Coup de théâtre

Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Auteur
    Messages
  • #819
    Marina de Girodelle
    Senior Moderator
    @marina-de-girodelle

    Coup de théâtre

    – Oh, mon ami, en êtes-vous bien sûr? Je ne voudrais pas gâcher votre jour!

    Louis XVI souriait tendrement à son épouse. Ils passaient un moment en famille, savourant un rare instant de calme. Louis-Joseph se remettait doucement d’un accès de fièvre et s’amusait calmement avec un de ses chevaux en bois, bien couvert pour le protéger d’une éventuelle rechute. Marie-Thérèse, quant à elle, se tenait droite, fière et rayonnante, toute heureuse d’être sur les genoux paternels avec sa poupée, qu’elle avait reçue lors des étrennes de l’année nouvelle. Marie-Antoinette avait pour projet de faire une représentation dans son théâtre avec sa troupe dans les semaines à venir. Mais la date convenue pour celle-ci tombait le jour même de l’anniversaire du roi : le 23 août ! Aussi, la reine s’inquiétait de potentiellement ruiner les efforts entrepris pour la célébration de l’anniversaire de Louis. La jeune femme avait immédiatement pensé à faire reporter la date mais son époux s’y était opposé.

    – Vous travaillez depuis des mois sur Tartuffe ! Lui dit-il. Vraiment, ma chère, ne vous inquiétez de rien ! La cour célébrera mon anniversaire quelques jours après, cela n’est pas bien important ! Et puis, j’avoue que cela me ferait plaisir de vous voir sur scène pour mes trente ans !

    – Justement Louis ! Nous n’avons pas tous les jours trente ans ! Etes-vous bien certain de ne pas vouloir célébrer ce cap le jour même ?

    – J’en suis parfaitement certain.

    Un serviteur alla quérir le roi, une affaire urgente à régler. L’homme se leva, à contrecœur, enlaça ses enfants et baisa la main de son épouse avant de s’en aller. Marie-Antoinette plongea dans ses pensées. Louis était toujours aussi gentil envers elle, aussi patient et doux ! Et même s’il disait que cela lui allait, elle ne pouvait se résoudre à ne pas faire de ses trente printemps un jour spécial. Il s’arrangeait toujours pour lui faire des anniversaires mémorables ! Le moins qu’elle pouvait faire, c’était de lui rendre la pareille !

    – Qu’avez-vous, Maman ? S’inquiéta sa fille. Vous froncez les sourcils.

    La reine sursauta légèrement, ramenée brusquement à la réalité. Les yeux gris de son aînée et ceux bleus de son fils la fixaient avec intensité. Soudain, observant leurs visages innocents, une illumination éclaira son esprit ! C’était si simple mais si adéquat ! Une surprise à l’image de Louis.

    – Mes enfants. Leur dit-elle en les prenant contre elle. J’ai besoin de vous ! Mais vous devez me promettre de garder le secret !

    – Oui, Maman Reine ! S’extasia Louis-Joseph

    – Voulez-vous bien m’aider à réaliser un beau cadeau d’anniversaire pour votre papa ?

     

    XXXXX

    – Oui, c’est bien dit; allons à ses pieds, avec joie,

    Nous louer des bontés que son cœur nous déploie:

    Puis acquittés un peu de ce premier devoir,

    Aux justes soins d’un autre, il nous faudra pourvoir;

    Et par un doux hymen, couronner en Valère,

    La flamme d’un amant généreux, et sincère.

    Le comte d’Artois, décidément magistral en tant qu’Orgon, finissait sa dernière tirade. Les applaudissements et les bravos résonnèrent entre les murs du petit théâtre de la Reine, qui semblait bien plein, ce qui n’avait pas manqué d’étonner le roi. Marie-Antoinette ne recevait que quelques privilégiés en ce lieu. On avait dû laisser les portes ouvertes pour ne pas étouffer et il lui semblait que la cour entière était présente. Des nobles étaient assis à l’extérieur, tout le long du chemin, et grâce à un habile stratagème acoustique et de miroirs, ils pouvaient voir et entendre leur souveraine jouer la comédie. Quand sa femme apparut, Louis se leva, redoublant ses louanges. Il était toujours si fier de la voir sur les planches, prendre autant de plaisir à jouer. Lui qui était très timide, il savait qu’il en serait parfaitement incapable. Aussi, voir une telle assurance en son épouse l’enorgueillissait toujours. D’un geste de la main, la reine fit taire les exclamations ravies et on frappa à nouveau les douze coups annonçant le début d’un spectacle, ce qui ne manqua pas d’étonner la foule. Arrivèrent alors sur la scène Marie-Thérèse et Louis-Joseph, habillés en pages avec des ailes d’anges, tenant dans leurs main un rouleau. Ils s’arrêtèrent devant leur père, déroulèrent le papier et déclamèrent, avec le plus grand sérieux du monde :

    – Oyé, oyé ! Gentes dames et damoiseaux ! Il y a trente ans, jour pour jour, Dieu envoyait sur cette terre le meilleur des hommes pour servir le royaume de France ! Un homme sage aux nombreuses vertus qui fait le bonheur des gens qui l’aiment ! Aujourd’hui, nous rendons grâce au Ciel et le remercions de nous avoir donné, en ce jour du 23 août, le meilleur des rois, le meilleur des époux, le meilleurs des frères mais surtout le meilleur des pères !

    Louis-Joseph, encore bien jeune, ne put retenir un élan spontané du cœur et rajouta, avec un immense sourire :

    – Bon anniversaire, Papa Roi !

    Marie-Antoinette souriait doucement à son époux, légèrement en retrait. Louis les regardait avec des larmes aux yeux qui menaçaient de rouler le long de ses joues. Il monta sur scène, enlaça ses enfants contre son cœur avant de les soulever, de rejoindre sa femme et de l’embrasser. La foule applaudit alors et une phrase résonna alors du théâtre, une phrase reprise en choeur, que les serviteurs pouvaient entendre depuis le château :

    – Joyeux anniversaire, Votre Majesté !

     

    FIN

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.