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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Le Jeu des Trônes (fini) Répondre à : Le Jeu des Trônes (fini)

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Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Le Jeu des trônes

Chapitre 3: Aux Portes du Destin

 

 

 

 

Lorsque Jeanne pénétra dans la salle du trône, son être était rempli de fierté.

Royale dans sa robe de velours rouge, elle avançait vers son amant, assis sur cette chaise dorée. Ce jour-là, elle retrouvait enfin la place qu’elle n’aurait jamais du quitter. Cela grâce à ses talents de courtisane, de paroles, grâce à sa féminité mais aussi grâce à l’enfant qu’elle portait, bien caché sous son ventre encore plat.

La réaction de Louis quand elle lui avait annoncé sa grossesse l’avait touchée plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Il l’avait embrassée, lui répétant des milliers de fois qu’il l’aimait. Et elle devait bien se rendre compte de l’évidence. Elle l’aimait aussi. Sans doute pas autant que lui l’adorait. Mais son être l’avait touchée, touchée au plus profond de son âme. Son enfant, son bâtard, était un bâtard de l’amour et non de l’avarice.

Arrivant face à son roi, elle s’agenouilla sur le coussin prévu à cet effet et la tête droite, elle écouta son secrétaire lui annoncer ce dont elle avait toujours rêvé.

– Mademoiselle Jeanne de Saint-Rémi, nièce et pupille du Duc de Germain, il est du plaisir de Sa Majesté, Louis, seizième du nom, que de vous faire Duchesse de Saint-Rémi en qualité d’héritière de feu votre père.

Un murmure parcourut l’assemblée. Personne n’ignorait que Jeanne partageait la couche royale. Mais une telle promotion, avec la rente que cela sous-entendait, le pouvoir que cela instaurait, tout cela donner à une femme.

Le Duc de Germain observait depuis la foule sa jeune protégée alors que Louis la recouvrait du rouge manteau de la noblesse, à la bordure d’hermine, la coiffer de la couronne du duché de feu son meilleur ami, recevoir les lettres patentes, le comblait de fierté. Il pensa à Guillaume, imaginant sa réaction.

– Ta fille a récupéré tes terres et a ressuscité ta lignée, cher Guillaume. Ta fille va aussi devenir la future reine de France. Ta fille par la petite Nicole dont tu me vantais la douceur de ses seins. Tu as engendré une guerrière. Une vraie Valois.

Marie-Antoinette regardait la scène et chaque seconde perçait son cœur de toute part. Louis aimait Jeanne. Soit. Elle aimait bien Fersen. Mais il arrivait à l’honorer en tant que femme à part entière alors qu’elle restait dans la frustration d’un acte jamais vraiment accompli. Et depuis que Jeanne était devenue sa maîtresse, il n’avait plus jamais tenté de la toucher. Les lettres pleines de remontrances de sa mère ne lui faisaient plus rien. Elle se sentait de plus en plus seule dans ce château doré. Jeanne était désormais la vraie reine de Versailles. Les courtisans se pressaient auprès d’elle pour avoir les faveurs du roi. Elle, elle n’était qu’un joli apparat. Elle souhaitait tout le bonheur du monde à son mari et à sa favorite. Les deux avaient toujours été très respectueux de sa personne. Mais ce palais l’étouffait. La couronne lui pesait de plus en plus et au fond, elle priait pour la délivrance finale.

– Que Louis annule notre mariage s’il le veut. Je suis prête à tout endurer. Mais que ce carnage cesse. Je me perds un peu plus chaque jour dans ce rôle qui me convient si peu…

 

XXXXX

 

 

Seuls les conseillers du roi étaient au courant de la grossesse de Jeanne et Louis avait fait comprendre que seuls eux devaient le savoir. Sous peine de mort.

– Ceci est un signe de Dieu. Dit alors un cardinal

Ses paroles surprirent Louis.

– Vous parlez d’un miracle alors que je suis adultère ? Vous m’étonnez.
– Le Seigneur vous a envoyé Mademoiselle Jeanne pour vous guérir de votre affliction. La reine est une femme bonne et belle, mais il semblerait que Dieu ait d’autres desseins pour elle.
– La grossesse de Jeanne de Saint-Rémi est une bénédiction, et à l’heure actuelle, alors que votre position sur le trône reste fragile, vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir un bâtard. Cet enfant doit naître dans les liens sacrés du mariage. Ajouta un autre
– Avez-vous perdu l’esprit ?! S’emporta le roi

Annuler son mariage avec Marie-Antoinette. Si cela était tentant, Louis ne voulait pas imposer une telle honte à sa femme. Il avait de l’affection pour elle, elle était une amie. Et rompre le mariage, c’était rompre l’alliance avec l’Autriche. C’était risquer la guerre. Le peuple avait de l’affection pour sa reine. Henry VIII avait mené son pays à la guerre civile pour une femme aux cheveux d’ébène. Louis ne voulait pas devenir le nouvel Henry. Il entendit d’une oreille distraite l’un de ses ministres formuler à voix haute ce que sa propre conscience lui murmurait. Que faire ? Oh, que faire ?

– Ne pourrais-je pas légitimer cet enfant et en faire mon héritier ? Se risqua-t-il
– Les français n’accepteraient jamais un bâtard sur le trône de France.
– Je suis leur roi !
– Quiconque dit être le roi n’est pas un roi véritable, Votre Majesté. Dit un autre avant de poursuivre. Majesté, je pense comprendre vos craintes mais nous n’avons guère le choix. Vous devez avoir un fils et Mademoiselle Jeanne en porte peut-être un alors que la reine demeure stérile.
– Nous risquons la guerre avec l’Autriche ! Argumenta Louis
– Nous la risquons également si vous faîtes en sorte que cet enfant naisse illégitime et que vous lui offriez la couronne. L’impératrice pourrait le prendre comme une grave offense.

Le jeune roi soupira, se pinçant la base du nez entre son pouce et son index. Voyant le malaise de son souverain, le jeune ministre tenta, plus doucement :

– Peut-être pourrions-nous tenter quelque chose à l’amiable avec l’Autriche ? Etre franc avec l’impératrice peut être un avantage. Nous pourrions demander son accord pour lancer la démarche d’une annulation de mariage auprès du Pape, sur la base d’une non-consommation de l’union, mais promettre à l’impératrice une contrepartie. Peut-être rembourser la dot de la reine ?

Voyant qu’il n’y avait que peu d’issues, Louis accepta. La réponse de l’impératrice fut étrangement conciliante. La royale autrichienne acceptait cette séparation, prétendant comprendre les enjeux qui poussaient le roi français à agir ainsi.

– Vous avez toujours été bon avec mon Antonia, patient et aimable. Avait-elle même ajouté à sa lettre

Cela avait faire sourire amèrement Louis. Elle expliquait aussi son désir de voir l’alliance préservée. Et pour que Marie-Antoinette ne se révèle pas inutile, Marie-Thérèse exigeait qu’après le divorce, la jeune femme soit considérée comme une pupille de France et que Louis arrange un autre mariage pour elle. Le soulagement envahit le souverain mais très vite, l’inquiétude le gagna. Il fallait annoncer la nouvelle à Marie-Antoinette.

 

XXXXX

 

 

 

– En ce qui me concerne, notre union arrive à son terme.

Si elle s’attendait à entendre ses mots, ils n’en restèrent pas moins blessants et destructeurs. Marie-Antoinette se sentait mal, honteuse, faible mais surtout inutile. Une part d’elle lui criait qu’elle n’était pas coupable mais elle ne pouvait se débarrasser de ce sentiment d’échec cuisant. Si le peuple l’aimait, il commençait à jaser sur sa virginité intacte. La cour la méprisait, et même si elle était encore la femme de Louis, elle n’était plus la reine depuis longtemps. Jeanne l’avait remplacée dès que Louis l’avait honorée dans sa couche royale. Elle avait déçu ses proches, elle les avait tous déçus, les uns après les autres, même ceux qui avaient expiré. Son rôle était d’être la femme du roi, la mère de son fils, sa partenaire politique. Elle n’avait été aucune des trois et sa mère ne voulait même pas qu’elle revienne en Autriche. Elle la comprenait en un sens. Serait-elle capable de redevenir l’Antonia de jadis ? De faire face aux quolibets, à la honte, à tout ? Demander à ce qu’elle soit pupille noble de France, c’était la protéger mais aussi l’exiler un peu plus de manière définitive de sa terre natale. Et même si la couronne ne lui pèserait plus, elle ne serait jamais la maîtresse de sa destinée. Son avenir était dans les mains de Louis. Sa future ex-belle-soeur, Elisabeth, avait raison. On n’était pas sur Terre pour être heureux.

La jeune femme renvoya toutes ses suivantes, afin d’avoir enfin un peu de paix. Elle fit savoir qu’elle ne paraîtrait plus de la journée. Elle relâcha ses longs cheveux blonds, alors emprisonnés dans ses chignons. Ils lui tombèrent en cascade de boucles sur ses épaules pâles. Elle s’assit sur un fauteuil et se servit un grand verre de vin. Elle le leva et dit alors clairement :

– La Reine est morte. Vive la Reine.

Elle en but le contenu en une seule fois.

 

XXXXX

 

 

Tout se passa très vite dans les semaines qui suivirent. Le Pape Pie VI accorda très vite l’annulation du mariage des époux de France, les preuves étant suffisantes et les témoins nombreux pour prouver que jamais rien ne s’était passé entre les deux personnes. Le fait que le secret de la grossesse de Jeanne fut parfaitement tenu par les gouvernements français et autrichien y fut également pour beaucoup.

Jeanne observait cela de loin avec un sentiment de jouissance. C’était elle qui avait eu raison, et non sa mère. Au lieu de se résigner, il fallait bousculer le destin. C’était ce qu’elle avait fait et de la froideur de sa pauvre couche parisienne, elle était passée à la douceur des soieries de Versailles, un roi pour amant et sous peu, pour mari. Nicole l’aurait certainement sermonnée pour avoir osé briser un mariage, coucher avec un homme marié et en plus porter son enfant.

– Tu n’étais pas si à cheval sur les sacrements quand Père te bélinait. Tellement peu à cheval sur les sacrements que tu as réussi à avoir deux filles avec lui alors que sa femme avait le con desséché. Je t’aime, mais tu n’es qu’une hypocrite. Avoue que tu espérais devenir la duchesse de Saint-Rémi. Tu étais horrifiée par mes actions parce que j’étais un miroir qui reflétait l’adolescente que tu avais été jadis. Sauf que moi, au lieu de me draper du voile de l’innocence, j’assume mon statut et j’en jouis même. Regarde moi, Maman. Cette enfant que tu jugeais irrécupérable va devenir reine de France. Quand tu joues au jeu des trônes, tu gagnes ou tu meurs, tu ne peux pas avoir de juste milieu. Et je vais gagner.

Par chance, même la mode se mettait de son côté pour cacher son secret qui ne devait être révélé qu’après le mariage. La tendance était aux robes larges. Elles cachaient ses formes rondes. Trop rondes d’ailleurs. Jeanne avait vu des femmes enceintes mais aucune n’avait autant de rondeurs qu’elle à ce stade de la grossesse.

– Tu portes peut-être des jumeaux. Suggéra le duc de Germain

Si tel était le cas, la chance lui souriait vraiment. Restait à s’occuper du cas de l’ancienne reine. Pour une fois, elle se rangeait du côté de Louis. Elle devait épouser Fersen. Pour Louis, ce n’était que justice. Après tout, il allait épouser celle qu’il aimait. Pour Jeanne, c’était un moyen de s’assurer la loyauté de la jeune femme. Elle leur devrait la joie de ce mariage d’amour. Bien sûr, elle devait rester dans l’ombre mais son heure de gloire éternelle viendrait bien assez tôt.

 

XXXXX

 

– Son Altesse, l’archiduchesse Maria-Antonia d’Autriche, pupille de France.

Louis avait toujours du mal à s’habituer à ce nom nouveau.

– Marie, quelle joie de vous voir ! Dit-il en lui baisant aimablement les joues avant de l’inviter à s’asseoir
– Votre Majesté m’a fait mander ?
– J’ai en effet une affaire importante vous concernant. Mais le comte de Fersen doit d’abord nous rejoindre.

Si elle fut intriguée, la jeune femme n’en laissa rien paraître. Un masque qu’elle portait depuis que Jeanne était apparue dans leurs vies. Très vite, Axel de Fersen fut annoncé. Il salua le roi, Marie-Antoinette, avant de s’asseoir sur ordre du royal divorcé.

– Comme vous le savez, chère Marie, votre mère m’a demandé de me charger de votre avenir, car vous êtes désormais pupille de France.

Elle acquiesça en silence.

– Mon amour pour Jeanne m’a ouvert les yeux sur le monde autour de moi. Si vous avez eu de l’affection sincère pour moi, votre véritable amour se trouve en Axel de Fersen.

Un silence maladroit s’installa.

– Et d’après ce que je peux constater, je sais que cela est réciproque. Poursuivit-il

Les deux amants baissèrent les yeux, presque honteux.

– Marie, je veux vous offrir ce que je n’ai pas pu vous donner du temps où nous étions mari et femme. Si toutefois, le comte de Fersen l’accepte.

Marie-Antoinette sentit alors comme une excitation lui nouer l’estomac. Non, Louis ne pouvait pas penser à cela ?! L’espace d’un instant, le roi français put voir les yeux bleus de son ancienne épouse briller intensément.

– Si cela est un désir commun entre vous, moi, Louis seizième du nom, roi de France et de Navarre, vous donne ma bénédiction. Vous êtes libres de vous marier.

Pour la première fois depuis des années, Marie-Antoinette se sentit insouciante et légère, comme l’enfant qu’elle avait été jadis, avant qu’elle ne soit vendue comme un morceau de viande sur l’échiquier politique européen. Fersen avait un sourire radieux et ne cessait de remercier Louis. Il se mit alors à genoux face à elle et lui demanda :

– Marie-Antoinette, voulez-vous m’épouser ?

Un sourire se peignit sur son visage et rayonnante, elle accepta. Louis s’éclipsa alors pour les laisser. Ce ne fut qu’à ce moment-là que le couple s’embrassa et se permit alors ce plaisir qui leur avait été interdit. Ils étaient fiancés, plus rien ne les empêchait de s’y adonner. Les flocons de neige du mois de janvier 1778 furent les témoins silencieux de la première union des corps des amants.

Louis épousa Jeanne le 16 janvier 1778. Elle fut couronnée le même jour. La joie et la fierté qu’elle ressentait ce jour-là étaient indicibles. Enfin ! Elle, descendante des Valois, ayant grandi dans les taudis de Paris, avait retrouvé la place qui lui revenait de plein droit ! Elle était reine !

– Vous voyez, Rosalie, Maman, j’avais raison et vous aviez tord.

Le 14 février 1778, Marie-Antoinette devenait la nouvelle comtesse de Fersen. Le 16, elle remarquait que ses menstrues étaient en retard. Le 16 mars, elle dut se rendre compte de l’évidence. Le jour de ses fiançailles, jour béni où elle s’était donnée à Axel, elle avait conçu leur enfant. Ce même jour, Jeanne annonçait sa grossesse à la cour. Étrangement, Marie-Antoinette ne ressentit aucune colère, rien, si ce n’était que de la joie pour le couple. A défaut d’avoir aimé le roi, elle était tombée amoureuse de la France. Les français allaient adorer ce petit être issu de l’ancienne maîtresse du roi.

 

Le 14 juillet 1778, les vagissements qui résonnaient dans Versailles remplirent de fierté le duc de Germain. Il avait réussi. Lui, l’oncle adoptif de Jeanne, était désormais lié aux Bourbons de manière indélébile.

Jeanne venait d’accoucher de deux fils.

 

 

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~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!