La part du lion [Game of Thrones/Lady Oscar]

LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Les crossover La part du lion [Game of Thrones/Lady Oscar]

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    Marina de Girodelle
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    @marina-de-girodelle

    Avant-Propos:

    Cette fanfiction est un crossover Lady Oscar/Game of Thrones.

    Comment se fait-il qu’une telle idée ait pu germer dans mon esprit me direz-vous? A partir d’un délire avec mon amie Marine car j’allais me faire faire la coupe et la couleur de Lancel Lannister chez le coiffeur le week-end suivant et je disais qu’avec des cheveux blonds ( je le suis au naturel mais avec toutes mes couleurs, on oublie ) et mes yeux verts, je pourrais être la fille d’Oscar et André.

    Des cheveux blonds, des yeux verts, ça a crié Lannister dans ma tête et de fil en aiguille, j’ai construit une histoire là-dessus.

    A partir d’un délire capillaire. Je sais, ça vole haut.

    La fiction est donc naturellement un AU, même si je vais essayer de rester fidèle aux tons des deux séries. Pour Game of Thrones, je me base sur la série télé et non sur les livres, que ce soit pour la description physique des personnages ou leurs costumes. Je compte y mettre en avant mon chouchou de Game of Thrones :

    Lancel Lannister !

    Voici quelques clés pour vous repérér :

    • La fiction se situe vers avril-mai 1785, Marie-Antoinette a donc eu Louis-Charles.
    • André et Oscar ont donc une trentaine d’années.
    • Lancel a une quinzaine d’années.
    • L’histoire se situe au tout début des événements de Game of Thrones.
    • Martyn et Willem seront là, juste parce que j’en ai envie en fait.
    • Dorna et Janei sont sagement restées à Castral Roc.

    Lady Oscar et Game of Thrones ne m’appartiennent pas, sauf un OC majeur que j’ai plongé dans l’univers de Game of Thrones : Elora.

    Voilà, je pense avoir fait le tour, j’espère que vous apprécierez ce délire saupoudré de drama et de sérieux né de sms capillotractés.

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #601
    Marina de Girodelle
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    @marina-de-girodelle

    Disclaimer : Game of Thrones et Lady Oscar ne m’appartiennent pas.

    Résumé : Fourré d’or ou fourré de rouge, un lion, messire, a toujours des griffes .

    La Part du Lion

    Chapitre 1 : Les lions de Westeros

     

    1770, France, non loin de Versailles.

    – Tu peux redevenir une femme, Oscar ! Avoir la vie de toutes les femmes de la cour !

    Les mots d’André étaient restés ancrés en Oscar. Voulait-elle être reconnue et aimée en tant que femme ? Une partie d’elle en avait désespérément besoin. Voulait-elle de la vie d’une noble lambda ? Elle préférerait se pendre plutôt que d’être asservie par ce genre de vie. Voulait-elle d’une vie sans possibilité d’amour ? Là aussi, elle préférerait mourir plutôt que de subir cela. Elle savait aussi que jamais son père ne la laisserait se composer un être:

    Une femme soldat, reconnue en tant que femme mais aussi en tant que militaire.

    La société n’était peut-être pas prête pour cela. Pour autant, devait-elle se priver des avantages de sa condition naturelle ? Devait-elle se priver d’André, de son amour ? Parce qu’elle savait qu’il l’aimait, elle n’était pas idiote. Car elle l’aimait aussi. Son père avait fait l’égoïste choix que de décider de son destin. Elle décida d’être égoïste à son tour. Elle ne se priverait pas d’André. Ce fut dans cet état d’esprit de rébellion, mélangé à de la passion et à de l’amour, que les deux adolescents se donnèrent l’un à l’autre.

    La grossesse d’Oscar avait été une surprise merveilleuse pour elle. Une nouvelle aux airs de miracles. Même son père semblait compréhensif. Elle avait eu peur qu’il ne tue André.

    – Je ne te prendrais pas la seule personne qui t’apporte un peu de joie dans ce monde que je t’ai imposé.

    Elle avait eu peur qu’il ne la force à abandonner son bébé, voire à le faire partir avant l’heure. Mais sa mère était de son côté, et jamais son père n’irait contre elle.

    Aussi, le 1 mai 1770, dans une chambre qui sentait la fraîcheur du muguet, Oscar vécut ce qu’elle qualifierait toujours comme le plus beau jour de sa vie. Sa grossesse avait été aisée et l’accouchement s’était déroulé sans problème. Elle tenait dans ses bras un petit être qui gémissait doucement.

    – Ton fils, André, notre fils !

    Tout semblait parfait dans le meilleur des mondes…

    Jusqu’à ce qu’elle ne retrouve le berceau de son fils, vide, le lendemain matin.

    XXXXXXXX

    1785, France, non loin de Versailles, quinze ans après les faits.

    Le 27 mars de cette année, la reine Marie-Antoinette avait donné à la France un second héritier au trône. Et si Oscar, colonel de la garde royale, s’en réjouissait, Oscar, la mère, ne pouvait s’empêcher de la jalouser. Et elle se détestait pour cela. Mais cela était plus fort qu’elle. Elle était toujours en manque de son petit bébé, enlevé quinze ans plus tôt, peu après sa naissance. Son contact, sa peau, sa respiration, son odeur, tout lui manquait. Elle n’avait même pas eu le temps de lui donner un nom. Elle pouvait encore entendre ses hurlements de désespoir résonner dans la pièce où était le berceau de son fils. Des hurlements presque bestiaux, ceux d’une lionne à qui on avait arraché son lionceau, qui criait sa douleur et sa rage, un animal blessé. Et malgré tous les efforts combinés des Jarjayes, jamais le petit garçon ne fut retrouvé.

    – Dieu me punit-il que d’avoir défié mon père ? Se demandait-elle sans cesse

    André avait été un amant exemplaire, la soutenant sans cesse, restant à ses côtés et la consolant du mieux qu’il pouvait. Leur amour n’avait pas changé mais depuis ce jour funeste, Oscar redoutait la maternité. Aussi leur idylle restait chaste, ce qui avait parfois le don d’énerver André, qui ne le dit cependant jamais. Il comprenait Oscar. Aussi sa colère s’effaçait bien vite.

    Soupirant, Oscar se ressaisit. Ce jour était un jour spécial. La famille royale française recevait la famille royale du lointain royaume de Westeros, la famille Baratheon, accompagnée de la famille paternelle de la reine Cersei, le clan Lannister, l’une des familles les plus riches de leur contrée. Le chef de famille, Tywin Lannister, dont la réputation d’homme dangereux et d’excellent stratège avait traversé les kilomètres, avait accepté de prêter de l’argent aux Bourbons afin de sauver la France de la ruine. En échange, l’un de ses petits-enfants royaux devait épouser un membre de la première famille française. Et dans le cas où cela serait impossible, alors l’alliance pouvait être scellée avec l’un des membres du clan. La colonelle savait que les voyageurs seraient nombreux. Membres de la familles, domestiques, serviteurs, conseillers… La garde royale était au taquet depuis des mois.

    – Je suis bien contente que cela tombe aujourd’hui… Cela me fera oublier que mon fils aurait fêté ses quinze ans à mes côtés, jour pour jour.

    Dans la cour du château, son père et son cher André l’attendaient, vêtus de leurs plus beaux atours. Le roi Robert et sa cour arriveraient à la forêt de Compiègne et de là, la garde royale devait les mener à Versailles. Montant à cheval, Oscar put sentir le vent frais de l’aurore caresser ses joues blanches. Des adieux vite faits à sa mère et à Grand-Mère et les Jarjayes, père, fille et quasi-gendre partirent rejoindre les autres membres de la garde.

    XXXXXXXX

    Chevauchant non loin de son roi, le jeune Lancel Lannister observait la forêt de Compiègne défiler sous son regard émeraude. Elle n’avait rien à envier à celle dans laquelle son souverain aimait chasser. La seule différence notable était le fait qu’il faisait nettement plus froid dans ce pays qu’était la France qu’à Westeros. Lui qui avait été élevé sur les terres de l’ouest puis qui travaillait en tant qu’écuyer dans la brûlante Port-Réal, il trouvait l’air presque gelé et humide. Son plastron en cuir lamellaire et sa cape le protégeaient bien, cependant ses joues sentaient l’air. Du coin de l’oeil, il repéra son amie, la douce Elora, l’une des nombreuses enfants adultérines de Robert. Si elle chevauchait et faisait bonne figure, il pouvait voir qu’elle semblait dans le même cas que lui, malgré sa tenue plutôt chaude.

    – Tu t’y feras. Pensa-t-il

    Après tout, le plus gros du voyage était derrière eux. Il se demandait comment était le roi de France. Etait-il différent de celui de son pays ? Robert était obèse, alcoolique, d’une franchise brutale et presque rustre. Lancel ne l’aimait pas beaucoup. Sous prétexte qu’il était son souverain, il le traitait mal, l’insultant et le rabaissant sans raison véritable, insultant ses parents, au simple prétexte qu’il était né Lannister de Castral Roc. Il ne s’en était néanmoins jamais plaint auprès de son père.

    – Des milliers de jeunes hommes de mon âge tueraient pour être à ma place. Si je veux devenir chevalier, c’est un passage obligé.

    Il se souvenait de la fierté dans les yeux de son père quand leur famille avait appris que Cersei, sa royale cousine, avait réussi à faire en sorte que son cousin Tyrek et lui soient nommés écuyers du roi. Il ne voulait surtout pas briser ses espoirs. Il s’était juré de faire en sorte qu’il soit fier de lui et cela commençait par savoir se taire et attendre. Il fêtait ses quinze ans aujourd’hui et non ses cinq printemps. Il n’était plus un petit garçon et il lui fallait agir comme tel. Sinon, quel exemple allait-il donner à ses deux petits frères, Martyn et Willem, âgés de onze ans ? Quel exemple donnerait-il à Janei quand elle grandirait, elle qui était restée sagement au château de son enfance en compagnie de leur mère ? Robert pouvait dire qu’il était le pire des écuyers. Ca ne valait pas le titre de meilleur grand frère du monde, décerné par ses cadets. Cela n’avait aucun prix. Cela, plus la fierté et l’amour dans la voix de son père quand il lui avait souhaité un bon anniversaire. Robert pouvait aller dans les Sept Enfers si cela lui chantait. Le jeune homme savait que ses dires étaient faux.

    Un rayon de lumière soudain l’aveugla un court instant. La forêt leur disait adieu. Au loin, il put entrevoir de nombreux cavaliers, richement vêtus. Il y avait même une famille dont les armoiries se rapprochaient des siennes.

    – De la famille éloignée, peut-être ?

    Peu lui importait à la vérité. Il était là pour faire son travail auprès du roi.

    XXXXXXXX

    Oscar ne s’était pas trompée, la cour de Robert était immense ! Elle fut soulagée que la famille royale de France n’était plus nomade. Cela aurait été un enfer à protéger ! Elle observa la famille royale de Westeros arriver. Alors que Robert Baratheon, aussi grand que gros mais aussi charismatique, arrivait, la garde royale s’inclina en gage de respect. Sous peu, un carrosse s’arrêta. En descendit une superbe femme qui semblait avoir entre trente et trente-cinq ans.

    – La reine Cersei. Pensa-t-elle

    Grande et fière, ses longs cheveux blonds dorés avaient été rassemblés en un chignon bas. Elle était vêtue d’une longue robe de velours rouge et à son cou, une rivière de rubis sur un lit d’or. Elle avait des yeux émeraudes, comme la majorité de son clan. Les Lannister étaient réputés pour leur blondeur ainsi que pour le vert de leurs yeux. Derrière elle, un jeune homme d’environ treize ans, beau garçon mais qui avait l’air de s’ennuyer. Puis une enfant aussi belle que le jour, d’une dizaine d’années, qui ressemblait fort à sa mère. Enfin, un jeune garçon un peu rond mais au visage d’ange.

    Robert s’approcha de Rainier.

    – Votre Majesté, au nom du roi Louis XVI, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue en France.

    Le roi des sept couronnes demeura grave avant d’être pris d’un rire gras et presque contagieux.

    – Relevez-vous ! Nous sommes biens contents que d’être arrivés, le voyage commençait à nous paraître long ! Laissez-moi vous présenter ma famille.

    Oscar apprit ainsi le nom des enfants royaux : Joffrey, Myrcella et Tommen. Robert leur présenta également son beau-père, Lord Tywin Lannister. Tywin ne faisait absolument pas son âge. Il était encore grand et droit, l’air fier et vaillant. Enfin le roi leur fit faire la connaissance de sa fille illégitime, Lady Elora Waters. La jeune femme était une vraie beauté. La peau pâle, des yeux d’un bleu clair, des cheveux d’ébène attachés en chignon, l’air douce et aimable. La colonelle repéra également d’autres membres de la famille Lannister, dont elle ignorait tout, puisqu’on ne les présenta pas. Son regard se posa sur l’un des jeunes écuyers de Robert. Il devait avoir une quinzaine d’années, tout au plus. Grand, la chevelure mi-longue d’un blond aux reflets roux, des yeux sans doute aussi verts que ses cousins, il était encore à mi-chemin entre l’âge adulte et l’enfance. Son visage était encore fort juvénile. Il semblait fin et délicat mais pour une raison inconnue, elle avait l’impression que cela n’était qu’une façade.

    – S’il est également un lion de Westeros, il est normal que j’ai cette impression.

    Elle remarqua, à son étonnement, que son père avait également repéré le jeune homme et le regardait avec une expression qu’elle ne sut déchiffrer.

    Au loin, Kevan Lannister, le frère cadet de Tywin, le père de Lancel, Martyn et Willem, semblait préoccupé. Son regard était fixé sur l’emblème des Jarjayes. Un lion bleu sur fond noir, tenant dans sa patte droite un sabre.

    – C’était notre destin que de venir ici. Pensa-t-il, espérant néanmoins que ce coup du sort ne se révélerait pas destructeur. C’était quelque chose qu’il ne serait pas capable de supporter.

     

    A Suivre

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    #602
    Marina de Girodelle
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    La Part du Lion

    Chapitre 2: Avant l’orage

     

    La rencontre des familles royales s’était bien passée. Lancel s’était attendu à bien pire. Mais le roi de France semblait être un homme de paix là où son roi glorifiait la guerre. Cela n’avait rien d’étonnant, étant donné qu’il était devenu le souverain des sept couronnes sur le champ de bataille. Louis XVI n’avait pas fait une grande impression sur le jeune écuyer. Grand et rond, les yeux assez doux, il semblait plus gêné d’être là qu’autre chose. Il semblait néanmoins cultivé et bon. Sa reine était d’une grande beauté. Pas aussi belle que Cersei, bien sûr, mais Marie-Antoinette n’en était pas loin. Blonde aux yeux bleus, fine et délicate, tout respirait la fraîcheur chez elle. Non, ce qui avait le plus marqué le jeune homme était le palais de Versailles en lui-même. Même Castral Roc, même le Donjon Rouge n’était pas aussi luxueux. L’endroit était gigantesque ! Ce qui l’avait impressionné le plus était la galerie des Glaces. Il avait cru que l’endroit n’était fait que de verre et d’or. Même lui, qui avait grandi dans le luxe et un confort matériel certain, s’était senti tout petit face au spectacle presque ostentatoire des reflets dorés donnés par le soleil tapant sur les décorations. Il soupçonnait Louis XIV d’être un brin mégalomane sur les bords. Même les jardins, pourtant si beaux, étaient assaillis par cette débauche de marbre et d’autres matériaux précieux. Cela en était presque écœurant.

    – Tu peux montrer que tu es riche sans foutre ta richesse sous le nez des gens… Pensa-t-il

    Il prenait en exemple pour son plaidoyer mental son oncle Tywin. Il était l’homme le plus riche de Westeros. Pourtant, sa mise était sobre. Oui, les tissus étaient riches. Mais là était la véritable distinction. Les gens devinaient sa richesse, ils n’étaient pas forcés de la regarder, comme nargués par un étalage immonde de richesses qu’ils ne pourraient jamais avoir.

    L’échange entre les clans avait été conclu par les fiançailles de Myrcella avec le prince héritier de France, Louis-Joseph. L’enfant lui paraissait sympathique et lui rappelait un peu Tommen à la vérité. Si le mariage devait avoir lieu, il avait le sentiment que sa petite cousine serait heureuse. C’était le principal.

    XXXXX

    Enroulée dans ses draps, sentant la fraîcheur du linge doucement se réchauffer autour de ses jambes, Oscar se remémorait sa journée. Pour une raison qu’elle ignorait, le jeune écuyer vêtu de rouge ne quittait pas son esprit.

    – Ce n’est qu’un gosse pourtant. Pensa-t-elle

    Peut-être était-ce parce qu’il avait l’âge d’être son fils et que son arrivée en France correspondait à la date où elle n’avait pu l’avoir contre elle que quelques heures ? Mais ce qui l’intriguait encore plus était la manière dont son père avait regardé l’enfant. Comme si il le reconnaissait. Ce qui était impossible. Jamais un Lannister n’avait foulé le sol français avant l’arrivée des Baratheon pour les fiançailles du dauphin. Lui rappelait-il un cousin, un frère disparu ? Non, cela ne pouvait pas être cela. Sinon, pourquoi la présence de ce garçon aurait causé une étincelle d’irritation dans ses yeux ?

    – N’y pense plus ou tu ne dormiras pas. Songea-t-elle avant de fermer les yeux pour forcer le sommeil à la visiter

    Elle tomba dans un sommeil profond plus vite qu’elle ne l’aurait cru puis elle se retrouva dans cet état où le corps, l’âme et l’esprit sont tous au repos, dans ce moment où il n’y a rien, sauf ces ténèbres reposantes, où le temps suspend son vol avant que la lumière ne vienne percer le voile noir recouvrant les yeux du gisant.

    Un petit garçon se tenait devant elle. Il avait sa toison d’or mais les émeraudes de son père pour regard. Ses petits bras potelés tendus vers elle, avec un sourire étincelant, il l’appela « Maman ». Elle le prenait, s’enivrait de cette odeur si caractéristique des enfants en bas-âge. Il se nichait contre elle et finissait par s’endormir, le pouce plongé dans sa bouche.

    Puis l’enfant grandit.

    Il ne devait pas avoir plus de six ans. Assis à une table, le bout de la langue sortant de la barrière de ses lèvres, la mine concentré et le nez retroussé, il s’exerçait à écrire son prénom. Non loin, André surveillait ses progrès et il y avait les livres avec lesquels il avait lui-même appris à lire. Mais s’il n’y avait aucun doute sur sa paternité, jamais il ne prononça le prénom de l’enfant.

    Encore une poussée de croissance.

    L’enfant n’était plus, il avait fait place à un adolescent. De nombreuses personnes disaient qu’il était le portrait craché d’Oscar au même âge. Grand-Mère le regardait, émue aux larmes, dans son uniforme de capitaine de la Garde Royale. Fier et digne mais toujours ce sourire si chaud hérité de son géniteur normand. Il descendit pour lui embrasser la joue avant qu’il ne lui dise une parole, toujours la même :

    – Adieu Maman.

    Puis il partait sans se retourner, laissant Oscar pleurante, ses genoux sur le marbre froid, criant son prénom, prénom qu’elle ne parvenait jamais à entendre, mais malgré ses suppliques, il la quitta, un rayon de lumière blanche entourant son être alors qu’il quittait la demeure qui l’avait vu naître.

    C’était toujours à ce moment-là qu’Oscar se réveillait, un sentiment doux-amer dans le fond de la gorge. C’était déjà tant mais si peu à la fois ! Elle se leva, ouvrit les rideaux, respirant l’air frais du matin afin de donner un coup de fouet à ce sang ramolli.

    – Aujourd’hui est un jour nouveau.

    Elle se le répétait chaque matin depuis quinze ans.

    XXXXX

    – Aujourd’hui est un jour nouveau. Quelle blague ! Pesta mentalement Oscar alors qu’elle traversait les jardins de Versailles

    Elle se retrouvait onze ans en arrière. Lors de ce fameux jour où Fersen avait offert une rose à Marie-Antoinette, encore dauphine. La même scène se rejouait sous ses yeux. Avec des acteurs westerosis à la place du suédois et de l’autrichienne.

    La bâtarde du roi Robert se promenait en compagnie d’un des écuyers de son père. Lequel était-ce déjà ? Ces Lannister se ressemblaient tous et avaient des noms à coucher dehors ! Les deux semblaient être de bons amis, voire proches. Il le fallait. Aucun écuyer n’appellerait une fille de roi, même illégitime, par son prénom et jamais, au grand jamais, il ne la tutoierait ! Pourtant, Elora Waters ne semblait pas dérangée par le fait que Lancel Lannister lui disait « tu » et utilisait son prénom pour lui parler, sans aucun titre devant pour montrer sa déférence. Au contraire. Elle jouait le jeu. Il y avait un décalage étrange entre les décors et les personnages. Cela faisait décalé, voire étrange, de voir un jeune homme avec une cape moyenâgeuse rouge, vêtu de son plastron en cuir lamellaire brun, un bonnet protégeant l’arrière de son crâne, de la couleur de sa cape, tombant sur sa chevelure dorée. La tenue de Lady Waters était incontestablement étrangère mais semblait moins anachronique.

    – Il est rare que tu sois libre les matinées. Dit-elle à son ami alors qu’ils marchaient sur les sentiers entre les parterres de fleurs
    – Sa Majesté m’a fait comprendre qu’il n’avait pas besoin de mes services. Répondit-il
    – Tu dois être soulagé.

    Oscar remarqua qu’il regarda légèrement autour de lui, comme s’il craignait qu’on les entendisse. Un réflexe de Port-Réal sans doute. Un bon selon elle. Les cours royales étaient des nids de vipères.

    – Je suis au service de mon roi. Finit-il par lâcher avec tact
    – Et il a de la chance de t’avoir. Ajouta la jeune femme

    La colonelle constata qu’une légère couleur rouge se répandit sur les joues du jeune homme.

    – Un timide, voilà qui est charmant… Pensa-t-elle avec une pointe de sarcasme

    Ils arrivèrent devant un parterre de roses. Louis XIV, au moment de faire faire ses jardins, avait voulu qu’un parterre de fleurs soit élaboré afin que les gens soient autorisés à en cueillir les plantes.

    – Afin de cultiver les graines de l’amour. Avait-il dit, selon la légende

    Elle vit Elora se baisser pour en prendre une toute simple, de couleur rouge. Elle manqua de se piquer, aussi son ami prit la relève et la cueillit pour elle.

    – Merci ! Lui dit-elle avec un grand sourire

    Le roi soleil avait vu juste. Les bourgeons des amours tendres et jeunes ne fleurissaient jamais mieux que devant ce carré de verdure.

    XXXXX

    – Es-tu sûr de toi, Kevan ?
    – Un blason sur fond noir avec un lion bleu tenant un sabre. Je ne pense pas que l’on puisse en trouver énormément dans ce monde. Ce sont eux, j’en mettrais ma main à couper. Nous sommes sur sa terre natale.
    – Où est-il ?
    – Absent.
    – Bien. Il est hors de question qu’il nous entende. Il est des nôtres et cela ne changera pas.

    Tywin contempla l’exemplaire du livre des blasons de la noblesse française qu’il avait sous les yeux. Kevan avait raison. Il était sur sa terre natale et les Jarjayes semblaient être sa source. Quelle ironie. Mais pour en être certain, il fallait rencontrer le chef de la maison Jarjayes. Afin de ne pas commettre d’impair. Et surtout pour le tenir loin de lui. Il était des leurs, il était hors de question qu’il ne quitte le clan. Sinon, Rainier de Jarjayes allait les entendre rugir et il se souviendrait longtemps de ceci :

    Il ne fallait jamais défier un Lannister de Castral Roc.

    Il avait rayé la maison Reyne de la carte de Westeros. Faire de même avec les Jarjayes s’ils dépassaient les limites ne le dérangeait absolument pas. Il le ferait avant tout pour Kevan. Il n’avait pas d’affection particulière pour lui. Mais il aimait son frère. Et son frère était terriblement attaché à lui. Il n’en fallait pas plus pour le grand lion du Roc. Il termina sa missive, la scella et la confia à un de ses serviteurs.

    – Donne ça à Rainier de Jarjayes. A personne d’autre. En main propre.

    Moins de deux heures après, Tywin recevait la réponse du patriarche Jarjayes.

    Le lion français allait rencontrer celui de l’ouest.

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    #603
    Marina de Girodelle
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    La Part du Lion

    Chapitre 3 : Le lionceau perdu

     

    Ce matin-là, Oscar, face à sa penderie, pestait. Elle qui détestait les clichés sur les femmes, voilà qu’elle donnait du crédit à l’un d’entre eux. Elle ne savait pas comment s’habiller. En même temps, quelle tenue mettre quand on allait rencontrer l’une des familles les plus influentes d’un pays, la famille natale d’une reine de surcroît ? La raison de cette visite échappait totalement à la jeune colonelle. Son père avait refusé de lui en dire plus tout comme il insistait sur le fait qu’elle l’accompagnât, en sa qualité d’héritière. André ne venait pas, Rainier avait trop peur de froisser Tywin. Inviter un roturier à la table de discussion d’une reine et d’une mère de futur roi, née dans un clan plus fier que tous ceux qu’il connaissait, cela n’était pas quelque chose qui le tentait.

    – Je me demande vraiment pourquoi cette rencontre est si urgente. Ils viennent à peine d’arriver. De toute façon, depuis leur arrivée, il n’y a que des choses étranges.

    Au final, la jeune femme opta pour son uniforme de colonel de la garde. Son but n’était pas d’éblouir les Lannister, dont elle se fichait éperdument. De plus, dans ce genre de rencontres, les patriarches menaient le plus gros de la discussion. Les autres n’étaient là que pour être des témoins. Néanmoins, elle était étonnée d’une chose. Les trois enfants de Tywin seraient présents. Mais les enfants de Kevan étaient excusés. Pour les jumeaux, elle voulait bien comprendre, ce genre de réunions n’étaient pas faites pour des enfants qui n’avaient qu’une dizaine d’années. Mais l’aîné de Kevan, son héritier, Lancel si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, semblait avoir au minimum quinze ans. Et que cela fusse en France ou à Westeros, les enfants de cet âge là commençaient à entrer dans l’âge adulte. Si Cersei, la reine, avait pu être excusée auprès de son roi, pourquoi un simple écuyer ne le pouvait-il pas ?

    – Quelque part, c’est peut-être logique. Le seigneur Kevan est certes le bras droit de Tywin, mais il est un second fils. Son enfant, malgré sa position d’aîné, reste le fils d’un second fils. Il est donc de moindre importance. Et si on peut épargner à ce garçon ce moment barbant, autant le faire.

    Elle ajusta sa veste rouge.

    – Il faudra que je raconte tout à André en rentrant. Pensa-t-elle

    Les chevaux étaient scellés. Oscar et son père partirent alors en direction de Versailles.

    XXXXXXX

    Oscar ne s’était jamais considérée comme une pouille mouillée. Elle ne s’était néanmoins jamais vue en femme sans peur pour autant. Pourtant, quand elle entra dans la pièce où la rencontre allait avoir lieu, elle se sentit comme prisonnière et toute petite face au charisme extraordinaire de Tywin Lannister. D’entrée de jeu, elle sentait que c’était un homme dangereux qu’il ne fallait pas embêter. Son frère avait l’air sérieux également, mais plus doux que son aîné.

    Le patriarche des lions de Westeros trônait en bout de table. A sa droite, son frère cadet, puis son fils cadet Tyrion, sa fille Cersei et son jumeau, Jaime.

    Oscar ne put s’empêcher de comparer la beauté de Cersei à celle de Marie-Antoinette.

    Là où sa reine n’était que fraîcheur et légèreté, la reine de Westeros avait cette beauté exotique et mature, mais également dangereuse. On la voyait et l’on savait de suite qu’elle était une lionne prête à sortir les griffes. Le temps avait été doux avec elle et malgré trois grossesses ( Oscar retint son esprit de lui prêter des fausses couches ), elle était mince, élancée et grande. Là où les femmes de son âge étaient usées par la maternité et commençaient déjà à grisonner à cause de l’angoisse, la chevelure ondulée de la royale Lannister éclatait de blondeur dorée. Elle avait le regard des intrigants. Cersei était de celles qui jouaient au jeu des pouvoirs et elle en tirait une grande confiance.

    Autre point qui étonna Oscar : la ressemblance des jumeaux Lannister.

    Parfois, les faux jumeaux ne se ressemblaient pas beaucoup. Or, les jumeaux de Tywin lui prouvaient le contraire. Elle avait l’impression de voir double. Bien sûr, Jaime avait la mâchoire et les épaules plus larges et plus carrées que sa sœur, mais autrement, il était, aux yeux de la colonelle, une Cersei version masculine.

    Tyrion Lannister était également remarquable dans son physique. Atteint de nanisme, il avait des yeux vairons : un noir et un d’un vert semblable à celui de ses aînés.

    – Lord Jarjayes, Mademoiselle Oscar. Prenez place. Leur dit Tywin
    – Oscar est… Tenta Rainier
    – Une femme et votre héritière, nous le savons. Coupa Cersei avec un demi-sourire. Votre réputation vous précède. Je trouve cela admirable personnellement. Ces cas existent à Westeros, mais sont encore rares.

    Oscar et son père s’assirent donc. La jeune femme avait de plus en plus l’impression que d’être prise au piège.

    – Ressaisis-toi Oscar ! Ils sont peut-être les lions des Sept Couronnes mais tu n’est pas un gibier, tu es la lionne Jarjayes ! Pensa-t-elle pour se redonner du courage

    Tywin fixa Rainier du regard.

    – Je n’irai pas par quatre chemins, Lord Jarjayes. Je sais qui vous êtes, je sais ce qu’est votre famille et vos liens par rapport à Lancel. Dit-il

    Oscar fut prise au dépourvu. Lancel ? Mais que faisait-il là, dans cette histoire ? S’il était concerné, pourquoi était-il absent ? De quels liens parlaient-ils ?

    – Un lion bleu tenant un sabre sur un fond noir. Cela a été facile de vous reconnaître.

    Rainier demeura silencieux.

    – Nous n’avons aucune intention que de vous remettre mon neveu. Il fait partie de notre famille. Je suppose que c’était votre idée de départ. Mais sachez qu’il est des nôtres. Tentez quoi que se soit, et nous vous écraserons.

    La jeune colonelle écoutait le discours à la fois fier et belliqueux du chef de la famille Lannister, sans rien y comprendre.

    – Vous semblez perdue, Mademoiselle Oscar ? Tenta Jaime
    – J’avoue ne pas comprendre. Si nous avons un lien avec votre jeune cousin, je n’en sais absolument rien.
    – C’est peut-être mieux ainsi. Répondit diplomatiquement Kevan

    Enfin, si Kevan Lannister semblait enclin à la diplomatie, elle avait bien remarqué l’espèce de dégoût dans le fond de ses pupilles vertes quand il regardait son père. Encore un autre mystère.

    – De toutes façons, si Lancel restera un Lannister, je ne vois pas en quoi nous devrions priver cette charmante jeune femme de la vérité. Lança alors Tyrion. Cela ne changera absolument rien à nos vies.
    – Quelle vérité ? Demanda Oscar, clairement frustrée par son ignorance.

    Tyrion attendit l’approbation de son père, qui la lui donna par un simple et discret hochement de la tête.

    – Que Lancel est né Jarjayes, bien sûr. Il va de soi qu’il ne s’appelait pas Lancel ici mais il est né de parents français et d’un Jarjayes.

    La nouvelle choqua Oscar. Lancel, un Jarjayes ? Il était vrai qu’avec son physique, il passait pour un vrai Lannister, avec ses cheveux blonds et ses yeux couleur émeraude. Puis elle en vint à se demander en quoi cela concernait son père. Elle n’avait pas le souvenir qu’une de ses sœurs ait eu un fils qu’elle aurait fait adopter.

    – Né Jarjayes ? Ne me faîtes pas rire. Commença Rainier

    Tous les regards étaient fixés sur lui.

    – C’est un bâtard, un enfant de la honte ! Une tâche sur le nom de ma famille ! Vous craigniez que je ne vous le reprenne ? Oh, vous pouvez bien le garder !
    – Comment osez-vous parler de mon fils de la sorte ?! S’emporta alors Kevan
    – Parce que c’est la vérité. Un enfant illégitime, né d’une noble et d’un palefrenier !
    – Cela vaut parfois mieux qu’un enfant légitime et parfaitement noble, vu l’amertume qui peut se développer avec les années. Répliqua le père de Lancel

    Si la situation n’avait pas été aussi tendue, Oscar en aurait ri à gorge déployée. Kevan Lannister n’en avait pas l’air, mais il assénait des claques rien qu’avec ses mots. Cependant, son esprit commença à reconstituer les faits. Lancel, un Lannister par adoption, né Jarjayes, d’une noble et d’un palefrenier, qui avait une quinzaine d’années… Non, c’était impossible.

    – Père ? Ne me dîtes pas que…
    – Tu veux la vérité, Oscar ? Oui. Lancel est bel et bien le bâtard que tu as eu d’André il y a quinze ans !

    L’esprit de la jeune femme se vida l’espace d’un très court instant avant de recevoir une vague d’informations. Son fils était en vie. Son fils était dans une famille hors du besoin et il avait un père qui sortait les griffes pour lui. Mais surtout, elle savait désormais à quoi il ressemblait. Des années durant, elle s’était torturée mentalement, en se demandant s’il avait gardé ses pupilles vertes, si ses cheveux avaient bruni. A qui ressemblait-il le plus ? Qu’avait-il hérité d’elle ? Qu’avait-il hérité d’André ? Le soulagement et l’émotion l’envahirent avant qu’elle ne recommence à raisonner.

    – Mais comment avez-vous su que … Commença-t-elle
    – Cet enfant est ton portrait craché. Je l’ai su dès que je l’ai vu. J’ai eu l’impression de te voir au même âge.
    – Si mon fils vous importunait tant, pourquoi avoir fait semblant ?
    – Te faire avorter aurait été contre la Nature et cela aurait pu te tuer. Quand aux recherches après sa naissance, il n’y en a jamais eu, j’ai prétendu en faire pour calmer tes nerfs. Je t’ai pardonnée parce que tu es ma légataire. J’ai pardonné à André. Mais c’était hors de question que cet enfant reste !

    Oscar réalisa alors avec effroi cette vérité :

    Son fils n’avait pas été enlevé à la naissance.

    Son père lui avait arraché l’enfant.

    Il l’avait emmené avec lui, confié à quelqu’un pour qu’il s’en débarrasse, par adoption ou par un moyen plus radical qu’elle n’osait pas imaginer.

    – Comment avez-vous pu ? Demanda-t-elle, la voix remplie de colère
    – J’ai fait ce que j’avais à faire ! Pour le bien de notre famille !

    Kevan se retint de rire. Il pensa à son frère, disparu avec son équipage, qui avait lui-même une enfant illégitime. Les Lannister étaient certes fiers mais jamais ils n’auraient osé faire la moitié de ce que Rainer avait fait. Au contraire. Joy Hill était une enfant chérie par tout le clan. Il éprouva de la peine pour cette pauvre Oscar. Il savait que si elle avait été la maîtresse du clan, Lancel n’aurait jamais quitté son berceau français. Rainier de Jarjayes ne lui inspirait que du dégoût et de la haine. Il n’avait pas agi pour la famille. Il avait agi par égoïsme, par orgueil. Au final, c’était un mal pour un bien, sans doute. Cela lui avait permis que d’avoir Lancel pour fils. Quelle vie aurait-il eu s’il était resté dans sa famille biologique ? Ses parents l’auraient aimé mais il aurait vécu chaque jour de sa vie éduqué dans la honte de ses origines, jugé constamment par un grand-père obtus.

    – Pour le bien de la famille ? Eh bien, je suis ravie que mon enfant n’en fasse plus partie ! Une famille n’abandonne pas les siens ! Lord Tywin a raison. Lancel est un Lannister et il n’y a aucune raison que cela change ! Il n’y a même aucune raison pour que Lancel le sache, s’il est dans l’ignorance. Je suis, pour ma part, déjà satisfaite. Et le père biologique de Lancel le sera aussi. Nous savons désormais à quoi ressemble notre fils, où il est et qu’il ne manque de rien. Nous ne pouvions pas espérer mieux. Conclut Oscar avec un air de fierté qui impressionna Tywin.
    – Puisque nous sommes d’accord, je ne vois pas le besoin de faire durer cet entretien. La vérité a été expliquée et nous sommes tous d’accord, Lancel est un Lannister.

    Les deux familles se séparèrent alors.

    XXXXXXX

    Dans sa chambre de Versailles, un verre du meilleur vin français à la main, Cersei complotait.

    Ainsi donc, la fille Jarjayes était la mère de Lancel. Cela tombait à pic. Lancel ne savait rien du secret entourant sa naissance. Dans sa cervelle de moineau, il était convaincu qu’il était le fils biologique de Kevan Lannister et de Dorna Swyft. Et cet insolent avait osé lui tenir tête et ne pas se plier à ses demandes. Elle était peut-être sa cousine, si on restait dans la logique de ce gamin, mais elle était avant tout sa reine !

    Elle regarda par la fenêtre et se remémora alors ce fameux jour.

    Port-Réal, six mois avant l’arrivée de la famille royale en France

    Cersei faisait les cent pas, nerveuse, dans sa grande chambre. Robert avait-il découvert son secret ?

    – Nos enfants ont l’air de parfaits Lannisters ! Quand on les voit, on n’arrive pas à voir leur sang Baratheon ! Avait-il dit, ivre
    – Et pour cause, gros porc ! Ce ne sont pas tes enfants, ce sont ceux de Jaime ! Les enfants de ma moitié, de mon double ! Tu croyais sincèrement que j’allais te laisser me faire des enfants qui auraient hérité de toi ?! Pensa-t-elle avec force tout en gardant une mine illisible.

    Robert était certes enivré, et il était peu probable qu’il se souvienne de sa phrase. Tout comme il était possible qu’il l’ait dit sans arrière pensée. Mais si jamais il le pensait vraiment ? Il pouvait alors fait exécuter ses enfants devant elle avant de la tuer ensuite. Il en était capable. Elle n’avait pas le choix, elle devait tuer Robert, pour protéger ses lionceaux. Et qui mieux que Lancel pour l’aider ? Il était proche du roi, vu qu’il était son écuyer.

    – Majesté ?
    – Entre Lancel.

    Le jeune homme entra, intimidé par sa présence. Il avait toujours été timide de toute façon.

    – Vous m’avez fait demander ?
    – Lancel, ici ce n’est pas la reine, mais la cousine qui te parle. Ainsi qu’une mère inquiète…
    – L’un de tes enfants serait-il malade ? S’enquit immédiatement l’adolescent, l’air sincèrement préoccupé.

    Cersei lui sourit gentiment.

    – Non, tranquillise-toi. Ils sont en parfaite santé. Mais je crains pour leur sécurité.

    Elle remarqua alors qu’elle avait toute son attention. Lancel était de ces gens qui se couperaient un bras pour sauver un membre de leur famille.

    – Mon mari… Robert… Je crains qu’il ne pense que nos enfants ne soient pas de lui.
    – Mais c’est ridicule ! Ils sont ses enfants, personne d’autre ne pourrait être leur père !

    L’esprit de Cersei éclata de rire face à la naïveté un brin touchante du garçon.

    – Je le sais bien mais tu le connais, dès qu’il a une idée en tête, impossible de la lui retirer et s’il reste dans son délire, j’ai bien peur que… Qu’il les fasse exécuter !

    Elle feignit d’être prise d’un sanglot. Elle était bonne actrice. Lancel se hâta à ses côtés et osa poser une main chaleureuse sur son épaule.

    – Il ne le fera pas. Tes enfants sont adorés par la population !
    – Je le sais mais je dois être sûre que rien ne leur arrivera. Et tu es le seul à pouvoir m’aider. Même Jaime serait impuissant pour cette tâche.
    – Que dois-je faire ?
    – Quand Robert partira à la chasse, tu lui donneras le vin qui se trouve dans l’outre sur la table. Il s’agit du vin le plus corsé qu’il soit. Remplis sa coupe dès qu’elle est vide, n’hésite pas à lui en proposer, quitte à ce qu’il la vide.
    – L’alcool et la chasse ne font pas bon ménage.
    – Exactement.

    Lancel réalisa alors avec effroi ce que Cersei lui demandait. Ce n’était ni plus ni moins que de participer à un régicide. Ivre, Robert avait toutes les chances de se tuer en chassant, ce qui passerait pour un accident malheureux et le seul coupable serait son amour pour la boisson.

    – Je ne peux pas.
    – J’ai conscience que cela est énorme. Mais avec Joffrey sur le trône, Myrcella et Tommen seront sauvés.
    – Tu n’es même pas certaine qu’il veut se débarrasser d’eux. Cersei, je crois que tu es fatiguée et que tu as trop bu. Dors un peu, tu auras l’esprit plus clair.

    Lancel commençait vraiment à lui taper sur le système !

    – Ecoute-moi bien. Je ne voulais pas en arriver là, mais tant pis ! Soit tu obéis et tout ira bien dans le meilleur des mondes, Joffrey te fera chevalier et tu auras mon amour, soit tu t’obstines et je fais tuer Elora ! Tu crois que je n’ai pas remarqué ce qu’il se passe entre vous ?!

    Etrangement, Lancel ne montra aucun signe de peur.

    – A mon tour que de te faire un chantage. S’il arrive quoi que ce soit à Elora, même l’accident le plus petit du monde, qui paraisse suspect, j’irai voir le roi et je lui dirai que tu as comploté contre lui. Et là, tu gagneras tout. Tes enfants seront peut-être sauvés, mais toi, tu seras au mieux répudiée, au pire exécutée et tu apporteras la honte sur notre famille. Je ne pense pas qu’Oncle Tywin apprécierait.

    Cersei pâlit. D’habitude, Lancel était quelqu’un de facile à manipuler. Que lui avait donc fait la bâtarde de Robert pour qu’il sorte les griffes ?

    – Je garderai notre entretien pour moi. Et pour l’instant, je mets cela sur le compte de l’anxiété, mélangée à l’heure tardive et au pichet de vin. Bonne nuit, Cersei.

    Il partit, la laissant fulminante. Ainsi, Monsieur était trop pur et de nature fidèle ? Elle allait le briser ! Le briser en mille morceaux ! Il n’était même pas son vrai cousin, alors elle ne voyait pas pourquoi elle se priverait du mets délicat qu’était la vengeance.

    Le bruit de quelqu’un frappant à sa porte la ramena à la réalité versaillaise.

    – Entre, Lancel.

    Le jeune homme apparut alors. Cersei, ayant rencontré Oscar, put constater que Rainier n’avait pas menti. Il ressemblait vraiment à sa mère. La même toison d’or, les traits fins, sa bouche, même son nez. Les yeux, en revanche, devaient venir de son père.

    – Majesté.
    – J’ai un service à te demander, Lancel. Ton père va venir me voir vers trois heures. Serais-tu assez gentil pour nous amener un pichet de vin ?
    – Cela sera avec plaisir. Dit-il avec un sourire

    Il la laissa à son observation des jardins, ne voyant pas le sourire victorieux peint sur ses lèvres.

    – Profite des quelques heures d’ignorance qu’il te reste, cher cousin. Bientôt, tu seras à ramasser à la petite cuillère.

    XXXXXXX

    Il était en effet trois heures quand Kevan alla voir sa nièce.

    – Je n’aurais jamais pensé que nous retrouverions sa famille Commença Cersei
    – Nous sommes sa famille, Cersei. Dit simplement Kevan
    – Certes, mais elle reste sa famille biologique. Sa mère nous a dit qu’elle était d’accord avec nous mais rien ne prouve qu’elle ne fera rien pour récupérer son fils, prétextant qu’elle ne savait rien des plans de son père et qu’elle n’avait jamais souhaité que Lancel soit adopté.

    Lancel, qui avait ouvert la porte pour amener le vin demandé par sa cousine, se figea. Son esprit de vida parfaitement, sous le choc, et la cruche lui échappa des mains, se brisant au sol dans un grand fracas. Si Cersei prit une mine désolée, intérieurement, elle jubilait. Kevan, quant à lui, semblait dévasté.

    – Je… Je vous laisse. Finit par lâcher Lancel en tournant les talons, son père le suivant aussitôt.

    Cersei fit appeler une domestique pour nettoyer les dégâts et se servit un verre de vin, savourant son méfait, l’air parfaitement victorieuse.

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    #604
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    Chapitre 4 : Fourré d’or ou de rouge

     

    Si Lancel parvint à traverser le couloir pour rejoindre ses appartements, il n’en gardait pas le souvenir. Son esprit était hanté par ce que Cersei avait dit.

    « Sa mère nous a dit qu’elle était d’accord avec nous mais rien ne prouve qu’elle ne fera rien pour récupérer son fils, prétextant qu’elle ne savait rien des plans de son père et qu’elle n’avait jamais souhaité que Lancel soit adopté. »

    Cette phrase tournait en boucle dans sa tête, revenant toujours alors qu’il tentait de la chasser. Cela était une plaisanterie, cela ne pouvait pas être autre chose. Bien sûr qu’il était le véritable fils de Kevan Lannister ! Peut-être que sa cousine voulait se venger de son père pour une raison qui lui échappait ? Non, pas comme cela. Cersei était intelligente. Kevan avait l’oreille et l’amour de son frère aîné et une telle accusation remontait facilement, elle aurait eu de graves ennuis si cela était arrivé. Mais alors, pourquoi cet alignement de mots le perturbait-il autant ? Il était le fils légitime de Kevan Lannister et de Dorna Swyft ! Pourquoi cela le mettait-il dans un état pareil s’il savait que cela était faux ?

    – Peut-être parce que c’est vrai. Lui rappelait cruellement une partie de son inconscient

    Et son esprit, lui, renvoyait cette salve de « C’est faux! » si rassurante.

    Il était soulagé que son service avait pris fin. Il ne savait pas comment il aurait fait pour servir Robert dans son état.

    – De toute façon, que tu t’appliques ou que tu lambines, pour lui, c’est du pareil au même. Pensa-t-il en ôtant sa cape et son bonnet, puis défaisant son plastron.

    Il décida de ne plus bouger de sa chambre avant le repas. S’il allait au repas. Il pouvait toujours prétexter qu’il ne se sentait pas très bien ou qu’il n’avait pas faim. Mais cela inquiéterait immédiatement son père et ses frères. Et il était un piètre menteur.

    – Cersei ne l’a peut-être pas fait exprès. Elle est douée pour obtenir des gens qu’ils agissent à sa place mais elle n’est pas aussi cruelle. Tenta-t-il de se convaincre

    Un grondement sourd brisa sa réflexion. Le ciel s’était couvert et un orage venait d’éclater.

    – Dire qu’il faisait si beau ce matin. Soupira l’adolescent avant d’admettre que cela était une raison toute trouvée pour ne pas quitter sa chambre.

    Ca, et le fait qu’il avait peur de se perdre dans ce château si immense.

    Quelques coups discrets furent frappés à sa porte. Lancel les reconnut aussitôt avant même que le visiteur ne puisse lui demander la permission d’entrer. Néanmoins, il laissa ce soin au nouvel arrivant.

    – C’est moi, Lancel. Puis-je entrer ? Demanda alors la voix de son père
    – Bien sûr.

    Par réflexe, il se leva pour l’accueillir, c’était systématique, même si Kevan lui répétait sans cesse qu’il pouvait rester assis. Et voyant l’expression sur le visage de son père, le jeune homme sut que l’événement de la cruche de vin n’allait pas être rangé au fond d’une malle. Pourquoi avait-il l’air blessé, hésitant, désolé même ?

    – Ce que tu as entendu, tu l’as entendu à partir de quand ? Demanda-t-il
    – Dès que Cersei a évoqué le mot biologique.

    Kevan soupira. Le jour qu’il craignait le plus était arrivé.

    – Mais je ne pense pas qu’elle était sérieuse, cela était certainement une plaisanterie. Ajouta son fils

    L’homme se sentit encore plus mal. Il ne voulait pas briser le cœur de Lancel. Mais il ne voulait pas lui mentir non plus. Et il valait sans doute mieux qu’il l’apprenne par lui que par une personne tierce.

    – Lancel… Commença-t-il. Je pense que tu devrais t’asseoir.

    L’adolescent obéit sans protestation, se demandant vraiment ce qu’il se passait. Quant à Kevan, il pria rapidement les Sept de lui donner le courage que de tout lui dire, ainsi que de lui donner les mots justes. Parce que né de lui ou non, Lancel était avant tout SON enfant, SON fils, ce petit garçon plein de vie et de bonne volonté qu’il avait élevé et aimé durant ces quinze dernières années.

    – Qu’as-tu compris des paroles de Cersei ?
    – Qu’apparemment, j’ai été adopté et que ma génitrice vivrait ici. Mais je n’en crois pas un mot.

    Il avait insisté sur le mot génitrice, refusant de l’appeler Mère. Sa mère, c’était Dorna Lannister, née Swyft, la fille de Ser Harys Swyft, chef d’une des maisons vassales des Lannister.

    – Tu évoquais une plaisanterie. J’aurais aimé pouvoir te dire que cela en était une. J’aurais vraiment aimé pouvoir te le dire, Lancel.

    Kevan vit alors les pupilles émeraudes de son fils s’écarquiller sous le choc, son visage devenant soudain illisible.

    – Alors, elle… Parvint-il à murmurer avant que sa voix ne s’éteigne

    Kevan ne put qu’acquiescer en silence avant d’entreprendre de raconter toute l’histoire à l’adolescent.

    XXXXXX

    Castral Roc, quinze ans auparavant.

    Dire que cela était un après-midi banal dans l’Ouest de Westeros aurait été mentir pour Kevan. C’était bien la première fois que quelqu’un demandait une audience à son frère pour faire adopter un enfant qui n’était même pas celui du visiteur ! Le nourrisson semblait avoir à peine deux mois. Il avait été confié à Dorna, son épouse, le temps de la discussion et il avait eu un pincement au cœur en la voyant si radieuse quand elle avait tenu ce bébé dans ses bras. Malgré tous leurs efforts, toutes les prières de son épouse, leur mariage demeurait pour l’instant stérile.

    – Vous voyagez à travers les contrées pour trouver une famille noble à ce bâtard né d’une pucelle et d’un palefrenier ? S’étonna Tywin
    – J’ai peut-être été payé pour enlever cet enfant à sa mère mais je me refuse à honorer la seconde part du contrat. Bâtard ou non, cet enfant ne mérite pas que je lui ôte la vie.
    – Et qui vous a ordonné cela ?
    – Le père de l’accouchée.

    Kevan se mordit discrètement la langue pour ne pas montrer sa révulsion. Quel genre d’homme ordonnait la mise à mort de son propre petit-fils parce qu’il était né en dehors des liens du mariage ?Enlever un enfant à sa mère était déjà cruel mais le frère de Tywin comprenait que parfois, une telle horreur était nécessaire. Cependant, quelle menace représentait ce petit être que sa femme surveillait ? Le fils illégitime d’une jeune adolescente noble et d’un palefrenier. Franchement. Certes, elle était l’héritière de la famille mais il aurait été justement avisé que de lui laisser son bébé, bâtard ou non, il était une preuve qu’elle était féconde, ce qui aurait pu être un avantage sur l’échiquier du mariage. De plus, elle semblait s’en être bien remise, autre point important. Non, décidément, il ne comprenait pas ce qui avait pu pousser le grand-père de ce petit garçon à agir ainsi. Il fut tiré de sa réflexion par Tywin, qui lui demanda de le suivre pour parler en privé.

    – Ta femme semble subjuguée par cet enfant. Commença-t-il

    Il se contenta d’acquiescer.

    – Quel est son physique ? Lui demanda-t-il
    – Blond aux yeux verts. Répondit Kevan, surpris par une telle question
    – Alors c’est tout trouvé.

    De plus en plus étrange.

    – Accepterais-tu d’adopter cet enfant, Kevan ?

    La proposition lui fit un effet choc. Il avait bien entendu ? Tywin lui proposait que cela soit lui le père de ce bébé ?

    – Avec son physique, cet enfant peut parfaitement passer pour un Lannister. De plus, par chance, ton épouse et toi, vous êtes assez retirés de la vie de cour. On peut aisément prétexter ce retrait par une grossesse. Personne ne pourra remettre sa naissance en cause.

    Cela était simple et ingénieux et au fond de lui, Kevan voulait donner à cet enfant un deuxième départ. Mais il ne put s’empêcher de se demander pourquoi son frère s’était embêté à trouver tant de prétextes pour qu’il puisse faire passer cet enfant comme étant son neveu. Tywin était loin d’avoir un cœur de pierre mais pour être le chef des Lannister, pour faire en sorte que jamais plus leur maison ne connaisse le déclin et les rires, il avait dû abandonner l’idée même d’être philanthrope. Leur père avait été bien trop bon et on en avait profité, traînant le nom du clan dans la boue, ce dont Tywin avait souffert car il l’avait vécu comme une humiliation, une rage bouillonnante qu’il avait dû contenir jusqu’à son accession à la tête de la famille.

    – Ne crois pas que son histoire m’ait touché. Ajouta-t-il
    – Je n’aurais jamais osé. Pensa Kevan
    – Mais je sais que tu feras un bon père. Tu en as toujours rêvé.

    Tywin n’en ajouta pas plus mais Kevan le comprit parfaitement et cela le touchait au-delà des mots. De tous les cadeaux que son frère aîné avait pu lui offrir, celui-là était le plus précieux et le plus beau. Les critiques des autres, disant que Tywin n’avait pas de cœur, cela le faisait doucement rire. Il venait d’en avoir assez pour sauver un enfant et pour offrir, à Dorna ainsi qu’à lui, la réalisation d’un rêve alors inaccessible.

    Son aîné alla voir le visiteur, lui expliquant que son cadet allait élever l’enfant. Il lui demanda des précisions sur la famille biologique du garçon.

    – Une famille française. Les Jarjayes. Un lion bleu tenant un sabre dans sa patte droite, le tout sur fond noir.

    Tywin se chargea des formalités et s’en alla pour accomplir ses autres devoirs, murmurant un « Félicitations » chaleureux à son frère. Kevan rejoignit alors son épouse.

    – Dois-je confier ce petit au visiteur ? Demanda-t-elle
    – Cet enfant ne quittera pas ce château. Répondit-il
    – Comment cela ? S’étonna-t-elle

    Le sourire de son mari lui fit comprendre que désormais, ce bébé était le leur. Elle eut un rire et un sourire radieux. Et alors qu’il prit le nourrisson dans ses bras, il sut immédiatement qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort.

    – Lancel.

    XXXXXX

    Lancel écouta son père lui expliquer toute la vérité. Quatre ans après son adoption, les Dieux avaient béni ses parents en leur donnant Martyn et Willem. Dix ans après, c’était Janei qui venait au monde.

    Cersei avait dit vrai. Dans ses veines, ce n’était pas du sang Lannister qui coulait, mais celui des lions Jarjayes.

    – Ai-je déjà vu mes géniteurs ? Parvint-il à dire d’une voix étonnamment claire
    – Je pense que oui. Il s’agit de la colonelle de la garde royale, Oscar de Jarjayes, et de son palefrenier qui la suit dans ses déplacements. André Grandier je crois.

    Lancel fit un calcul rapide. Oscar devait avoir son âge quand elle accoucha de lui. Et elle aurait eu le même âge que lui si son grand-père avait eu un employé moins à cheval sur ses principes moraux.

    – Si tu veux les rencontrer, les connaître…
    – Cela ne sera pas utile.

    Kevan regarda son fils avec étonnement. Il fut encore plus surpris quand il l’enlaça.

    – Je n’ai qu’un seul père, et mon père, c’est vous.

    Pour la première fois en presque une heure de torture mentale, l’homme eut un sourire de soulagement, tout en rendant l’étreinte à son enfant.

    Lancel avait raison. Oscar de Jarjayes était peut-être la génitrice de Lancel. André Grandier était peut-être celui qui l’avait mise enceinte. Mais Dorna et lui étaient ses parents.

    Lancel était peut-être un fils Jarjayes.

    Mais il était avant tout le sien.

     

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    Chapitre 5 : Une Main tendue

     

    La nuit était tombée sur la France depuis quelques heures déjà. Face à sa cheminée, son fidèle André adossé à une barre de son lit, Oscar ne cessait de relire le mot qu’elle avait reçu de Kevan un peu plus tôt. Il ne comportait que quatre mots et pourtant, ils signifiaient tant pour elle, comme pour son amant.

    Lancel sait.
    Kevan Lannister

    Son fils était désormais au courant sur leur lien de parenté. Elle ignorait comment, car le Ser Lannister n’avait pas jugé bon d’en expliquer la raison, et dans le fond, elle comprenait pourquoi. La raison importait peu face au résultat. Elle trouvait même que cela avait été bon, voire même charitable, de sa part que de leur dire. Il aurait très bien pu les laisser dans l’ignorance. Oscar se demandait comment Lancel avait réagi. L’avait-il bien vécu ? Ou au contraire, cela l’avait-il brisé ? Tout comme cela avait brisé André de savoir la vérité sur leur fils. Elle s’était attendue à des éclats de voix, à une ire folle, à un désir issu de Thanatos et pourtant, rien de tout cela. André était resté muet mais avait paru choqué, ce qui semblait naturel, mais dans ses pupilles vertes, sa compagne avait vu la douleur de la trahison. André avait toujours eu de l’admiration et du respect pour le Général. Ce qu’il leur avait fait subir, ce qu’il voulait faire à leur enfant, cela avait détruit tout ce qu’André voyait en l’homme qui lui servait de beau-père non-officiel. Ce qu’Oscar comprenait. Mais contrairement à elle, il désirait tisser des liens avec son fils, surtout avec la nouvelle conjoncture qui se présentait. Il comprenait néanmoins les arguments de sa chère et tendre. Surtout ne pas bousculer Lancel. Le choix devait lui être laissé. Eux, ils pouvaient tendre des perches mais en aucun cas ils ne devaient prétendre être plus que des géniteurs. C’était une vérité difficile mais il leur fallait accepter. Ils n’étaient que les géniteurs de Lancel. Ses parents étaient Kevan et Dorna Lannister et quand ils voyaient le jeune homme qu’était devenu leur petit bébé, le couple avait fait du bon travail. Ils ne voulaient pas leur voler cette place. Une place méritée de surcroît.

    Lancel était un Lannister et il n’avait pas la prétention que d’essayer d’en faire un Jarjayes.

    Leur fils était en vie, il était aimé, il était en bonne santé, il était à l’abri du besoin et il était en train de se forger un avenir. C’était tout ce qu’ils voulaient pour lui et cela était déjà bien suffisant.

    Néanmoins, ils ne niaient pas que jouir de son amitié voire de son amour serait un bonus magnifique.

    XXXXX

    Si son éducation parvint à lui faire conserver une bonne figure, Cersei avait crû enrager quand elle vit son jeune cousin arriver au souper l’air parfaitement normal. C’était comme si la Vérité ne l’avait pas atteint.

    – Ainsi donc, tu es au courant. Dit Tywin
    – Je le suis. Mais cela ne change rien. Je suis un Lannister de Castral Roc. Et je compte bien le rester. Avait répondu Lancel

    Le jeune homme put voir alors se peindre une expression qu’il voyait rarement sur le visage de cet oncle qui le fascinait autant qu’il l’effrayait. Lord Tywin Lannister, l’homme le plus craint des Sept Couronnes, le regardait avec fierté. Kevan souriait de manière discrète.

    – En effet. Cela ne change rien. Conclut le patriarche du clan

    Le repas se passa sans heurt, même si l’esprit de la reine bouillonnait. Décidément, ce cousin adoptif était résistant ! Lui qui était si timide, si désireux de bien faire et de faire plaisir, il lui avait tenu tête une fois et il la narguait avec son air de garçon fier et droit. D’où lui venait cette force soudaine ? De la bâtarde de son mari ? Elle n’était pas aveugle, elle avait bien vu que le jeune homme la dévorait du regard, il était évident pour tout le monde qu’ils s’aimaient, sauf peut-être pour les deux concernés si pour eux, leur relation était de la pure amitié. Comment cette gamine pouvait être devenue aussi indispensable pour lui, un tel pilier, sans même avoir échangé un baiser ou avoir couché ensemble ? Ils n’étaient que deux oisillons à peine sortis du nid qui ne connaissaient rien à la vie.

    – Peut-être parce que ce qu’ils ont, c’est ce que tu as avec Jaime. Elle est sa moitié, son autre. Tu n’étais qu’une gamine mouillant ses draps que Jaime était déjà ton pilier. Ton cousin est un lion lui aussi, à mi-chemin entre le lionceau et le lion adulte, et il apprend à rugir. Même s’il n’est pas un lion de Castral Roc. Le temps a filé et tu ne l’as pas vu grandir. Personne ne l’a vu grandir. Méfie-toi de lui, à force de placer ta main dans sa gueule, ne t’étonne pas s’il finit par te mordre. Lui intima sa conscience

     

    XXXXX

     

    Alors que Robert discutait d’histoires de guerre avec l’un de ses gardes de la garde du roi, Lancel remarqua que sa cruche de vin allait être vide sous peu. Et son souverain aimant le raisin alcoolisé, cela n’allait pas bien se passer. Il tenta de s’éclipser discrètement. Peine perdue.

    – Je peux savoir où tu files comme ça ? Tonna la voix grave du roi de Westeros
    – Votre cruche est presque vide, Votre Grâce. Je vais vous en chercher une nouvelle. Répondit son écuyer le plus simplement du monde

    Le ton de Lancel surprit l’ancien guerrier. Son écuyer était un maladroit de première, bafouillant quand il était intimidé et il était intimidable à souhait. Mais là, il l’avait regardé dans les yeux, sans crainte, et il y avait presque du professionnalisme dans sa voix.

    – Je vois que tu apprends de tes gaffes passées. Soit. File donc m’en chercher une autre ! Si tu croises Elora, tu peux bien sûr la saluer mais ne te perds pas en discussion ! Je ne veux pas me déshydrater ! Finit-il par aboyer

    Lancel acquiesça simplement avant de filer. Robert se demanda ce qui avait changé son écuyer de manière aussi rapide. Sa bâtarde était une gentille fille, et d’ailleurs ce gamin Lannister se montrait sincèrement sympathique avec elle, mais Elora n’avait pas l’étoffe d’une forgeuse de personnalité, elle était bien trop douce et diplomate pour ça. Cependant, Lancel était pareil, au fond. Un gamin trop doux, avec du tact. Sans doute pour se protéger d’insultes, mais là où il avait expliqué que son armure était trop petite pour lui, Cersei lui aurait dit qu’il était trop gros et trop gras. Qu’était-il arrivé à ce lionceau miaulant ?

    – Bah, après tout, qu’est-ce que ça peut me foutre ? Conclut-il mentalement

    Pendant ce temps, Lancel tentait de trouver son chemin vers les cuisines de Versailles. Il connaissait le chemin, mais malgré cela, ce palais était si grand et le nom des pièces si pompeuses et compliquées qu’il avait encore du mal. Il décida de s’arrêter un moment, de respirer un grand coup afin de réfléchir posément. Il se refit le chemin mentalement, des appartements de Robert jusqu’aux cuisines, ce chemin qu’il avait emprunté plus d’une dizaine de fois depuis son arrivée en France. Son esprit fut alors parfaitement clair. Il retint un sourire de naître sur son visage et se remit en route. Quelques pas plus tard, ses yeux repérèrent au loin Oscar. Sa mère. A ses côtés, un homme d’une trentaine d’années tout au plus, aux cheveux châtains foncés et noués en catogan. Son père, sans doute.

    – Non. Se corrigea-t-il violemment. Ce ne sont pas mes parents. Mon père est en train d’aider mon oncle avec ses affaires. Ma mère est à la maison, avec Janei.

    Il rassembla son courage et continua sa route, tentant d’être droit et fier.

    André vit Lancel arriver au loin. C’était la première fois qu’il allait réellement voir son fils. Comme il ressemblait à Oscar ! La même noblesse, ses cheveux d’or, ses traits délicats… Mais avec ses prunelles vertes pour lui faire découvrir le monde. L’homme ressentait une joie indicible teintée d’une certaine amertume. Il était ému de voir son fils, de voir comment avait évolué le petit être qu’il avait tenu quelques minutes dans ses bras. Mais il ne put s’empêcher de repenser à tous les moments perdus qu’ils auraient pu vivre. Il lui aurait appris à monter un cheval, à s’en occuper. Il l’aurait aidé avec les devoirs de ses précepteurs. Grand-Mère l’aurait gâté et sans doute empâté avec tous les gâteaux qu’elle lui aurait fait, ne pouvant résister à sa bouille d’ange.

    Quand le duo arriva à son niveau, Oscar lui lança avec un sourire gentil et chaleureux :

    – Bonjour Lancel.

    Le jeune homme ne s’offusqua pas qu’elle le salua par son prénom. C’était chose courante ici comme chez lui. Elle était une adulte et lui, un enfant. Cela était même bien vu par les autres.

    – Colonel de Jarjayes. Monsieur Grandier. Les salua-t-il alors d’un air poli mais sérieux avec un léger signe de tête avant de reprendre sa route

    Voyant André limite dévasté par l’événement, Oscar le prit à part.

    – Monsieur Grandier. Il m’a appelé Monsieur Grandier. Comme si je n’étais qu’un étranger !
    – André, sincèrement, tu t’attendais à quoi ? A ce qu’il t’appelle « Papa » et qu’il te bondisse dans les bras ? Cela fait mal, je le sais, mais il faut accepter la vérité, nous ne sommes que des étrangers pour lui.
    – Nous sommes ses parents ! Répliqua l’homme offusqué
    – Nous lui avons donné la vie, c’est vrai. Mais ce sont Kevan et Dorna Lannister qui l’ont élevé. Ils ont subi ses potentiels caprices, ils ont séché ses larmes, ils ont apaisé chaque fièvre. Nous n’avons pas eu cette chance car elle nous a été volée, c’est vrai. Mais cela ne change rien au fait que Lancel est leur fils. Il est le leur tout autant qu’il est le nôtre. Crois-tu que c’est aisé pour lui ? Tout est encore si frais ! Il a peut-être envie de nous connaître mais il a peut-être peur qu’en exprimant ce désir, il ne trahisse les siens.
    – Ser Kevan semble assez intelligent pour faire la part des choses.
    – Ser Kevan, oui. Mais Lancel est encore jeune. Il aurait peut-être ce sentiment de trahir le père qui l’a aimé pendant quinze ans.

    André sembla alors se calmer un peu. Oscar avait raison. Et elle aussi devait souffrir d’avoir été nommée comme une étrangère par son fils.

    Continuant son chemin, Lancel finit par croiser le Général de Jarjayes.

    – Décidément, c’est ma journée ! Pesta mentalement l’adolescent. Oscar et André lui semblaient relativement agréables mais cet homme, il ne pouvait pas le voir
    – Lancel. Le salua-t-il alors
    – Général.

    Le jeune homme tenta alors de poursuivre son chemin mais Rainier l’interpella, d’un air hautain :

    – Quelle froideur !

    Excédé, le porteur de vin lui fit signe de le suivre vers un endroit isolé.

    – Aux dernières nouvelles, je ne vous ai pas permis une telle familiarité ! Votre fille et son amant m’ont salué également, mais eux, au moins, ont eu la décence de me laisser vaquer à mes occupations et de faire passer cela pour de la simple courtoisie. Ce que j’accepte d’eux, je ne l’accepte pas de vous. Expliqua-t-il alors, tentant de rester poli
    – Quelle pédanterie pour un petit garçon ! Je suis ton grand-père, que diable !
    – VOUS N’ETES RIEN POUR MOI ! Explosa alors Lancel, ce qui secoua son aîné.

    Rainier de Jarjayes put alors voir toute la haine qu’il inspirait à son petit-fils.

    – Vous n’êtes qu’un hypocrite qui a menti à son enfant, qui la fait souffrir quotidiennement, et en plus de cela, vous avez même voulu tuer le sang de votre sang ! Et après, vous osez exiger de moi de vous appeler « Grand-Père » et de vous respecter comme tel ?! J’ai deux grands-pères. L’un d’entre eux est mort bien avant ma naissance. L’autre est à Cornfield, dans l’ouest de Westeros. Vous, vous êtes peut-être une partie de mon sang, mais c’est bien tout ce que vous êtes. Je suis un Lannister et j’en remercie les Sept chaque jour. J’aurais honte que d’être reconnu comme votre descendant ! Maintenant, laissez-moi ! Vous désirez me saluer ? Soit. Faites. Mais faites-le en sachant que je suis le fils de Ser Kevan Lannister et croyez-moi, vous ne souhaitez pas le voir en colère.

    Lui lançant un dernier regard plein de ire et de dégoût, il reprit sa route vers les cuisines royales, laissant un général complètement abasourdi. Ce gamin était exactement comme Oscar, du tempérament au physique.

    L’écuyer parvint à destination et obtint l’objet de sa quête.

    – Oh là, mon pauvre gamin, t’as l’air retourné ! T’as besoin d’un remontant ! Lui dit alors l’un des cuisiniers avec gentillesse avant de lui tendre un verre de Brandy

    Lancel regarda la boisson, qu’il ne connaissait pas. Il y en avait très peu dans le verre.

    – Après tout, vu la journée de merde qui s’annonce…

    Il le but cul sec et remercia l’homme avant de partir.

     

    XXXXX

     

    Vers trois heures de l’après-midi, Robert décréta qu’il avait assez vu Lancel pour la journée et qu’il pouvait disposer. L’adolescent ne se fit pas prier et regagna sa chambre. C’était le milieu de l’après-midi, mais il se sentait épuisé. Physiquement et mentalement. Après avoir ôté ses bottes, son bonnet, sa cape et son plastron, il se laissa tomber sur son lit. Et pour la première fois depuis son arrivée, il avait le mal du pays. Le mal de Castral Roc. Il n’avait qu’une envie : regagner ces terres de l’ouest qu’il chérissait tant, retrouver les bras chaleureux et aimants de sa mère, pouvoir à nouveau profiter de sa toute jeune sœur dont le premier sourire lui avait été réservé. Il ferait même un crochet par Cornfield tiens, pour saluer son grand-père. Peut-être aussi par Sarsfield pour voir sa tante Shierle. Il avait honte de sa réaction, il n’avait plus cinq ans. Mais c’était plus fort que lui. Il sentait même les larmes lui monter aux yeux. Il tentait de les combattre, se disant qu’il y avait bien pire que lui, que des centaines de gens de son âge tueraient pour être à sa place d’enfant gâté. Un léger coup à sa porte le ramena à la réalité. Il frotta vivement ses yeux et tenta de se composer une attitude.

    – Qui est-ce ? Demanda-t-il
    – C’est Elora.
    – Entre.

    La fille illégitime de son roi était plus belle que jamais. Elle portait une mise sobre mais élégante.
    Sa robe était couleur chocolat aux manches longues. Ces manches avaient un ourlet de la même couleur, simplement dans un ton plus foncé. Une légère séparation brodée dorée délimitait leurs frontières. Le col de la robe était carré et décoré de perles discrètes et sombres. Ses longs cheveux noirs tombaient en cascade de boucles dans son dos. Lancel tenta de lui sourire mais le résultat fut maladroit.

    – Je viens aux nouvelles. Tu as eu l’air étrange ce midi. Es-tu malade ?
    – Non, c’est pire que ça.

    L’adolescent avait essayé d’en rire mais cela peina Elora plus qu’autre chose. Cela avait été un rire désabusé, mêlé à un regard plein de tristesse. Elle s’assit à ses côtés et posa doucement sa main sur la sienne.

    – Qu’y-a-t-il ?
    – Je viens juste d’apprendre que tout ce que je croyais savoir sur moi était faux. Je supportais tout en me disant que je devais être fort parce que j’étais né Lannister. Je ne suis ni un Lannister, ni même un noble. Je suis né dans la honte d’une famille de ce pays et je ne me suis retrouvé à Westeros que parce que le tueur qu’avait engagé mon grand-père pour supprimer le bébé que j’étais avait des principes moraux…

    Il expliqua alors tout à son amie. La vérité sur ses origines. Son arrivée à Westeros. Son adoption. Et comment il avait appris la vérité. Qui étaient ses géniteurs. Mais surtout, la honte qu’il éprouvait.

    – Kevan Lannister et Dorna Swyft sont mes parents. Rien ne changera ça. Pourtant, j’ai bien vu que j’ai blessé mon géniteur. Je devrais n’en avoir rien à faire, vu le discours que je tiens. Vu le fait que je ne supporte par le Général de Jarjayes. Cependant…
    – Tu t’en veux de lui avoir fait de la peine car il n’est pas le Général et lui et sa compagne ont l’air sincères.
    – M’en faire des amis serait trahir mes parents…

    La main d’Elora se referma un peu plus sur la sienne.

    – Loin de là. Tu as la chance d’avoir des parents intelligents. Vouloir savoir d’où tu viens ne signifie pas renier qui tu es. Tu es un Lannister de Castral Roc. Peu importe comment, tu es le fils de Ser Kevan. Tu peux avoir de bonnes relations avec tes géniteurs sans pour autant les appeler tes parents. Je pense que, dans leur cas, jouir de ton amitié est le seul gros rêve qu’ils ont te concernant.

    Pour la première fois dans sa journée, Lancel se sentit mieux.

    – Comment fais-tu pour me connaître mieux que moi-même ?
    – Je pourrais te retourner la question.

    Il eut un petit rire avant de s’emparer avec tendresse des lèvres de celle qu’il fréquentait en secret. Il n’était pas idiot, il savait que les gens parlaient mais ils n’avaient pas de preuves. Cela le faisait rire et amusait Elora.

     

    XXXXX

     

    – Lancel voudrait fréquenter ses géniteurs. Dit simplement Kevan à son frère en fixant l’horizon par la fenêtre

    Il entendit alors la plume de Tywin cesser de gratter la feuille dont il se servait.

    – Il m’a aussi assuré qu’il ne le ferait pas si cela posait un problème pour notre famille. Il ne veut pas devenir un Jarjayes, il dit simplement désirer les connaître. Ajouta-t-il

    Tywin demeura silencieux quelques secondes avant de dire :

    – J’ignore si ton fils est un génie malgré lui mais c’est une excellente idée. S’il lie une amitié avec sa génitrice qui est l’héritière du clan Jarjayes, cela nous donne des alliés en dehors des frontières de notre pays, ce qui peut être une bonne chose. Tant au niveau militaire qu’économique, avec les échanges commerciaux que nous pourrions développer avec la France. Dis lui que je ne m’y oppose pas. Après, tu es son père. Libre à toi de refuser.
    – Lancel a le droit de savoir d’où il vient. Je ne le priverai pas de la compagnie de ses parents biologiques, surtout que nous repartirons un jour. Autant qu’ils profitent, tous les trois.
    – Peu de pères feraient ce que tu fais.
    – Peu de pères ont la chance d’avoir un enfant comme le mien.

    Tywin accorda à son frère l’un de ses rares sourires.

     

    XXXXX

     

    Le soir même, Oscar eut la surprise de recevoir un mot, adressée à elle mais aussi à André.

    Mademoiselle de Jarjayes, Monsieur Grandier

    Si j’ai été froid et que je vous ai blessés tout à l’heure, je m’en excuse, cela n’était pas le but. J’ai conscience que nous avons une relation… Particulière. J’ai l’approbation de mon oncle, Lord Tywin, ainsi que celle de mon père, Ser Kevan. Il ne manque plus que la vôtre, si toutefois vous désirez que nous apprenions à nous connaître.

    J’ai l’honneur d’être etc
    Lancel Lannister

    André eut un rire de joie et embrassa Oscar à pleine bouche. C’était un cadeau de Dieu.

    A Suivre

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #606
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    La Part du Lion

    Chapitre 6 : Lannister et Jarjayes

    La nuit était tombée sur le royaume de France. Assis non loin de la cheminée où s’agitait un feu ronronnant, Lancel réfléchissait à la journée qu’il venait de passer. Si son père était curieux, alors il le cachait bien, car il n’avait demandé aucun détail à son retour du domaine des Jarjayes. Il lui avait simplement demandé s’il avait passé une bonne journée et se contenta de cela quand le jeune homme lui répondit par l’affirmative. Peut-être voulait-il respecter une espèce de jardin intime où ses parents biologiques et lui avaient accès. Oui, sa famille restait silencieuse à ce sujet, pour des raisons qui étaient différentes selon les personnes, mais Lancel appréciait cela. Il n’était pas certain qu’il aurait été capable de mettre les mots justes sur ce qu’il avait vécu et il se serait juste contenté d’une phrase véridique mais terriblement simple et tronquée :

    Il avait passé une bonne journée.

    XXXXXX

    Quand Lancel avait reçu un mot de la part d’Oscar l’invitant à venir passer une journée chez elle, au château des Jarjayes, il avait eu un moment de panique. Oui, il n’était pas contre un certain rapprochement. Mais débarquer ainsi chez des inconnus… Cela lui faisait presque mal de dire cela, Oscar et André étaient ses géniteurs, mais ils n’étaient en rien ses parents. Ils étaient des étrangers, parce qu’un homme avec un orgueil démesuré avait décidé de les séparer. Il ne regrettait nullement d’être un Lannister. Il aimait son nom, son prénom, sa famille, l’histoire de son clan. Il regrettait ce qui n’avait pas pu naître, sans renier ce qui avait été. Il se demanda aussi si le Général serait là.

    – Comme tu peux être bête ! Se flagella-t-il. Évidemment qu’il sera là, si c’est son jour de congé, il voudra profiter de sa maison ! Tu n’es qu’un invité et il n’a pas à partir en voleur parce que tu l’as réprimandé lors de votre dernière rencontre !

    Le roi Robert et le roi Louis étaient vite devenus amis malgré leurs personnalités aux antipodes l’une de l’autre. Robert avait bien des défauts, mais c’était un homme simple, aussi comprit-il rapidement la passion de Louis pour la forge. Et les deux hommes adoraient la chasse. Ils partaient souvent à l’aube pour revenir une fois le soleil couché et bien souvent, Robert disait à Lancel qu’il n’aurait pas besoin de ses services, ce qui le soulageait à la vérité. L’adolescent n’avait jamais eu d’affection particulière pour la chasse. Il comprenait la nécessité de chasser pour se nourrir, pas celle de chasser pour le simple plaisir de tuer une pauvre bête qui n’avait rien demandé.

    Lancel accepta l’invitation d’Oscar et il fut convenu que la rencontre aurait lieu le 1 juin 1785.

    Tout semblait parfait pour cette journée. Il faisait beau et chaud sans que la chaleur ne soit étouffante. Une brise légère et agréable rafraîchissait l’air. Le jeune homme avait décidé de s’y rendre seul, malgré la crainte de son père, crainte qu’il comprenait. Jarjayes n’était pas loin mais il ne connaissait rien de la géographie de la France. Après une légère étude de cartes et une demande de chemin à un paysan qu’il remercia avec une pièce d’or, le jeune homme trouva enfin le domaine de son sang.

    Le château des Jarjayes lui paraissait petit comparé à Castral Roc ou au Donjon Rouge, mais il lui trouvait un certain charme. Tout semblait carré, ordonné, géométrique, avec des jardins parfaitement maîtrisés. Là où Versailles lui donnait le tournis, Jarjayes l’apaisait.

    – Peut-être est-ce lié au fait que je sois né en ces murs… Songea-t-il

    Comme il devait être agréable de fonder une famille dans un tel cadre ! Un cadre simple, confortable. Il se voyait bien dans une demeure semblable, avec Elora à ses côtés et leurs enfants, si les Dieux avaient la bonté de les bénir.

    Alors qu’il arrivait devant le portail, André vint à sa rencontre, l’air plus heureux que jamais.

    – Bienvenue, Lancel ! Lança-t-il gaiement
    – Bonjour, Monsieur Grandier. Répondit-il timidement
    – Tu peux m’appeler André, tu sais. Tout le monde m’appelle comme ça. Lui dit l’homme alors que Lancel descendait de cheval
    – Je ne voudrais pas être impoli.
    – Si je t’y autorise, ça n’est pas de l’impolitesse.

    L’adolescent se surprit à sourire sincèrement à son père biologique. André mena le cheval de son fils aux écuries avant que le duo ne pénètre dans le bâtiment. La décoration intérieure fascinait le jeune homme. Si différente de celles de son pays mais en même temps si semblables dans le repos qu’elles accordaient ! Une vieille femme alla à leur rencontre. Elle était petite et ronde, son visage, malgré ses rides, avait des airs de bambin. Sa chevelure d’argent était coiffée et serrée dans un bonnet violet. A sa mise, Lancel devina qu’elle devait être une domestique.

    – André, est-ce bien… Commença-t-elle, l’air visiblement émue
    – Oui, Grand-Mère. Voici Lancel, ton arrière petit-fils.

    Grand-Mère se mit alors à pleurer, un sourire éclatant se peignant alors sur ses lèvres alors qu’elle observait Lancel comme s’il était la plus belle chose qu’elle ait vu dans sa vie.

    – Oh mon Dieu ! C’est bien toi ! Le Seigneur n’aurait pas pu m’accorder plus beau cadeau ! J’ai bien crû ne jamais te revoir et mourir avant de voir le beau jeune homme que tu es devenu !

    Le westerosi ne sut pas comment réagir. Tout était nouveau et s’enchaînait rapidement. Cette dame était la grand-mère de son père biologique, faisant d’elle son arrière grand-mère paternelle. Il avait toujours du mal à accepter la vérité sur son sang, à s’imaginer qu’il avait une famille autre que celle dans laquelle il avait grandi. Néanmoins, il comprenait son émotion. Cette dame avait vécu beaucoup de choses, des bonnes choses comme des mauvaises, et son seul bonheur à son âge avancé était celui de la famille. Et il était une partie non négligeable de son bonheur.

    – Enchanté de faire votre connaissance, Madame Grandier. Lui dit-il poliment

    Mentalement, il se promit de remercier Sansa Stark. La courtoisie était vraiment une armure utile.

    – Et comme tu es poli ! Ta famille t’a bien élevé et quand je te vois, je sais que tu ne manques de rien ! Je t’en prie, appelle moi donc Grand-Mère. Quant à toi, André, prends donc exemple sur ton fils ! Il est bien plus poli que toi.

    Face aux joues rouges de son père, face à la situation qui lui avait paru si compliquée, face à ce retournement inattendu, Lancel ne put s’empêcher de rire avant de murmurer ses excuses entre deux soubresauts. Mais quand il vit qu’André souriait aussi, sa gêne s’envola.

    – Eh bien, on commence la fête sans moi ? Demanda Oscar alors qu’elle descendait les escaliers.

    Lancel voyait qu’elle luttait pour ne pas le brusquer alors qu’elle devait mourir d’envie de l’enlacer ou de lui baiser les joues.

    – Merci pour votre invitation, Mademoiselle de Jarjayes. Dit-il
    – Je t’en prie, cela nous fait plaisir. Et tu peux m’appeler Oscar. Cela ne nous dérange pas. Et tu peux également me tutoyer, ainsi qu’André et que Grand-Mère.
    – Si vous… Pardon, si tu insistes, Oscar.
    – Tu apprends vite ! Lui sourit-elle. Père n’est pas là, il a eu une affaire urgente, mais Mère est là si tu souhaites la rencontrer.

    Il accepta. Il se doutait qu’il ne rencontrerait pas toute sa famille le temps de son escale française. Il savait qu’il avait cinq tantes maternelles, autant d’oncles et une pléthore de cousins.

    – Un peu comme ma famille adoptive dans le fond… Pensa-t-il alors qu’il était mené au salon où Madame de Jarjayes brodait.

    Autant voir autant de gens que possible.

    Quand il la vit, il ne put s’empêcher de penser à sa mère, Dorna. Madame de Jarjayes lui rappelait tellement sa maman bien aimée, restée à Castral Roc avec sa toute petite sœur qu’il chérissait plus que tout. Cet air de simplicité, cette mise sobre mais élégante, cette aura de douceur qui l’entourait, une femme juste heureuse d’être chez elle, entourée des siens.

    – Mère. La salua Oscar
    – Oscar, entrez donc, mon enfant. Vous voilà en charmante compagnie. Dit Madame de Jarjayes
    – Mère, j’ai l’honneur de vous présenter Lancel.

    Elle le regarda alors, son expression passant par toute une gamme d’émotion avant de se figer dans un mélange de tendresse et de joie.

    – C’est un tel bonheur pour moi de vous revoir enfin, Lancel. La dernière fois que je vous ai vu, vous n’étiez qu’un nourrisson venant de naître.
    – Le plaisir est partagé, Madame. Répondit-il, se surprenant à lui sourire gentiment

    Les Jarjayes semblaient être tout à fait sympathiques, contrairement à leur chef.

    – La journée ne se passera peut-être pas aussi mal que je l’avais pensé. Songea le jeune homme

    XXXXXX

    Oui, Lancel avait passé une excellente journée chez les Jarjayes. Il appréciait que ses parents biologiques s’adaptent à son rythme. Il avait fait part de son désir de devenir chevalier à sa mère, qui sourit alors avec fierté. Elle lui proposa de s’entraîner un peu, et il était assez curieux de voir le style de combat français. Oscar l’avait battu à plate couture. Oui, Oscar et André étaient vraiment des gens biens et il se surprit à les aimer aussi rapidement, à les considérer comme des amis. Mais il n’arrivait toujours pas à les voir comme étant ses parents. Ses parents étaient Kevan et Dorna. Rien ne changerait cela.

    – Oscar et André semblent déjà très heureux de ton amitié. A la base, j’étais censé rester un étranger avec un visage familier. Je suis content de les connaître, même si on ne sera jamais aussi proches qu’un fils avec ses parents. Pensa-t-il avant de sentir ses yeux le piquer

    Il était temps pour lui de dormir.

    XXXXXX

    – Ton fils grandit, Kevan. C’est indéniable. Se soucier déjà de son mariage, à son âge, c’est remarquable. Dit Tywin à son frère cadet
    – Il ne s’agirait pas d’une union pour une alliance.

    Tywin ne s’arrêta pas d’écrire, mais Kevan savait qu’il avait toute son attention.

    – C’est donc qu’il a quelqu’un en vue. Il voudrait faire un mariage d’amour, si je comprends bien. Un mariage comme le tien.
    – Comme le tien également, Tywin.

    La plume de son frère cessa alors de gratter le papier.

    – Si Joanna n’avait pas été une bonne épouse sur le plan des alliances, l’aurais-tu tout de même épousé, au nom de l’amour ?
    – Tu connais la réponse.
    – Je veux l’entendre.
    – Cela aurait été alors la seule fois où je n’aurais pas agi dans l’intérêt de la famille mais pour mon propre bien.
    – Alors, tu peux comprendre pourquoi Lancel tient à épouser celle qu’il aime.

    Le chef de la maison Lannister regarda alors son frère.

    – Je n’ai en effet aucune objection personnelle. Mais si ce mariage s’avère désavantageux pour la famille, je mettrai mon veto.
    – Tu ne m’as pas empêché d’épouser Dorna.
    – Qui est la fille d’un de nos bannerets, ce qui est loin d’être une union stupide. Pas comme le mariage de notre pauvre Genna à son malingre de mari. A quoi Père pensait-il ?

    Kevan savait également qu’il taisait le fait qu’il l’avait laissé faire parce qu’il voulait son bonheur.

    – Qui est son heureuse élue ?
    – Lady Elora Lawn.
    – La bâtarde du roi Robert.

    L’homme réfléchit. Les deux s’aimaient et Lancel semblait sérieux dans cette relation, au point qu’il envisageait d’en faire une dame Lannister et de s’en être ouvert à son père. La jeune femme était une fille de roi, malgré sa bâtardise, ce qui pouvait être un bonus. Hélas, il y avait l’histoire derrière la naissance d’Elora. Si Robert la gardait à ses côtés, c’était bien uniquement par devoir. Il l’aimait peut-être, mais si elle avait eu une autre histoire, elle aurait fait partie de la longue liste d’enfants adultérins anonymes du cerf couronné. Elle était née fille de roi et d’une dame de compagnie de Cersei. Robert avait été enchanté par la grossesse, si bien que Cersei n’avait pas pu agir comme elle l’aurait voulu dans cette affaire. Néanmoins, elle se vengea en empêchant la future mère de regagner ses terres, la forçant à accoucher au Donjon Rouge, et ne la laissant se reposer que quand elle dut entrer dans sa période de confinement. Elle mourut en couches, laissant à Robert une petite fille avec ses couleurs. Pour Tywin, il ne faisait aucun doute que si Lady Lawn avait été une engrossée de passage lors d’une chasse de son beau-fils, Elora ne jouirait pas de son statut d’enfant illégitime reconnue. S’il n’avait pas eu sous les yeux le cadavre de cette concubine et son bébé sous les yeux, Robert se serait soucié pendant un temps de sa fille avant de s’en détourner, pour éviter des disputes avec sa femme, exactement comme il l’avait fait pour l’aînée de ses enfants, Mya Stone. Cette histoire alimentait encore bien des conversations à Port-Réal. Cette histoire était un malus non négligeable. Quelle image un tel mariage donnerait-il au nom Lannister ?

    Kevan observa son frère et il devina sa réponse.

    Et alors que Tywin formula sa pensée à voix haute, aucun des deux frères Lannister ne remarqua que Lancel avait tout entendu, à travers la porte, alors qu’il se rendait au service de Robert. Il ferma les yeux un instant, le temps d’encaisser le choc de la nouvelle, avant de s’en aller en silence, une unique larme roulant le long de sa joue blanche.

    XXXXXX

    Dire que Oscar, André et Rainier étaient surpris par la demande de rencontre de Kevan Lannister était un euphémisme complet. Oscar avait tout de suite craint le pire, la seule chose qui les liait était Lancel et elle avait peur qu’une chose affreuse ne soit arrivée au jeune homme. Ce qui avait étonné Rainier, c’était le fait que Kevan avait demandé à les voir mais qu’il était seul, sans son frère et maître. Ainsi, il n’était que quatre dans le salon des Jarjayes, le seigneur Lannister ayant fait le déplacement en personne.

    – Je vous remercie de m’accueillir. Commença-t-il
    – C’est tout naturel. Répondit Oscar. Est-ce à propos de Lancel ?

    L’homme pouvait voir la sincérité dans les yeux de la génitrice de son fils.

    – C’est en effet à propos de lui mais tranquillisez-vous. Lancel est en pleine forme.

    Le soulagement de la jeune femme était visible. Ne s’encombrant pas de détours, le visiteur expliqua alors l’objet de sa visite. Il leur raconta les projets de mariage de Lancel, les problèmes que cela posait et il venait à eux pour leur demander s’il n’y avait pas un moyen légal pour que son fils puisse connaître lui aussi les joies d’un mariage de sentiment.

    – S’il vient à nous ainsi, c’est qu’il n’y a aucun recours du côté westerosi. Pensa Oscar
    – Il y a bien un moyen mais il faudra accepter ce que cela signifie. Lança le Général de Jarjayes
    – C’est-à-dire ? Demanda Kevan
    – Lancel serait condamné à vivre en France. Lui répondit l’homme

    Oscar comprit alors ce dont parlait son père.

    – Expliquez-vous. Dit le Lannister
    – La jeune Elora peut devenir une pupille française, si son père l’accepte. Commença la colonelle. Ainsi, elle verrait sa noblesse renforcée. Lady Elora n’a pas vraiment de titre. Elle n’est pas princesse et on lui donne le nom de Lady par politesse. Si elle devenait une pupille Jarjayes, elle prendrait le rang de comtesse. Elle a ce droit en raison de son sang noble et de sa situation particulière.
    – Et bien évidemment, cela fonctionne en France mais pas chez nous. Si Lancel épousait Elora en France et revenait ensuite au pays, Elora perdrait alors son statut et on reviendrait au point de départ. C’est un peu comme une adoption. Qui ne fonctionne que chez vous. Chez nous, elle redeviendra une simple bâtarde. Conclut Kevan

    L’homme réfléchit. C’était sans doute le seul moyen. Et cela serait plus avantageux pour Tywin et pour le clan. Elora aurait un pied dans le clan Jarjayes et en épousant la pupille de cette famille, en fondant sa lignée Lannister dans ce pays, Lancel consoliderait cette alliance entre les deux familles. Les Lannister auraient un réel point d’attache à l’étranger et son fils pourrait couler des jours heureux aux côtés de celle qu’il aimait. Cela semblait presque trop beau, surtout avec cette idée venant de Rainier de Jarjayes.

    – Et cela ne vous dérangerait pas qu’un couple de bâtards dorment sous votre toit ? S’étonna-t-il avec ironie
    – Hormis notre famille et la vôtre, personne ne sait pour Lancel et cela ne changera pas. Cela sera un secret commun. Dit Rainier
    – Tu parles ! Tu y trouves ton compte aussi, le nom de ta famille sera rehaussé par le mien et en plus, ce stratagème lui fait gagner de la popularité. Oh, les si bons Jarjayes qui donnent sa chance à une pauvre petite illégitime ! Ce que je fais, je le fais pour Lancel avant tout. Et remercie ta fille et ton gendre. Sans eux, je n’aurais jamais eu l’idée que de venir ici et d’accepter de laisser mon fils entre tes sales pattes de pourri ! Pensa-t-il

    Oui, Oscar et André étaient dignes de confiance à ses yeux. Quand Lancel était revenu de chez eux, il avait l’air sincèrement heureux. Le Général était un soleil déclinant face à l’aube qu’était sa fille.

    – J’accepte. Déclara simplement Kevan
    – En êtes-vous sûr ? Lancel devra rester ici. Vous ne pourrez plus le voir, hormis en de rares occasions… Dit Oscar
    – Je ne veux qu’une chose : le bonheur de mon fils. Et s’il se trouve en France, je suis prêt à souffrir de son absence. Comme vous le dîtes, même si nous ne pourrons plus nous voir aussi souvent, nous le pourrons toujours. Et nous pouvons nous écrire. On ne peut pas garder éternellement les oisillons dans leur nid.
    – Je lancerai les procédures dès demain.
    – J’en parlerai à Tywin dès que la procédure aura été jugée favorable.

    Ils conclurent leur accord par une poignée de main.

    – Peut-être est-ce le destin de mon fils que de revenir vivre et finir ses jours ici, sur sa terre natale. Songea Kevan alors qu’il rentrait à Versailles.

    A Suivre

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    #607
    Marina de Girodelle
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    Chapitre 7 : Une graine plantée

     

    Quand Robert Baratheon reçut la proposition des Jarjayes pour faire d’Elora leur pupille, avec une lettre expliquant tous les détails de la procédure et ce que cela impliquait, il resta coi quelques instants. Cersei demeura tout aussi silencieuse, mais son esprit déversait un flot de pensées immense.

    – Oncle Kevan est derrière tout cela, c’est certain. Il veut que Lancel puisse épouser sa bâtarde. C’est finement joué. En plus de permettre à son fils de se marier à celle qu’il aime, cela crée des liens solides avec les Jarjayes. Si notre famille sera déjà liée à la France grâce aux Bourbon, cette alliance est pour les Baratheon. Oncle Kevan est en train d’implanter une graine Lannister dans ce pays, ce qui nous donne des amis à l’étranger. Bien joué, vraiment.

    Elle regarda son époux.

    – Qu’en pensez-vous, mon cher mari ?
    – J’ai honte de moi.

    Il leva ses yeux vers sa femme.

    – Je n’avais jamais songé un seul instant à l’avenir de la seule bâtarde qui vit avec moi. Les autres enfants que je connais, ils se construisent déjà une vie. Mya travaille dans le Val d’Arryn. Edric est sous la responsabilité de Renly. Mais je n’ai jamais pensé à ce que la seule fille naturelle que j’ai sous mon toit deviendrait plus tard.
    – Ce que les Jarjayes offrent est une véritable aubaine alors. Un superbe cadeau. Ils veulent sans doute que les Baratheon et leur clan deviennent amis.
    – Ils fréquentent énormément ta famille.
    – Il s’avère que mon père et Rainier de Jarjayes ont beaucoup de points communs. Ce qui semble normal, entre lions.
    – Vous manigancez quelque chose. Mais ça donne un avenir à ma fille. Alors, je laisse passer.
    – Vous acceptez donc la proposition des Jarjayes ?
    – Je l’accepte.

    XXXXX

    Kevan était de nouveau chez les Jarjayes, porteur de bonnes nouvelles. Sans surprise pour lui, Tywin avait accepté son plan, y voyant les mêmes avantages que ceux que son frère avait prédit. Il n’y avait plus aucun obstacle pour l’union entre Lancel et son Elora. Il leur apprit aussi que Robert avait accepté.

    – Tout se déroule donc comme prévu. C’est un soulagement. Déclara André
    – En effet. Je savais que Tywin ne serait pas difficile à convaincre, je sais comment il fonctionne. Je craignais plus la réaction du roi Robert. Avoua le westerosi

    Se servant un verre de vin, Oscar prit place à côté d’André.

    – J’ai également pensé à quelque chose, afin d’éviter tout problème dans notre famille. Commença-t-elle. Aussi longtemps que je vivrai, Lancel et Elora auront toujours un toit mais je n’ai officiellement aucun héritier direct. A ma mort, cela va être la bataille dans la fratrie pour savoir qui reprend le flambeau. Je ne pense pas à mes sœurs, elles sont trop intelligentes pour cela. Mais certains de leurs maris font peine à voir avec leurs raisonnements. Et à la stupidité s’ajoute souvent la méchanceté.
    – Vous craignez que mon fils et sa femme ne se retrouvent à la rue dès votre trépas. Conclut le visiteur
    – Un problème facilement contournable. Il me suffit de nommer Lancel comme étant mon héritier.

    Kevan parut sceptique.

    – Rassurez-vous, je n’ai nullement l’intention d’annoncer au monde qu’il est né de moi ou de le forcer à prendre le nom Jarjayes. Il est un Lannister. Il est votre fils. Je n’ai aucune envie que cela change. Cela serait ingrat de notre part.
    – Mais aux yeux de la loi, vous pouvez le désigner comme héritier. C’est également possible dans notre royaume.
    – Ainsi, il serait protégé, lui, sa femme et sa descendance. Il serait assuré d’avoir des terres et des revenus stables. Aux yeux du monde, je peux faire passer cela comme un geste d’amitié envers votre clan.
    – Et laisser Lancel épouser Elora serait notre geste de remerciement. Intelligent.
    – Merci.

    Buvant son verre, Kevan se dit alors que ce n’était plus qu’une question de temps. Il espérait juste que des rumeurs ne naîtraient pas trop vite. Son fils triait les informations qu’il recevait, mais dans cette situation si particulière, il ne voulait pas que cela le fasse souffrir.

    – Ne devrait-on pas mettre Lancel au courant ? Voire Elora ? Les cours sont des nids de serpents. S’il venait à apprendre qu’Elora deviendra la pupille d’Oscar ou qu’il deviendra son héritier sans connaître le pourquoi du comment, j’ai peur qu’il le vive mal. Suggéra André
    – Bien sûr, il faudra qu’ils gardent le secret. Ajouta la colonelle
    – Lady Elora est une fille discrète de nature et Lancel n’a jamais trahi un seul secret qu’on a pu lui confier. Précisa le ser Lannister
    – Alors, raison de plus. Dit Oscar

    Le trio approuva. Et si cela faisait mal à Kevan de l’admettre, son enfant n’était plus un petit garçon. Il allait devenir un homme sous peu. Il pouvait commencer à être mêlé à de tels stratagèmes. Il était concerné et cela éviterait bien des désagréments futurs.

    XXXXX

    Le fait que son père le convoque de manière aussi solennelle dans ses appartement surprit Lancel. D’habitude, son père allait le voir, ou il attendait qu’ils se voient. La nouvelle devait être de taille.

    – Sans doute veut-il m’annoncer que mes rêves avec Elora sont voués à demeurer des chimères. Ou alors que nous allons repartir sous peu. Cela fait déjà un mois et deux semaines que nous sommes en France. Si le conseil garde le royaume en ordre, le roi ne peut pas se permettre de rester absent trop longtemps.

    Partir.

    Cette idée le peinait étrangement. Cela signifiait la haute probabilité de ne plus jamais revoir Oscar et André. De ne plus revoir Madame de Jarjayes. De ne plus revoir Grand-Mère. Ils allaient tous beaucoup lui manquer. A défaut de les voir comme une famille, il les appréciait très sincèrement.

    – Que tu es bête ! Tu pourras toujours leur envoyer un corbeau ! Mais… C’est vrai, leurs lettres ne sont pas envoyées par corbeaux ici… Mais si Oncle Tywin a réussi à communiquer avec Louis XVI, je peux donc continuer à correspondre avec eux. Il faut vraiment que je me renseigne sur la marche à suivre.

    Se regardant dans le miroir qui était fixé face à son lit, il ajusta son bonnet rouge, sa cape et prit le chemin des appartements de son père. Il frappa trois fois à la porte, comme à son habitude. Il entra après avoir entendu son père l’y inviter. Il était seul. Il avait l’air inquiet.

    – Ce que je vais te dire ne doit pas sortir de ces murs. Commença-t-il

    Le jeune homme acquiesça en signe de compréhension.

    – Je mettrai Elora au courant également. Elle va devenir la pupille d’Oscar de Jarjayes.

    Pupille d’Oscar ?! Cela signifiait qu’elle allait voir son statut légitimé et sa noblesse renforcée mais elle ne pourrait plus jamais quitter la France !

    Voyant l’incompréhension qui se peignait sur le visage de son enfant, Kevan reprit :

    – C’est le seul moyen que j’ai trouvé, avec tes parents biologiques, pour que tu puisses l’épouser.

    Une épiphanie se déclencha alors dans l’esprit de l’adolescent. Ce qui dérangeait son oncle, c’était le statut d’Elora, et non sa personne en elle-même. Il était inquiet des avantages et des désavantages qu’une telle union engendrerait pour la famille Lannister. Mais avec Elora, pupille de sa mère biologique, les désavantages sautaient. Cela créait une alliance Lannister-Jarjayes, alliance qu’il allait sceller avec son mariage et les enfants qu’ils auraient ensemble. Cela semblait trop beau pour y croire et pourtant, son père lui avait fait l’un des plus beaux présents de sa vie :

    Il allait pouvoir épouser celle qu’il aimait.

    Une seule chose cependant obscurcit sa joie. S’il épousait Elora, il ne pouvait plus retourner à la maison. Pas avec Elora en tout cas, vu que son statut ne fonctionnait que dans les limites du royaume de France. Son père avait sacrifié la joie de l’avoir à ses côtés pour assurer son bonheur. Même s’ils pouvaient toujours rester en contact par lettre, recevoir une missive, si plaisante fusse-t-elle, ne valait pas le fait de voir un visage familier et aimé. Il n’était pas encore parent, mais il se doutait que, pour un père ou pour une mère, être séparé de son enfant, même si cela était dans l’ordre des choses, même s’il savait que son fils ou que sa fille était bien et heureux dans sa vie, créait un manque, une solitude. Une solitude que son père semblait prêt à endurer pour que lui, un enfant qu’il avait adopté, puisse réaliser l’un de ses rêves. Il tentait de se contenir, de faire bonne figure, mais cela le touchait au plus profond de lui et il combattait avec peine les larmes qui commençaient à lui piquer les yeux. Kevan sembla cependant le remarquer, lui adressant un sourire tendre. N’y tenant plus, Lancel l’enlaça et l’adulte répondit à son geste. Il n’y avait besoin de rien d’autre.

    Il n’y eut que le silence et pourtant, tout était dit.

    XXXXX

    Louis XVI ne cacha pas sa surprise quand la demande de pupille parvint à son bureau. Mais il n’avait aucun intérêt à refuser cette requête. Oscar et les Jarjayes étaient des serviteurs fidèles, qui ne demandaient quasiment jamais rien. Robert était devenu un ami sincère, qu’il appréciait réellement malgré ses blagues graveleuses.

    – Il doit y avoir un plan là-dessous. Un plan entre les Jarjayes, les Baratheon et donc les Lannister. Mais les Jarjayes sont loyaux envers la couronne. Les Lannister ne tenteraient jamais quelque chose qui mettrait en péril la vie d’un des leurs. Surtout pas Myrcella. Tywin peut bien jouer les durs, je vois bien la tendresse dans son regard quand il discute avec sa petite-fille. Quant à Robert, il a une affection sincère pour sa fille illégitime. Si plan il y a, cela ne mettra pas la France en danger.

    Il signa sans aucune crainte la demande. Et par un beau dimanche matin, après la messe, il fut annoncé devant la cour entière, où se mêlait westerosi et français, que Lancel Lannister, fils aîné de Kevan Lannister, allait épouser Lady Elora Waters, fille naturelle du roi Robert Baratheon, souverain des Sept Couronnes. Et en voyant les mines radieuses des tout nouveaux fiancés, il était clair pour tous que ce mariage serait un mariage heureux.

    XXXXX

    – Oscar.

    La voix de son fils fit sursauter Oscar. Elle se retourna pour le voir arriver vers elle, en compagnie de sa fiancée.

    – Lancel, Lady Elora.
    – Je voulais vous remercier, André et toi, pour ce que vous avez fait. Père m’a tout expliqué. Si Elora et moi pouvons nous marier, c’est grâce à vous deux.
    – Oui, nous avons une dette incroyable envers vous, Colonel. Ainsi qu’une dette incroyable envers votre compagnon, Ser André. Ajouta Elora avec sa voix mélodieuse dotée d’un petit accent charmant

    La blonde sourit, répondant que le couple ne leur devait rien. Elle savait ce que c’était que de vivre un amour qu l’on jugeait impossible, semé d’embûches et de désespoir. Elle était contente d’avoir pu les épargner.

    – Le Général ne doit pas être très content… Dit le jeune homme
    – Mon père me laisse de plus en plus gérer les affaires de la famille Jarjayes. Il commence tout doucement à entamer sa retraite. A dire vrai, il voit cela comme étant le destin. Il regrette de nous avoir fait souffrir. Et je le crois. Un déclic s’est fait quand il nous a vus alors qu’il rentrait. Il s’est rendu compte que nous aurions pu avoir une belle vie. Il ne te le dira jamais, car il est trop fier.

    Lancel eut un soupir avant de sourire.

    – Je ne pense pas qu’il soit un méchant homme. Il a fait ce qu’il pensait être le meilleur pour sa famille. En cela, il n’est guère différent de mon oncle Tywin. Il a fait un choix. Avait-il raison ? Avait-il tort ? Je n’en sais rien. Mais je ne lui en veux pas. Sans son action, je n’aurais jamais connu Elora. Je n’aurais jamais connu mes parents adoptifs, mes frères, ma sœur… Tant de gens que j’aime auraient été des étrangers anonymes inexistants. Cela aurait été un gâchis sans nom.

    La militaire sourit face à une telle maturité. Comme Kevan et Dorna devaient être fiers de leur petit garçon ! Elle en avait une idée, étant elle-même fière de son fils.

    – Ton père t’a-t-il expliqué pour l’autre partie du plan ? S’enquit-elle
    – Oui, sans entrer dans les détails. Tu vas me déclarer comme étant ton héritier légitime, afin que notre confort matériel soit assuré.
    – En aucun cas tu ne seras obligé de prendre le nom Jarjayes. Tu es un Lannister, je ne veux pas te dénaturer.

    Lancel aquiesça.

    Quelques jours plus tard, Oscar annonça que Lancel Lannister, le futur époux de sa pupille Elora, serait son légataire, ainsi que ses descendants. Qu’elle avait une telle affection pour le jeune homme, une amitié si profonde et sincère pour le clan qui l’avait vu naître et grandir, qu’elle ne pouvait pas laisser le « sacrifice » d’un fils du clan sans remerciements. Le mariage de Lancel et d’Elora était une alliance entre les familles. Ce cadeau était pour leur assurer son amitié indéfectible.

    Une graine Lannister venait d’être plantée en France, un pont entre les lions du Roc et les lions gaulois, pour le plus grand bonheur de Tywin Lannister, qui n’avait qu’une hâte :

    En voir les fruits.

    A suivre

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    #608
    Marina de Girodelle
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    Chapitre 8 : Union et Réunions

     

    – Comme toujours, quand cela concerne Lancel, c’est l’exception qui confirme la règle. Pensa son père en voyant arriver au loin le carrosse qui amenait les deux femmes de sa vie.

    Kevan Lannister n’avait jamais amené sa femme à la cour du roi Robert ou à la cour de son prédécesseur, le roi Aerys II « le Fol » Targaryen, ce qui ne manquait jamais de surprendre les gens. Lui qui était connu pour porter à sa femme un amour sincère, il restait parfois pendant presque deux ans sans la voir à cause de ses devoirs envers le royaume. Bien sûr que Dorna lui manquait, mais il préférait souffrir mille fois de son absence que de la rendre malheureuse. Son épouse était une femme simple, pure et honnête. Dans une cour royale, plongée dans un bain de venins de courtisans, de complots, de mensonges, de trahisons, elle aurait très vite dépéri. Elle était bien trop gentille pour survivre dans un tel microcosme en huit-clos. Ils l’auraient brisée, ils auraient fait éclater en mille morceaux toutes ses croyances. Ils détruiraient qui elle était et cela, il ne le permettrait jamais. Mais là, l’événement appelait à ce qu’il fasse une entorse à cette tradition.

    Lancel allait se marier et demeurer en France.

    Il y avait de fortes chances pour qu’elle ne le revoit que dans des années, voire jamais. Il ne la priverait pas de la joie de voir leur aîné convoler sous le regard des Dieux et des hommes avant d’entamer une nouvelle période de sa vie sur une terre nouvelle et pourtant si ancrée en lui, en son sang donné par Oscar de Jarjayes et par André Grandier. La nouvelle de l’arrivée de sa mère avait comblé Lancel de joie. L’homme fut d’ailleurs surpris par celle qui avait mis au monde son fils :

    Oscar avait proposé à Kevan que Dorna et Janei demeurent au château de Jarjayes le temps de leur séjour.

    Et connaissant la colonelle, il savait qu’il n’y avait aucune contrepartie cachée. Elle avait simplement appris que son épouse ne serait pas bien dans une cour royale. Elle avait simplement pensé que sa maison serait un compromis idéal : proche du château mais déjà retiré en campagne, au calme. Et dans le même temps, cela donnait à ces femmes liées par le Destin l’occasion de se rencontrer enfin. C’était donc devant la grande porte du château qu’il attendait que les voyageuses arrivent. Oscar, en sa qualité d’héritière Jarjayes, attendait avec lui. André était resté en retrait.

    La jeune femme observa l’étranger se rendre à la rencontre du carrosse désormais immobile. En descendit une femme de taille moyenne. Elle semblait plus jeune que son époux. Selon Oscar, il devait y avoir peut-être six ou sept ans, si ce n’était plus. Elle avait de longs cheveux fins et blonds, son visage était d’un ovale parfait. Les yeux verts, elle était menue. Elle avait peu de poitrine, peu de menton et si elle n’était guère une beauté parfaite, il y avait un je-ne-sais-quoi chez elle qui la rendait attirante et adorable. D’ailleurs, son mari en semblait parfaitement épris, à en juger par le tendre baiser qu’il déposa sur ses lèvres avant d’embrasser le front de sa dernière-née. L’enfant devait avoir un peu plus d’un an et déjà, les traits Lannister apparaissaient sur elle :

    Des traits fins et réguliers, des cheveux blonds qui étaient d’une couleur sable contrairement à sa royale cousine Cersei et des yeux verts. Quand il les vit, Lancel eut le sourire d’un enfant à qui on venait de faire un présent merveilleux, faisant pétiller son regard émeraude. Il s’élança vers elle, oubliant toute convention, le mot « Maman » s’échappant de ses lèvres dans son excitation. Ce qui ne manqua pas de faire sourire son père. Oscar le regarda étreindre chaleureusement celle qui l’avait élevé et prendre dans ses bras sa toute jeune sœur. Sous peu, les jumeaux Martyn et Willem vinrent compléter le tableau.

    – Quand je vois l’amour qui les lient, quand je vois un tel tableau si touchant dans sa sincérité, je suis bien forcée d’admettre une fois de plus qu’ils sont la famille de Lancel. Je lui ai donné la vie, eux ils lui ont donné le principal et l’essentiel. Si je m’en doutais déjà, j’ai désormais la confirmation qu’il a eu une enfance heureuse. C’est ce qui m’importe le plus. Pensa la soldate française

    Elle vit le regard de la mère se poser sur elle avant d’échanger un regard avec son époux. Aucun mot et pourtant, tout était dit. Kevan mena ses enfants à l’intérieur, laissant Dorna face à Oscar et à André.

    – Lady Lannister, c’est un honneur que de vous recevoir sur nos terres. Commença-t-elle
    – Tout comme c’est un honneur que de rencontrer les géniteurs de mon fils. Compléta Dorna avec un sourire avant d’ajouter ses remerciements pour l’hébergement

    Le trio s’installa dans un salon. Dorna expliqua que son mari lui avait expliqué par écrit toute l’histoire qui liait Oscar et André à Lancel. Bien qu’elle eût été horrifiée à l’idée qu’un homme puisse vouloir assassiner son petit-fils, elle admit sa honte que de ne pas se sentir effondrée à l’idée d’une mère séparée de son enfant. Elle compatissait, bien sincèrement d’ailleurs, mais cette histoire avait amené Lancel dans sa vie et il était, selon elle, l’un des plus beaux cadeaux que les Dieux lui avaient offert. Oscar la comprenait. La westerosi les remercia également pour le geste qu’ils faisaient. Cela donnait à Lancel un avenir radieux, cela rendait Lancel heureux et ce qui rendait Lancel heureux la rendait heureuse. Même si elle ne pouvait plus le voir aussi facilement et aussi souvent qu’avant, le savoir épanoui et aimé était suffisant pour elle. C’était tout ce qu’elle avait souhaité pour l’aîné de ses enfants. Pour tous ses enfants. Et si le fait que Lancel devait rester dans ce pays le rendait heureux, alors Dorna trouvait que cela était le juste prix à payer.

     

    XXXXX

     

    Lancel déposa un léger baiser sur le front de sa sœur alors qu’il venait de la coucher dans un berceau, prêté par une Madame de Jarjayes ravie de pouvoir voir l’objet servir à nouveau dans sa demeure. Janei avait été très sage pendant le voyage mais elle était fatiguée. Quant à ses frères, ils étaient assis dans une pièce adjacente, les portes ouvertes. Ainsi, les trois garçons pouvaient veiller sur la petite fille. Leur père était parti régler des affaires importantes avec le chef de la famille Jarjayes ainsi qu’avec l’héritière de celui-ci, laissant la surveillance de ses plus jeunes enfants à l’aîné de ses fils. Grand-Mère leur avait apporté des jus de fruits ainsi que des gâteaux qu’elle avait préparé exprès. Ces enfants étaient les frères et la sœur adoptifs de son arrière petit-fils, même s’ils l’ignoraient. Si des invités devaient être encore plus choyés que d’habitude à ses yeux, c’était bien eux. D’ailleurs, le jeune Willem s’était servi et avait exprimé son amour pour les gâteaux au citron, pour le plus grand plaisir de la vieille femme avant qu’elle ne parte. Lancel rejoint ses frères peu après, alors que Willem finissait son gâteau, des miettes entourant sa bouche gourmande. Martyn, quant à lui, était sagement assis, patientant, avec un air sérieux. La scène fit sourire l’aîné des Lannister. S’ils étaient jumeaux, Martyn et Willem étaient aussi différents l’un de l’autre que le jour était différent de la nuit, deux faces d’une même pièce. Willem était encore fort innocent, fort enfant, ce que Lancel jugeait normal pour un garçon qui avait fêté ses dix ans juste avant le grand départ pour la France. C’était un garçon intelligent mais qui respirait encore la fraîcheur et la candeur. C’était l’inverse pour Martyn. Il était déjà très mûr et mature pour son âge et là où Willem semblait se plaire dans son rôle d’enfant grandissant, lui semblait n’avoir qu’une hâte : Etre déjà grand, un adulte, pour aider au mieux son clan. D’ailleurs, si les frères s’entendaient à merveille, parfois, on avait l’impression de voir un grand frère s’occuper du cadet quand les deux discutaient.

    – C’est une jolie demeure ici. Commença Martyn. Bien située aussi. Tu es proche et éloigné à la fois. L’idéal pour fonder une famille.
    – Les enfants, ça sera pour plus tard, tu es encore un peu jeune pour devenir un oncle. Plaisanta Lancel

    Martyn esquissa un sourire.

    – Eh bien moi, je ne veux pas que tu te maries ! Lâcha Willem alors qu’il finissait sa dernière bouchée
    – Willem ! Le gronda aussitôt son jumeau

    Lancel demeura silencieux, mais son petit frère vit qu’il avait toute son attention.

    – Si tu te maries, tu vas devoir rester ici ! Et nous, on va partir ! Et on ne te reverra plus jamais ! Développa l’enfant clairement agacé par l’idée

    Le jeune homme lâcha un sourire avant d’enlacer son frère.

    – C’est vrai que l’on se verra moins mais tu sais, tu pourras toujours venir me rendre visite. La porte ne te sera pas fermée !
    – C’est vrai ?
    – Vrai de vrai.
    – Alors ça va, tu peux te marier.

    L’adolescent ne put réprimer un rire.

    – Bon, puisque j’ai ton aval !

    Les trois garçons prirent leurs verres et trinquèrent.

     

    XXXXX

     

    C’était le grand jour et jamais Lancel ne s’était senti aussi stressé de sa vie. Le lieu n’aidait pas non plus. Il se mariait dans la chapelle royale de Versailles, endroit où il y avait une orgie de marbre, d’or, de statues ! Il se sentait tout petit et pas adapté au lieu. Mais s’il était angoissé, il n’avait pas peur. Car il n’était pas seul. A ses côtés, dans une robe jaune aux détails brodés noirs rappelant les couleurs de la maison de son père, Elora lui souriait, rayonnante. Et il pouvait sentir sur lui les regards émus et fiers de ses parents, les mines réjouies de ses frères, la mine ébahie de Janei face à tant de faste. C’était son jour, le jour d’Elora, personne ne viendrait le gâcher.

    Quelques instants plus tard, Lady Elora Lawn devenait Madame Elora Lannister.

    A SUIVRE

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #609
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    La Part du Lion

    Epilogue

     

    La nuit de noces de Lancel fut une nuit chaste. Ce qui n’étonna personne et ne semblait déranger personne. Les mariés n’avaient que 15 ans. Et après la cérémonie, il y avait eu un banquet avec un festin digne des plus grands sultans, des spectacles et des danses, le tout se finissant vers quatre heures du matin. L’épuisement avait gagné le couple et ils avaient dormi jusque midi. Kevan avait tenu à payer toutes les dépenses concernant l’événement et il n’avait pas fait dans la demi-mesure. Lancel méritait le meilleur et pas moins que cela. Jaime se permit même une audace, inspiré par ce mariage d’amour qui avait paru impossible de prime abord :

    Il avait invité sa jumelle, la seule femme qu’il aimait plus que tout au monde, son double, la mère de ses enfants royaux mais cachés, à danser.

    Jaime dansait très rarement avec elle, car il avait peur qu’on ne remarque leur passion, que les soupçons s’éveillent, mais Robert était trop occupé à reluquer les fesses d’une pauvre servante pour s’en soucier. Cersei aurait pu danser avec le dernier des paysans, il s’en fichait. Et dans la foule, dans la chaleur de la fête, personne ne se rendit compte du regard un peu trop aimant du frère envers sa sœur. Cette nuit était aussi leur nuit et personne ne put la leur enlever.

    Puis vint le jour que Lancel redoutait tant.

    Le 14 juillet 1785, Robert Baratheon et sa cour repartaient pour Westeros. S’il s’y était préparé, l’idée de dire au revoir à tous ceux qu’il avait connu, qu’il aimait, lui déchirait le cœur. Mais quand son père l’enlaça une dernière fois, en lui souriant et en lui disant « A bientôt », il comprit que ce n’était pas un adieu. Même si le Destin faisait en sorte qu’ils ne se reverraient plus jusqu’à leurs morts respectives, l’affection qui les liait transcendait l’espace et le temps. Cersei eut l’air sincère quand elle lui souhaita d’être heureux. Il la remercia. Après des étreintes et des promesses de correspondances manuscrites, il regarda la délégation partir et ne bougea pas de son poste d’observation. Il se fit presque mal aux yeux, tant il fixait avec insistance l’horizon, les voyant devenir minuscules avant de disparaître dans le ciel. Elora était là, silencieuse, sa main fine et chaude serrant la sienne.

    XXXXX

    14 août 1788

    Des vagissements avaient retenti dans le château des Jarjayes. Dans la chambre des époux Lannister, Elora rayonnait, serrant contre elle ce petit morceau d’elle, ce petit morceau de son mari. Il avait déjà la blondeur de son père. Lancel était assis à ses côtés, son index droit caressant le petit poing fermé de son fils. Le nourrisson le prit et le serra, faisant sourire le jeune homme.

    – Comment vas-tu l’appeler ? Demanda Oscar, émue de voir un tableau si touchant

    Trois ans auparavant, elle n’aurait jamais pu imaginer que son fils vivrait avec elle et qu’elle deviendrait grand-mère. Grand-mère… A son âge. Malgré ses 32 ans, elle se sentit alors très vielle. Le poids de la nouvelle génération, sans doute. Avant de se rappeler que la jeunesse se trouvait dans la tête.

    – Kevan. Répondit aussitôt le nouveau parent

    André acquiesça.

    – Mais ce n’est pas son unique nom. Dans ce pays, un enfant peut avoir plusieurs noms sur les papiers. Kevan André Robert Lannister. Précisa Lancel

    Sous le choc et sentant les larmes perler au coin de ses yeux, André eut un sourire reconnaissant. Kevan André Robert Lannister, futur comte de Jarjayes. Après le nom d’Oscar et celui de son enfant, celui de son petit-fils était le plus beau à ses oreilles.

    XXXXX

    L’année 1789 ne connut pas les Etats Généraux. L’argent prêté par Tywin Lannister au royaume de France avait sauvé le pays de la banqueroute. Le roi Louis tenait à payer ses dettes et si cela se faisait par petites sommes, le lion de l’Ouest n’en avait cure. Il remboursait, lui. Et le roi Robert, apprenant la famine en France, en soutien pour son bon ami Louis, avait fait envoyer des cargaisons pleines de grains, de blés et d’autres denrées, ne demandant rien en échange.

    Pourtant, la tragédie frappa le royaume, avec le décès du dauphin, Louis-Joseph, en juin 1789. Aussitôt, une nouvelle alliance entre les Lannister et les Bourbon fut élaborée. Myrcella était bien trop âgée pour épouser le nouveau dauphin. Elle était une pré-adolecsente, et le prince n’avait que 4 ans. En revanche, l’écart d’âge entre Janei et lui n’était pas important, à peine une année et quelques mois. La nouvelle fut annoncée après la période de deuil pour le petit garçon disparu et quand Lancel l’apprit, il ne pouvait pas en croire ses oreilles :

    Sa petite sœur allait devenir la future reine de France !

    Il allait vivre dans le même pays que sa sœur et la servir ! Un morceau de l’Ouest qu’il aimait tant allait être importé sous peu dans le royaume qui l’avait adopté. Quant à Myrcella, elle fut fiancée au fils du prince Doran Martell de Dorne, dans l’espoir de mettre fin à la haine qui existait entre le clan des lions et celui de la lance.

    En juillet 1789, Lancel reçut une missive de son père. A Westeros, les choses n’allaient pas bien. Robert Baratheon avait trouvé la mort lors d’une chasse. Lancel se demanda si Cersei avait trouvé quelqu’un pour recycler son plan. La main du roi, Eddard Stark, avait été exécuté pour avoir dit que les enfants de Cersei n’étaient pas ceux de Robert mais ceux de son propre frère jumeau, Jaime Lannister dit le Régicide. Son fils Robb était alors entré en guerre pour restaurer l’honneur de son père et libérer sa sœur, fiancée alors au tout nouveau roi Joffrey. Stannis et Renly, les frères de Robert, se déclaraient aussi comme héritiers. On parlait déjà de la guerre des cinq rois. Martyn et Willem avaient fêté leur anniversaire et avaient désormais 14 ans. Comme le voulait la tradition, ils devaient devenir des écuyers mais dans ce climat belliqueux, Kevan était mort de peur. Ses fils serviraient des chevaliers liés aux Lannister. Les Starks et eux se battraient et durant la guerre, le contact d’une épée avec la paume d’une main éveillait les bêtes qui sommeillaient dans les hommes. Il ne voulait pas priver ses enfants de la formation qu’ils méritaient. Mais il se refusait à les laisser partir dans un moment aussi mortifère. Aussi, il demandait à Lancel cet immense service :

    Kevan était prêt à ce que ses fils vivent loin de lui si cela signifiait qu’ils étaient sains et saufs.

    Il demandait à Lancel s’il pouvait les prendre comme écuyers, comme protégés, en France.

    Ni une ni deux, le jeune homme répondait à son père par la positive. Les Jarjayes donnèrent également leur accord, mais ils se doutaient qu’accord ou non, sur cette question, Lancel aurait été intraitable. Les jumeaux Lannister arrivèrent en France en septembre 1789, pour la plus grande joie de leur frère aîné, ravi de les revoir enfin, ravi qu’ils puissent rencontrer leur neveu.

    Ils ne quittèrent la France que deux ans plus tard, après avoir vu naître leur nièce et leur second neveu : Dorna et Oscar.

    XXXXX

     

    La Révolution française n’eut jamais lieu. Les Lannister avaient sauvé la France et Janei fut une reine adorée du peuple. La lignée des Lannister-Jarjayes fut prospère et heureuse et à ce jour, en 2015, l’héritier de la famille, Lancel Lannister-Jarjayes a transformé l’ancien château en un musée où l’on narre l’histoire des lions de l’Ouest et de la lionne française que l’on surnomme Lady Oscar.

     

    FIN

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

    #757
    Blanches
    Participant
    @lamouette

    Excellent mélange de genre

     

    Blanches

    #762
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Merci!

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

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