Home Sweet Home

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    Marina de Girodelle
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    @marina-de-girodelle

    Home Sweet Home

    Il lui avait fallu attendre presque vingt ans avant de fouler à nouveau le sol de ses ancêtres. Débarquée à Calais, Marie-Thérèse Charlotte, fille de feu Louis XVI et de Marie-Antoinette, observait avec émotion la France qui se dévoilait sous ses yeux. Elle ne se rappelait que trop bien cette fin d’année 1795, où le gouvernement français avait décidé que sa séquestration avait duré assez longtemps. On l’envoyait, en échange de prisonnier, à Vienne, là où sa mère avait grandi, ce beau Vienne qu’elle évoquait avec nostalgie, ces jours heureux où le poids du monde n’était pas encore sur ses frêles épaules. L’annonce avait déchiré le cœur de la jeune orpheline. Si elle était aussi autrichienne par sa mère, elle était avant tout fille de France, du sang des Bourbons ( et non des Capet, mais ces incultes barbares révolutionnaires avaient trop peu de respect pour l’Histoire pour s’encombrer d’une pareille nuance ).

    Marie-Thérèse se revoyait dans cette calèche la menant loin de sa patrie, on lui arrachait encore une fois un lien, une racine. On lui avait tout pris : sa famille, ses amis, son titre, même sa terre natale semblait encore de trop, elle qui embarrassait par sa présence toute la République, pour être née fille de roi, petite-fille d’impératrice. En silence, elle avait fixé de ses yeux gris le paysage de la France, pour ne jamais l’oublier. Elle était partie adolescente, elle revenait adulte. Et en vingt ans, pour elle, la France n’avait pas foncièrement changé. Elle restait cette beauté qu’elle avait idéalisé en secret à Vienne. Tout était resté à l’identique : la tendresse du vert des prés, le bleu de l’eau qui ondulait en rivière, l’or des blés… Quand elle avait vu la frontière française se dessiner sous ses yeux, elle eut une sensation d’apaisement, de retour à la normalité, d’être enfin là où elle devait être.

    La France l’avait vue naître.

    Et malgré ce que la France lui avait fait subir, elle continuait à l’aimer, au point que la princesse souhaitait ceci :

    La France l’avait vue naître, oui.

    Elle espérait qu’elle la verrait mourir et hébergerait les restes de sa personne, une fois son temps venu.

     

    FIN

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

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