoncer ce dont elle avait toujours rêvé.

    – Mademoiselle Jeanne de Saint-Rémi, nièce et pupille du Duc de Germain, il est du plaisir de Sa Majesté, Louis, seizième du nom, que de vous faire Duchesse de Saint-Rémi en qualité d’héritière de feu votre père.

    Un murmure parcourut l’assemblée. Personne n’ignorait que Jeanne partageait la couche royale. Mais une telle promotion, avec la rente que cela sous-entendait, le pouvoir que cela instaurait, tout cela donner à une femme.

    Le Duc de Germain observait depuis la foule sa jeune protégée alors que Louis la recouvrait du rouge manteau de la noblesse, à la bordure d’hermine, la coiffer de la couronne du duché de feu son meilleur ami, recevoir les lettres patentes, le comblait de fierté. Il pensa à Guillaume, imaginant sa réaction.

    – Ta fille a récupéré tes terres et a ressuscité ta lignée, cher Guillaume. Ta fille va aussi devenir la future reine de France. Ta fille par la petite Nicole dont tu me vantais la douceur de ses seins. Tu as engendré une guerrière. Une vraie Valois.

    Marie-Antoinette regardait la scène et chaque seconde perçait son cœur de toute part. Louis aimait Jeanne. Soit. Elle aimait bien Fersen. Mais il arrivait à l’honorer en tant que femme à part entière alors qu’elle restait dans la frustration d’un acte jamais vraiment accompli. Et depuis que Jeanne était devenue sa maîtresse, il n’avait plus jamais tenté de la toucher. Les lettres pleines de remontrances de sa mère ne lui faisaient plus rien. Elle se sentait de plus en plus seule dans ce château doré. Jeanne était désormais la vraie reine de Versailles. Les courtisans se pressaient auprès d’elle pour avoir les faveurs du roi. Elle, elle n’était qu’un joli apparat. Elle souhaitait tout le bonheur du monde à son mari et à sa favorite. Les deux avaient toujours été très respectueux de sa personne. Mais ce palais l’étouffait. La couronne lui pesait de plus en plus et au fond, elle priait pour la délivrance finale.

    – Que Louis annule notre mariage s’il le veut. Je suis prête à tout endurer. Mais que ce carnage cesse. Je me perds un peu plus chaque jour dans ce rôle qui me convient si peu…

     

    XXXXX

     

     

    Seuls les conseillers du roi étaient au courant de la grossesse de Jeanne et Louis avait fait comprendre que seuls eux devaient le savoir. Sous peine de mort.

    – Ceci est un signe de Dieu. Dit alors un cardinal

    Ses paroles surprirent Louis.

    – Vous parlez d’un miracle alors que je suis adultère ? Vous m’étonnez.
    – Le Seigneur vous a envoyé Mademoiselle Jeanne pour vous guérir de votre affliction. La reine est une femme bonne et belle, mais il semblerait que Dieu ait d’autres desseins pour elle.
    – La grossesse de Jeanne de Saint-Rémi est une bénédiction, et à l’heure actuelle, alors que votre position sur le trône reste fragile, vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir un bâtard. Cet enfant doit naître dans les liens sacrés du mariage. Ajouta un autre
    – Avez-vous perdu l’esprit ?! S’emporta le roi

    Annuler son mariage avec Marie-Antoinette. Si cela était tentant, Louis ne voulait pas imposer une telle honte à sa femme. Il avait de l’affection pour elle, elle était une amie. Et rompre le mariage, c’était rompre l’alliance avec l’Autriche. C’était risquer la guerre. Le peuple avait de l’affection pour sa reine. Henry VIII avait mené son pays à la guerre civile pour une femme aux cheveux d’ébène. Louis ne voulait pas devenir le nouvel Henry. Il entendit d’une oreille distraite l’un de ses ministres formuler à voix haute ce que sa propre conscience lui murmurait. Que faire ? Oh, que faire ?

    – Ne pourrais-je pas légitimer cet enfant et en faire mon héritier ? Se risqua-t-il
    – Les français n’accepteraient jamais un bâtard sur le trône de France.
    – Je suis leur roi !
    – Quiconque dit être le roi n’est pas un roi véritable, Votre Majesté. Dit un autre avant de poursuivre. Majesté, je pense comprendre vos craintes mais nous n’avons guère le choix. Vous devez avoir un fils et Mademoiselle Jeanne en porte peut-être un alors que la reine demeure stérile.
    – Nous risquons la guerre avec l’Autriche ! Argumenta Louis
    – Nous la risquons également si vous faîtes en sorte que cet enfant naisse illégitime et que vous lui offriez la couronne. L’impératrice pourrait le prendre comme une grave offense.

    Le jeune roi soupira, se pinçant la base du nez entre son pouce et son index. Voyant le malaise de son souverain, le jeune ministre tenta, plus doucement :

    – Peut-être pourrions-nous tenter quelque chose à l’amiable avec l’Autriche ? Etre franc avec l’impératrice peut être un avantage. Nous pourrions demander son accord pour lancer la démarche d’une annulation de mariage auprès du Pape, sur la base d’une non-consommation de l’union, mais promettre à l’impératrice une contrepartie. Peut-être rembourser la dot de la reine ?

    Voyant qu’il n’y avait que peu d’issues, Louis accepta. La réponse de l’impératrice fut étrangement conciliante. La royale autrichienne acceptait cette séparation, prétendant comprendre les enjeux qui poussaient le roi français à agir ainsi.

    – Vous avez toujours été bon avec mon Antonia, patient et aimable. Avait-elle même ajouté à sa lettre

    Cela avait faire sourire amèrement Louis. Elle expliquait aussi son désir de voir l’alliance préservée. Et pour que Marie-Antoinette ne se révèle pas inutile, Marie-Thérèse exigeait qu’après le divorce, la jeune femme soit considérée comme une pupille de France et que Louis arrange un autre mariage pour elle. Le soulagement envahit le souverain mais très vite, l’inquiétude le gagna. Il fallait annoncer la nouvelle à Marie-Antoinette.

     

    XXXXX

     

     

     

    – En ce qui me concerne, notre union arrive à son terme.

    Si elle s’attendait à entendre ses mots, ils n’en restèrent pas moins blessants et destructeurs. Marie-Antoinette se sentait mal, honteuse, faible mais surtout inutile. Une part d’elle lui criait qu’elle n’était pas coupable mais elle ne pouvait se débarrasser de ce sentiment d’échec cuisant. Si le peuple l’aimait, il commençait à jaser sur sa virginité intacte. La cour la méprisait, et même si elle était encore la femme de Louis, elle n’était plus la reine depuis longtemps. Jeanne l’avait remplacée dès que Louis l’avait honorée dans sa couche royale. Elle avait déçu ses proches, elle les avait tous déçus, les uns après les autres, même ceux qui avaient expiré. Son rôle était d’être la femme du roi, la mère de son fils, sa partenaire politique. Elle n’avait été aucune des trois et sa mère ne voulait même pas qu’elle revienne en Autriche. Elle la comprenait en un sens. Serait-elle capable de redevenir l’Antonia de jadis ? De faire face aux quolibets, à la honte, à tout ? Demander à ce qu’elle soit pupille noble de France, c’était la protéger mais aussi l’exiler un peu plus de manière définitive de sa terre natale. Et même si la couronne ne lui pèserait plus, elle ne serait jamais la maîtresse de sa destinée. Son avenir était dans les mains de Louis. Sa future ex-belle-soeur, Elisabeth, avait raison. On n’était pas sur Terre pour être heureux.

    La jeune femme renvoya toutes ses suivantes, afin d’avoir enfin un peu de paix. Elle fit savoir qu’elle ne paraîtrait plus de la journée. Elle relâcha ses longs cheveux blonds, alors emprisonnés dans ses chignons. Ils lui tombèrent en cascade de boucles sur ses épaules pâles. Elle s’assit sur un fauteuil et se servit un grand verre de vin. Elle le leva et dit alors clairement :

    – La Reine est morte. Vive la Reine.

    Elle en but le contenu en une seule fois.

     

    XXXXX

     

     

    Tout se passa très vite dans les semaines qui suivirent. Le Pape Pie VI accorda très vite l’annulation du mariage des époux de France, les preuves étant suffisantes et les témoins nombreux pour prouver que jamais rien ne s’était passé entre les deux personnes. Le fait que le secret de la grossesse de Jeanne fut parfaitement tenu par les gouvernements français et autrichien y fut également pour beaucoup.

    Jeanne observait cela de loin avec un sentiment de jouissance. C’était elle qui avait eu raison, et non sa mère. Au lieu de se résigner, il fallait bousculer le destin. C’était ce qu’elle avait fait et de la froideur de sa pauvre couche parisienne, elle était passée à la douceur des soieries de Versailles, un roi pour amant et sous peu, pour mari. Nicole l’aurait certainement sermonnée pour avoir osé briser un mariage, coucher avec un homme marié et en plus porter son enfant.

    – Tu n’étais pas si à cheval sur les sacrements quand Père te bélinait. Tellement peu à cheval sur les sacrements que tu as réussi à avoir deux filles avec lui alors que sa femme avait le con desséché. Je t’aime, mais tu n’es qu’une hypocrite. Avoue que tu espérais devenir la duchesse de Saint-Rémi. Tu étais horrifiée par mes actions parce que j’étais un miroir qui reflétait l’adolescente que tu avais été jadis. Sauf que moi, au lieu de me draper du voile de l’innocence, j’assume mon statut et j’en jouis même. Regarde moi, Maman. Cette enfant que tu jugeais irrécupérable va devenir reine de France. Quand tu joues au jeu des trônes, tu gagnes ou tu meurs, tu ne peux pas avoir de juste milieu. Et je vais gagner.

    Par chance, même la mode se mettait de son côté pour cacher son secret qui ne devait être révélé qu’après le mariage. La tendance était aux robes larges. Elles cachaient ses formes rondes. Trop rondes d’ailleurs. Jeanne avait vu des femmes enceintes mais aucune n’avait autant de rondeurs qu’elle à ce stade de la grossesse.

    – Tu portes peut-être des jumeaux. Suggéra le duc de Germain

    Si tel était le cas, la chance lui souriait vraiment. Restait à s’occuper du cas de l’ancienne reine. Pour une fois, elle se rangeait du côté de Louis. Elle devait épouser Fersen. Pour Louis, ce n’était que justice. Après tout, il allait épouser celle qu’il aimait. Pour Jeanne, c’était un moyen de s’assurer la loyauté de la jeune femme. Elle leur devrait la joie de ce mariage d’amour. Bien sûr, elle devait rester dans l’ombre mais son heure de gloire éternelle viendrait bien assez tôt.

     

    XXXXX

     

    – Son Altesse, l’archiduchesse Maria-Antonia d’Autriche, pupille de France.

    Louis avait toujours du mal à s’habituer à ce nom nouveau.

    – Marie, quelle joie de vous voir ! Dit-il en lui baisant aimablement les joues avant de l’inviter à s’asseoir
    – Votre Majesté m’a fait mander ?
    – J’ai en effet une affaire importante vous concernant. Mais le comte de Fersen doit d’abord nous rejoindre.

    Si elle fut intriguée, la jeune femme n’en laissa rien paraître. Un masque qu’elle portait depuis que Jeanne était apparue dans leurs vies. Très vite, Axel de Fersen fut annoncé. Il salua le roi, Marie-Antoinette, avant de s’asseoir sur ordre du royal divorcé.

    – Comme vous le savez, chère Marie, votre mère m’a demandé de me charger de votre avenir, car vous êtes désormais pupille de France.

    Elle acquiesça en silence.

    – Mon amour pour Jeanne m’a ouvert les yeux sur le monde autour de moi. Si vous avez eu de l’affection sincère pour moi, votre véritable amour se trouve en Axel de Fersen.

    Un silence maladroit s’installa.

    – Et d’après ce que je peux constater, je sais que cela est réciproque. Poursuivit-il

    Les deux amants baissèrent les yeux, presque honteux.

    – Marie, je veux vous offrir ce que je n’ai pas pu vous donner du temps où nous étions mari et femme. Si toutefois, le comte de Fersen l’accepte.

    Marie-Antoinette sentit alors comme une excitation lui nouer l’estomac. Non, Louis ne pouvait pas penser à cela ?! L’espace d’un instant, le roi français put voir les yeux bleus de son ancienne épouse briller intensément.

    – Si cela est un désir commun entre vous, moi, Louis seizième du nom, roi de France et de Navarre, vous donne ma bénédiction. Vous êtes libres de vous marier.

    Pour la première fois depuis des années, Marie-Antoinette se sentit insouciante et légère, comme l’enfant qu’elle avait été jadis, avant qu’elle ne soit vendue comme un morceau de viande sur l’échiquier politique européen. Fersen avait un sourire radieux et ne cessait de remercier Louis. Il se mit alors à genoux face à elle et lui demanda :

    – Marie-Antoinette, voulez-vous m’épouser ?

    Un sourire se peignit sur son visage et rayonnante, elle accepta. Louis s’éclipsa alors pour les laisser. Ce ne fut qu’à ce moment-là que le couple s’embrassa et se permit alors ce plaisir qui leur avait été interdit. Ils étaient fiancés, plus rien ne les empêchait de s’y adonner. Les flocons de neige du mois de janvier 1778 furent les témoins silencieux de la première union des corps des amants.

    Louis épousa Jeanne le 16 janvier 1778. Elle fut couronnée le même jour. La joie et la fierté qu’elle ressentait ce jour-là étaient indicibles. Enfin ! Elle, descendante des Valois, ayant grandi dans les taudis de Paris, avait retrouvé la place qui lui revenait de plein droit ! Elle était reine !

    – Vous voyez, Rosalie, Maman, j’avais raison et vous aviez tord.

    Le 14 février 1778, Marie-Antoinette devenait la nouvelle comtesse de Fersen. Le 16, elle remarquait que ses menstrues étaient en retard. Le 16 mars, elle dut se rendre compte de l’évidence. Le jour de ses fiançailles, jour béni où elle s’était donnée à Axel, elle avait conçu leur enfant. Ce même jour, Jeanne annonçait sa grossesse à la cour. Étrangement, Marie-Antoinette ne ressentit aucune colère, rien, si ce n’était que de la joie pour le couple. A défaut d’avoir aimé le roi, elle était tombée amoureuse de la France. Les français allaient adorer ce petit être issu de l’ancienne maîtresse du roi.

     

    Le 14 juillet 1778, les vagissements qui résonnaient dans Versailles remplirent de fierté le duc de Germain. Il avait réussi. Lui, l’oncle adoptif de Jeanne, était désormais lié aux Bourbons de manière indélébile.

    Jeanne venait d’accoucher de deux fils.

     

     

    A Suivre

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #836
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Le Jeu des trônes

    Epilogue

     

     

    La naissance du dauphin Louis-Ferdinand et de son jumeau, Jean-Guillaume, fut célébrée par une France en liesse. Les paysans qui avaient encore des idées sur Jeanne les oublièrent et elle devint pour eux la reine incontestée. De son lit d’accouchée, la souveraine jubilait. Dire qu’il y avait encore peu, elle traînait les rues sales et nauséabondes de Paris ! Et voilà qu’elle était reine, la reine de France et de Navarre, la mère du futur roi ! Elle, la fille Valois au sang bâtard, avait détrôné sans effusion de sang la royale Habsbourg et avait réussi là où la blondinette avait échoué. Elle n’oublia pas son protecteur, le duc de Germain, qui se vit nommer au conseil du roi, allouer une rente et il obtint également les terres de son défunt ami.

    – Je peux tout accepter, sauf ça. Avait-il dit à Jeanne
    – Je suis la reine désormais. Avec mes fils, on ne peut me détrôner et tout le pays me sait fertile. Je n’ai qu’à faire d’autres fils pour asseoir un peu plus mon autorité. Mais je ne puis être la reine et la duchesse de Saint-Rémi. Il faut quelqu’un pour régenter. Les terres de mon géniteur. Qui mieux que vous, qui avez tant aimé mon père ?

    Cela toucha le duc.

    – Je n’ai pas d’héritier et je ne suis plus tout jeune, Jeanne.
    – Il y a un autre héritier du sang des Saint-Rémi.

    Elle vit soudain quelque chose briller au fond des pupilles de son protecteur. De la surprise mais peut-être également du soulagement.

    – J’ai une sœur, qui vit encore dans les bas-fonds de Paris. Elle s’appelle Rosalie. Rosalie Lamorlière. Prenez notre mère à votre service afin qu’elle ne manque de rien. Nommez Rosalie comme votre héritière.

    Devenir mère lui avait fait penser à la sienne et à Rosalie, restées derrière. Certes, elles avaient choisi cela mais elle était reine désormais. Elle pouvait améliorer leurs existences.

    – Et comment justifier que je trouve la petite sœur de la reine trois ans après la reine ? Demanda l’homme
    – Paris est grand. Vous trouverez bien une justification.

     

    XXXXX

     

    Quand Nicole vit, du fond de son lit, l’ami de feu son amant pénétrer dans sa demeure, elle crut revenir des années en arrière, quand il était venu lui annoncer son décès. Etait-il arrivé quelque chose à Jeanne ? Elle savait ce qu’il était advenu de son aînée. Comment aurait-il pu en être autrement ? Ses aventures avaient fait le tour de la France entière. Sa petite Jeanne était devenue sa reine.

    – Bonjour, Nicole.
    – Monsieur le duc. Pardonnez-moi… Je me lèverais bien pour vous saluer mais voyez mon état…
    – Tu es chez toi. Je n’ai rien à dire contre la mère de la reine Jeanne. Je suis ici pour ton autre fille, Rosalie.

    Nicole crut mourir. Jeanne était partie et désormais, il allait lui prendre sa dernière fille !

    – C’est la reine qui m’envoie. Je suis le protecteur des terres de feu son père. Elle souhaite que Rosalie devienne la future duchesse de Saint-Rémi.
    – Jeanne a pensé à moi pour un travail si important ? Dit alors une voix fluette et douce

    Le duc observa alors l’adolescente qui parut devant lui. Il n’ignorait rien du fait que Nicole n’avait pas accouché de Rosalie. Elle n’avait pas grand chose de son père non plus. Aussi blonde que sa sœur était brune, si il y avait une seule chose qu’elle avait hérité de son géniteur, c’était peut-être la blancheur de sa peau et les yeux océan de sa grand-mère paternelle, la duchesse Catherine de Saint-Rémi.

    – Oui, chère Rosalie. Ta sœur, la reine, m’a confié les terres de votre père et elle juge normal qu’elles te reviennent. Elle ne peut les régenter, puisque qu’elle a la France à gérer aux côtés de son mari. Mais elle te juge apte et digne de reprendre votre héritage.

    Jeanne s’était souciée d’elle. Cette pensée réchauffa le cœur de la jeune fille. Elle avait souvent pleuré, pensant que Jeanne ne l’aimait plus, qu’elle avait honte, qu’elle les avait oubliées, sa mère et elle. Néanmoins, elle ne pouvait pas accepter.

    – Monseigneur, vous remercierez la reine de sa générosité mais je ne puis accepter. Je ne saurais laisser ma mère derrière, elle a bien trop besoin de moi. Qui veillera sur elle si je ne suis plus là ?
    – La reine a également pensé à cela, très chère. Ta mère entrera à ton service. Vous ne serez pas séparées.
    – Et comment justifierez-vous que ma fille ait été retrouvée tant d’années après sa sœur ? Demanda alors Nicole

    L’homme sourit. Malgré la maladie, la domestique n’avait rien perdu de l’esprit piquant qui l’animait dans sa prime jeunesse et qu’elle avait transmis à sa souveraine de fille.

    – Nous dirons que nous avons retrouvé Rosalie en même temps que Jeanne mais sa jeunesse et sa santé nous avaient forcés à l’envoyer à la campagne. Je donnerai à Rosalie la même éducation que Jeanne. Elle sera aimée de son peuple. Elle semble avoir hérité de la gentillesse de son père.
    – Je refuse que ma fille intrigue pour arriver au sommet ! Jeanne avait peut-être du talent pour cela, mais Rosalie n’est pas Jeanne !
    – Paix, Nicole. Jeanne devait intriguer pour arriver là où elle le voulait. Rosalie n’aura pas besoin de cela. Jeanne lui offre sa place sur un plateau d’argent.

    L’alitée réfléchit. Rosalie retrouverait sa place de noble et sera la légataire de son père. Elle serait assez noble pour aller à Versailles et revoir Jeanne. Les deux sœurs pourraient redevenir des amies, comme jadis. Mais elle pensa alors à la mère biologique de la jeune fille. Si elle reconnaissait sa fille, elle risquerait de briser ce dur travail qu’avait fait Jeanne pour offrir à sa demi-soeur ce magnifique cadeau. Comme s’il avait lu dans ses pensées, le duc lui dit :

    – L’autre est impuissante. Elle n’a pas ses entrées à Versailles. Trop peu fortunée. Et la seule qui aurait pu la faire monter en grâce est désormais une comtesse suédoise, enceinte de son premier enfant. Si elle tente quoi que se soit, nous la détruirons et l’attaquerons pour diffamation. Et attaquer la sœur de la reine, c’est attaquer la reine elle-même. Sois sans crainte. J’aime les enfants de Guillaume comme s’ils étaient les miens et je ne laisserai rien ni personne tenter quoi que ce soit contre eux.
    – Une fois duchesse, pourrais-je engager à mon service mes amis parisiens et tout ceux qui ont été bons envers moi ?

    La question de Rosalie, prononcée d’une voix timide, leur rappela qu’elle était présente.

    – Mais bien sûr, douce Rosalie. De toutes façons, une fois ton éducation terminée et une fois ta présentation à Versailles faite, je me retirerai pour te laisser en maîtresse absolue sur les terres de ton père. Tu seras riche à ne plus savoir où donner de la tête. Tu pourras faire ce que bon te semble.

    La jeune fille semblait pensive. Elle n’avait pas imaginé sa vie ainsi. Elle pensait épouser un brave travailleur et continuer à vivre à Paris. Mais si elle devenait duchesse, elle pourrait soulager la vie de tous ses amis qui avaient été si gentils avec elle, elle pourrait soulager tant d’autres vies ! Et puis, il y avait sans doute des nobles tout aussi braves et gentils que les bonnes gens modestes.

    – Alors d’accord. J’accepte.

    Une semaine plus tard, mère et fille étaient au château des Saint-Rémi, que le duc avait fait restauré. Rosalie s’avéra meilleure élève encore que Jeanne, si bien que six mois plus tard, elle put être officiellement présentée à la cour, aux côtés de sa mère qu’elle avait fait nommer dame d’honneur. Elle devint très vite la favorite de sa royale sœur.

     

    XXXXX

     

    La vie de Marie-Antoinette ne fut jamais aussi douce que depuis le jour où l’on ôta officiellement la couronne de France de sa tête. Sa vie ressemblait enfin à celles des héroïnes du peu de romans qu’elle avait lu. Elle avait épousé celui qu’elle aimait. Louis avait permis au couple de demeurer en France et pour montrer toute son amitié envers elle, devenue alors sa pupille, il avait offert au couple en guise de cadeau de mariage, le petit Trianon.

    – Vous êtes née Archiduchesse. Vous devez avoir une demeure royale. Lui avait-il dit

    L’endroit était un enchantement et elle pouvait enfin respirer ! Finie l’étiquette pesante, les yeux qui vous dévoraient alors que vous tentiez de déjeuner, de devoir attendre telle heure pour pouvoir aller déféquer, toujours accompagnée bien sûr. C’était l’endroit idéal pour fonder leur famille. Elle invitait très souvent Oscar à venir déjeuner et c’était la colonelle qui la tenait au courant des nouveautés à la cour.

    – Je suis bien heureuse que la reine Jeanne puisse à nouveau jouir de la présence de sa sœur. Moi-même séparée d’une sœur que j’aime tendrement, je ne peux que me réjouir de retrouvailles fraternelles. Lui avait-elle dit avec sincérité
    Sa grossesse se passa merveilleusement bien et elle occupait son temps à broder des vêtements pour son enfant ainsi que pour son filleul, le dauphin de France. C’était Jeanne qui avait suggéré cela et Marie-Antoinette lui en était reconnaissante. Elle n’hésitait pas non plus à gâter le petit frère du futur roi.

    Le 16 octobre 1778, elle mit au monde une petite Marie-Thérèse Charlotte, que son père adorait et gâtait comme une pharaonne d’Egypte.

     

    XXXXX

     

    Au fil des ans, la popularité de Jeanne ne cessait de croître. Elle donna à son mari la force que de s’imposer face à tous ses détracteurs et il parvint à imposer les réformes dont le pays avait besoin.
    Vers 1789, si le pays était encore fragile au niveau de ses finances, il était déjà bien loin de la banqueroute laissée par Louis XV. Le peuple aimait le roi et le coût de la vie avait bien baissé.
    A ses fils de onze ans, Jeanne avait donné encore deux frères et trois sœurs : Eugène, Hortense, Jean, Anne et Mathilde. Aimée du roi, aimée du peuple, rien ne pouvait plus lui nuire. La France semblait sur la bonne voie et jamais aucun vent de rébellion n’avait soufflé contre la monarchie. Son triomphe était complet.

    Marie-Antoinette donna à Fersen trois autres enfants en plus de Marie-Thérèse : Louis-Joseph, Louis-Charles et Sophie. Leur amour était aussi fort qu’au premier jour, preuve en était du joli ventre rebondi qu’arborait la comtesse lors des festivités pour les onze ans des petits princes.

    Le duc de Germain tint parole et laissa Rosalie en maîtresse totale sur les terres de Guillaume de Saint-Rémi. Elle le garda néanmoins auprès d’elle en tant que premier conseiller. Elle tint parole également en prenant à son service tous ceux qui avaient été bons avec elle lors des années de disette. L’homme dut convenir que si elle n’avait pas la fibre courtisane et intrigante de sa sœur, elle avait cependant cet instinct qui lui dictait ce qu’il fallait faire si elle voulait demeurer à sa place. Il lui fallait un héritier. Tant pis pour l’amour, elle pourrait toujours prendre des amants, après tout, c’était ce que les femmes nobles de l’abbaye de Penthemont, venues exprès pour l’éduquer, lui avaient dit. Et puisqu’elle désirait que le nom de Saint-Rémi demeure, il fallait un homme prêt à accepter qu’il soit adopté en tant que Saint-Rémi par son protecteur, le duc de Germain, prêt à abandonner son nom de famille. Jeanne l’aiguilla vers son fidèle Nicolas. En janvier 1780, Rosalie l’épousa et il devint duc de Saint-Rémi. De nom seulement. Il laissa Rosalie gérer les terres de son père. En décembre 1780, elle accoucha de jumelles, Jeanne et Nicole. En novembre 1781, elle eut enfin le garçon désiré : Antoine. En 1782, elle eut Laurent et en 1785, elle leur donna un autre frère, Alexandre. En mai 1789, après une grossesse surprise, elle eut une troisième fille qu’elle prénomma Agnès. Elle fut une duchesse adorée par les gens qu’elle régentait.

    Nicole mourut paisiblement, dans son sommeil, en 1800.

    Le duc de Germain quitta ce monde, l’esprit en paix, deux ans plus tard.

    Et alors que Jeanne tenait dans ses bras son petit-fils Louis-Jean en 1808, après avoir eu deux petites-filles Marie-Louise et Désirée, né de Louis-Ferdinand et de Marie-Louise d’Autriche, elle se rappela alors ce qu’elle s’était dit quand elle entra à Versailles des décennies plus tôt, alors qu’elle éprouvait quelques remords à l’idée de prendre Louis à son épouse :

    Quand on joue au jeu des trônes, soit on gagne, soit on perd mais il n’y a aucun juste milieu.

    FIN

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

5 sujets de 1 à 5 (sur un total de 5)
  • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.