La blessure de trop

Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Auteur
    Messages
  • #668
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    La Blessure de trop

    Grand-Mère était une femme forte. Il fallait être forte pour survivre à tout ce qu’elle avait vécu. Elle avait connu les peines de tous les êtres humains : la faim, le froid, mais Grand-Mère connut surtout la douleur.

    D’abord, la douleur d’orpheline.

    Cette perte lui faisait mal mais elle était dans l’ordre naturel des choses. Un enfant enterre ses parents. C’est ainsi que cela fonctionne, même si cela paraît toujours trop tôt aux yeux des éplorés.

    Puis la douleur de la veuve.

    Perdre son conjoint avait profondément bouleversé Grand-Mère. D’autant plus que la mort était accidentelle. Il préparait une charpente, montrant à son fils comment faire afin qu’il puisse reprendre son activité. Mais il était tombé du sommet de la structure de bois, se brisant le dos. Il était mort sur le coup, c’était là une maigre consolation pour la nouvelle veuve. Mais encore une fois, malgré son cœur brisé, Grand-Mère se dit que c’était dans l’ordre naturel des choses. Une épouse enterre son mari et vise-versa.

    Il fut un temps où la vie fut plus douce avec elle. Elle avait été engagée par les Jarjayes pour s’occuper de leurs filles. C’était une famille noble dans tous les sens du terme. Elle s’estimait chaceuse. De plus, son fils s’était marié et il état le papa d’un petit André. La vie continuait. Un soleil se couche, un plus jeune se lève et cela, à l’infini.

    Néanmoins, la douleur revint. La douleur de la mère.

    Son fils et sa bru étaient morts dans un incendie. Seul le petit André avait survécu. Il n’y a aucun mot dans aucune langue pour désigner un parent ayant perdu un enfant. Celui qui n’a plus de parents est orphelin. Celui qui n’a plus de conjoint est veuf. Mais le parent qui perd son enfant ? Le concept est inenvisageable pour tous, de ce fait, il n’est pas qualifié. Ce n’était plus l’ordre naturel des choses, Grand-Mère le savait. Cependant, André était encore là. Elle se devait d’être forte pour le petit bout normand orphelin. La perte de son fils resterait à jamais comme une plaie béante dans son cœur. Malgré tout, avec André, elle avait le baume qui soulagerait ses maux.

    Enfin, la blessure de trop.

    La douleur de trop.

    La perte de trop.

    La douleur de la grand-mère.

    Si cela va à l’encontre des choses qu’une mère enterre son fils, qu’elle enterre son petit-fils pousse un peu plus dans cette incohérence cruelle de la vie. Un soldat de la division d’Oscar, sa petite-fille de cœur, la dernière enfant des Jarjayes élevée en homme, la dernière enfant qu’elle avait vu grandir et qu’elle avait aimé, était tombée sous les feux de la Bastille. Et André n’avait pas survécu. Il était mort la veille en protégeant Oscar d’une balle. Grand-Mère sentit son monde se briser le jour de son anniversaire.

    Oui, elle était une femme forte. Mais là, c’était trop. C’était beaucoup trop. C’était au-delà de ce qu’elle pouvait supporter. Alors, paisiblement, elle laissa le chagrin la bercer et la mort vint la chercher pour la réunir à son cher petit André et à sa mignonne petite Oscar.

    FIN

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.