Une nouvelle croix à porter

[Marina de Girodelle]

Une nouvelle croix à porter

Sa chevelure vénitienne ondulant, sur son balcon de sa chambre du château de Versailles, Julie de Polignac bravait la tempête causée par l’ire d’Eole. Les mots d’Oscar résonnaient encore dans son esprit.

Lamorlière.

Rosalie Lamorlière.

La fille, dont la mère avait été mortellement renversée par sa voiture, qui jurait vengeance, était sa Rosalie.

Le fruit de son amour d’adolescente.

La surprise laissée en elle par le duc de Saint-Rémi.

Et cette femme, cette pauvre femme, ne pouvait être que Nicole…

– Non ! Pas elle ! Je n’ai pas pu la tuer ! Non !

Nicole, la brave Nicole, qui lui avait donné sa meilleure chance alors que la Vie était déjà cruelle avec elle. Ancienne maîtresse du duc, avec elle-même un enfant adultérin à élever, vivant dans la pauvreté, elle acceptait de prendre en charge un autre enfant, de compliquer un peu plus son existence. Elle aurait pu voir en Rosalie une preuve de l’infidélité de son amant. Elle aurait pu voir en elle une rivale. Mais non. Nicole n’avait vu qu’en son bébé la fille de l’homme qu’elle avait tant aimé, elle ne pouvait donc que l’aimer en retour. Nicole n’avait vu qu’en elle une enfant blessée par l’Amour et le Destin. Et ainsi donc, Nicole au grand cœur lui offrit ce qu’elle-même ne pouvait avoir :

Une seconde chance.

Laisser Rosalie derrière elle une fois accouchée avait été l’une des épreuves les plus dures de son existence, même si sa douleur était légèrement apaisée par l’idée qu’elle était entre de bonnes mains…

Nicole… Oh Nicole !

Si elle avait su qui elle était, si elle l’avait reconnue, car comme la Vie l’avait transformée ! Bien sûr qu’elle serait descendue de son carrosse, elle aurait fait venir un médecin, elle l’aurait tenue dans ses bras jusqu’à son dernier souffle ! Elle méritait cela et tellement plus encore ! Une larme roula le long de la joue de l’aristocrate. Les mains jointes en prière, le corps plié face au vent, Julie de Polignac, ex Martine-Gabrielle de Gureille, priait pour l’âme de celle qu’elle gardait en son cœur comme son Sauveur, son amie, sa sœur, son ange gardien. Et à sa liste de regrets personnels s’ajouta le fait qu’elle ne pourrait plus jamais lui rendre la pareille, lui prouver l’étendue de sa gratitude. Le seul devoir qu’elle pouvait lui rendre désormais, c’était de porter en elle son deuil, le deuil de celle sans qui elle ne serait jamais arrivée aussi haut, celle qui l’avait sauvée du déshonneur.

 

FIN

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

[Auteur]

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