Répondre à : Les chemins de l’amitié [finie]

LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Les chemins de l’amitié [finie] Répondre à : Les chemins de l’amitié [finie]

#970
Lénie
Modérateur
@lenie

Chapitre 14

 

Oscar comme André s’arrêtèrent à une station décisive des chemins de leur amitié.

 

Oscar venait d’avoir douze ans et son corps se modifiait peu à peu, de sorte qu’un jour Grand-Mère lui expliqua qu’elle devait masquer sa poitrine naissante pas un bandage qui ne devait plus la quitter dans les années qui suivirent. La toute jeune fille s’était patiemment laissé entourer le buste de bandes, fièrement, sans ciller, les mâchoires serrées, le regard impénétrable et lointain.  Elle avait suivi ses différentes leçons sans un mot, et plongée dans ses pensées, avait ignoré superbement André toute la journée. N’y comprenant rien, ce dernier s’en était ouvert à Grand-Mère, qui, à mots couverts, lui avait expliqué qu’Oscar était en train de vivre l’une des journées les plus difficiles de sa vie.

Bien qu’ayant un doute sur la nature des pommes naissantes à rendre invisibles, l’adolescent eu malgré tout l’intuition de ce qui arrivait à Oscar et surtout une idée de l’endroit où la trouver : le pigeonnier.

Il y monta subrepticement, en prenant soin de n’être aperçu de personne. Il poussa la porte avec d’extrêmes précautions, car il était partagé entre l’envie d’aider son amie et la crainte de la froisser.  Elle ne l’entendit pas entrer, de sorte qu’il put l’observer. En la contemplant assise par terre, la tête posée sur ses genoux repliés et enfouie dans ses bras, elle versait des larmes silencieuses, se pensant à l’abri dans son repaire.

André fit un pas en avant. C’est alors qu’elle le prit conscience de sa présence. Son premier réflexe fut de le chasser par des paroles dures : pour la toute première fois de sa vie, la présence de son ami lui donnait l’impression que l’on touchait sans ménagement sa blessure intime à vif.

«Va-t-en ! Je ne veux pas te voir ! Ta seule présence suffit à me rappeler combien il t’est  facile d’être un homme ! Tu n’as aucun effort à faire pour cela !  La nature t’a fait ainsi ! Pour moi, c’est différent ! C’est si injuste ! Je déploie tant d’efforts ! En vain ! M’entends-tu ? EN VAIN !!!!!!! A partir d’aujourd’hui, je ne suis définitivement plus un homme ! La nature a décidé de me le rappeler ! Je te hais André, je te hais !!!! Je te déteste pour ce que tu es et que je ne pourrais jamais être !!!! Vas-tu te décider à me laisser à la fin ?! Je veux être seule !!!! SEULE !!!! » lui hurla-t-elle avec une telle violence que des larmes avaient envahis les yeux d’André, lui nouant la gorge, étranglant sa voix.

Il fut si blessé par les paroles d’Oscar qu’il fut tenté de lui obéir et de prendre la fuite pour ne jamais plus la revoir.  Il avait à présent treize ans, connaissait son métier de palefrenier et pouvait donc servir ailleurs qu’à Jarjayes. Un instant, il avait mentalement imaginé fuir le plus loin possible d’Oscar, pour mieux échapper à la douleur que ses propos avaient fait entrer dans son cœur. Il s’apprêtait donc à lui obéir lorsqu’il mesura l’ampleur de sa souffrance à elle à l’aune de la sienne.

Il fit alors volte-face pour lui répondre : «Si tu le souhaites, je partirais, Oscar. Mais avant, je veux te dire quelque chose. Seuls ton courage, ta droiture, ton sens de l’honneur et du devoir, ton habileté au combat définissent ta valeur, Oscar. Peu importe ton enveloppe corporelle. Tu n’as démérité en rien et tu es le digne héritier de ta famille. Quelques morceaux de tissus n’ont pas le pouvoir de changer ce que tu es véritablement».

Un « menteur ! » accompagné d’un coup de poing bien senti avait tenu lieu de réponse. André avait répliqué de la même façon, sans retenir ses coups, afin de lui montrer qu’elle l’égalait, en dépit de leur différence de sexe, et aussi pour chasser de son cœur ce monstre de souffrance que ses premiers propos avaient introduit dans son cœur. Aucun des deux ne voulait s’avouer vaincu.  Le combat fut long et ne prit fin que lorsqu’ils furent à bout de force.

Ils reprenaient leur souffle et des forces, se faisant face, adossés à un des murs du pigeonnier, jaugeant de la fatigue de l’autre, une lueur de défi dans le regard. Soudain, l’œil ne se fit plus menaçant mais amical : ils venaient de se souvenir du serment prêté étant enfants, en ce même lieu.

C’est Oscar qui fit le premier pas vers la réconciliation. Elle sortit un mouchoir de sa poche, l’agita en disant : «Drapeau blanc…  Arrêtons ce stupide combat…. Ton amitié est, en vérité, la seule source d’espoir qui ne se tarit jamais. Je m’y abreuve lorsque celles de mon courage, de mon honneur et de mon devoir s’assèchent. Reste, je te le demande. Tu as raison.  Quelques morceaux de tissus ne peuvent pas changer une personne.

– Non, il n’y a que toi qui peux décider de changer. Ton amitié m’est incroyablement précieuse, Oscar. Elle est ma source de vie.

– ….

– T’es-tu déjà demandé ce que je serais devenu si tu n’avais pas existé ?

– Quelqu’un de bien, je n’en doute pas.

– Qu’en sais-tu ? La vie change parfois les êtres malgré eux. Il suffit parfois qu’un élément vacille pour que rien ne soit plus pareil. N’avons-nous pas été sur le point de nous séparer  à jamais alors que nous avons besoin l’un de l’autre ?

 

– Si … Oublions cela. Nous sommes amis pour la vie, c’est la seule chose qui doit compter.

– Oui. Je te renouvelle mon serment d’amitié, Oscar.

– Tout comme moi… Allez viens, Grand-Mère doit s’inquiéter et puis j’ai envie d’en découdre à l’épée avec toi !

– Je ne sais pas ce que tu vaux lorsqu’il s’agit de coudre. En revanche, je peux te jurer que lorsqu’il s’agit d’en découdre, tu n’as pas ton pareil, Oscar !

– COMMENT?! QUAND IL S’AGIT DE COUDRE !!!!! TU VAS ME LE PAY….. » tonna-telle avant de comprendre que son ami la taquinait comme à son habitude. Au lieu du coup de poing qu’elle songeait à lui asséner deux secondes auparavant, c’est un grand sourire qu’elle lui décocha.

Puis elle lui répondit sur le même ton : «Vu que je te bats invariablement à l’épée, tu devrais peut-être renoncer à la manier pour l’aiguille, qu’en penses-tu ? Je suis certaine que Grand-Mère serait ravie de t’apprendre la broderie…

– Certainement, mais tu n’aurais plus personne pour ferrailler à part le vent. Je suis sûr que fendre l’air t’ennuierais très vite.

– Tu as raison. Laissons les travaux d’aiguille à ceux que ça intéressent. Allons prendre nos épées !

– Allons-y, Oscar !».

 

Ils s’apprêtaient à quitter le pigeonnier lorsqu’Oscar s’arrêta : «André …. Tu tairas que… que….

– Qu’aujourd’hui un orage a déchiré ton être avec une violence telle qu’il a plu sur tes joues ?

– Oui…

– Bien sûr, l’orage a été si violent qu’il a plu également sur les miennes. Mes yeux me brûlent davantage que lorsque j’étais venu en ce lieu éplucher des oignons….

– Aujourd’hui, il n’y en avait plus en cuisine….

– ça arrive, Oscar, ça arrive… Parfois, je voudrais porter tes obligations à ta place pour t’en décharger quelques temps….

– Contente-toi d’approvisionner les cuisines en oignons pour qu’il n’y ait pas pénurie quand le besoin se fait sentir…» avait-elle rétorqué, un sourire taquin au coin des lèvres.

 

Ils descendirent ensemble l’escalier, laissant la douce brise de l’amitié chasser les éclairs qui leur avaient lacéré l’âme peu de temps avant.

 

Assise sur la rambarde  du pigeonnier, bien des années après, Oscar répété dans le silence de cette chaude nuit d’été : «Ton amitié est, en vérité, la seule source d’espoir qui ne se tarit jamais. Je m’y abreuve lorsque celles de mon courage, de mon honneur et de mon devoir s’assèchent», avant d’ajouter : «Je t’en prie, André, promets-moi qu’elle ne s’est pas tari».

«La source de mon amitié pour toi est toujours aussi vive, Oscar».

La jeune femme sursauta : «Tu étais là… Es-tu ici depuis longtemps ?

– Non, je viens d’arriver».

Il lui mentait. Il était rentré depuis plus d’une demi-heure. Apercevant de  la lumière dans le pigeonnier, il n’avait eu aucun doute sur son occupante nocturne. Il avait alors repoussé les avances d’Elise qui souhaitait lui offrir un cadeau d’anniversaire plus intime pour rejoindre Oscar. Lorsqu’il était entré, il était resté un long moment à l’admirer. Vêtue d’une simple chemise, la tête appuyée au mur, une jambe repliée sur la rambarde alors que l’autre pendait négligemment dans le vide, elle lui avait semblé si belle qu’il avait craint de rompre l’enchantement que lui procurait cette vision en manifestant sa présence.

 

«Tu viens d’arriver…. Je repensais à nos souvenirs d’enfance. Tu sais, ces petites choses qui font que…

– Je sais, Oscar, j’y ai pensé toute la soirée.

– Oh… Te serais-tu ennuyé ?

– Pas le moins du monde puisque j’arpentais les chemins de l’amitié avec toi.

– André, j’aurais préféré passer cette soirée  en ta compagnie, je te le jure. Cependant, je ne peux désobéir à un ordre de la reine.

– Je le sais. De la même façon, je ne peux pas décliner l’invitation des autres domestiques sous prétexte que je préfère t’attendre pour fêter mon anniversaire. Je dois dissimuler mon amo… itié pour toi. Nous ne sommes plus des enfants, de sorte qu’aux yeux de tous, je ne suis plus que ton…

– Ne dis pas le mot, André. S’il te plaît. A présent, nous sommes seuls.

– As-tu soupé ?

– Souper ? A vrai dire non… Se pourrait-il que tu ne penses qu’à manger ?» le taquina-t-elle avec un léger sourire qui rappela à André ceux de leur enfance.

«Peut-être…. Ne bouge pas, je vais faire un sorte d’y remédier.

– Mais tu…

– Je viens de te dire de ne pas bouger. Disons que ce sera mon cadeau…

– Dans ce cas, je ne bouge pas d’un cil.

– Un cil, je t’y autorise, mais certainement pas deux » lui jeta-t-il avant de partir.

Elle esquissait un sourire lorsqu’il lui rappela d’un ton amusé : «Oscar, tu viens de promettre de ne pas bouger… ».

Son sourire se fit alors intérieur et ce sont ses yeux qui l’exprimèrent.  Ce détail n’échappa pas à André qui ne fut ravi.

Lorsqu’il revint, il était muni d’une nappe qui avait probablement servi à l’un de leurs dîners sur l’herbe lorsqu’ils étaient enfants. Il l’étala au sol et y disposa différentes victuailles, dont de la tarte aux prunes. Le dessert ne fut pas sans évoquer à Oscar un autre anniversaire où elle n’avait pas pu être présente aux côtés de son ami. Il disposa également plusieurs candélabres aux quatre coins de la pièce. Soudain, la chaleur de l’été n’étouffa plus et son cœur s’illumina.

Elle ne devait comprendre la raison de ce soudain bonheur que des années après, en prenant conscience que les chemins de l’amitié bifurquent parfois pour engager sur le sentier de l’amour….

FIN