Répondre à : Les chemins de l’amitié [finie]

LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Les chemins de l’amitié [finie] Répondre à : Les chemins de l’amitié [finie]

#963
Lénie
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@lenie

Chapitre 8

 

Après que Grand-Mère eut bataillé avec la pâte à pain qui semblait particulièrement apprécier les boucles blondes d’Oscar, la fillette fut fin prête pour souper avec son père. Elle appréhendait particulièrement ce tête-à-tête : elle aimait tant son père qu’elle aurait marché sur des braises s’il le lui avait demandé, cependant, elle tremblait sans cesse à l’idée ne pas être à la hauteur de ses exigences.  Une boule d’angoisse sans cesse croissante commença par lui vriller le ventre pour finir par envoyer une amie lui nouer la gorge. Oscar était blême. C’est à peine si l’on pouvait remarquer que sa peau ne comportait plus aucune trace de farine. Le changement d’humeur de la petite fille n’avait échappé ni à André, ni à Grand-Mère. Cependant, elle ne pipa mot, estimant qu’avouer sa crainte équivaudrait à déchoir. Qui plus est, comment aurait-elle pu confier à André ou à Grand-Mère qu’elle aurait préféré que son père soit absent, alors que le petit garçon n’avait plus de parents ?

 

La fillette adopta donc une mine impassible un peu exagérée pour un enfant et un port altier et fier, digne de l’héritier des Jarjayes.  La petite fille taquine, curieuse, et rieuse avait cédé la place au parfait fils modelé par son père. André avait assisté à la transformation. Il en fut saisi : il retrouvait le noble arrogant qu’il avait détesté à son arrivée. Et admiratif : la fillette possédait un degré de contrôle d’elle-même  impressionnant  pour son âge. Ce soir-là, il comprit que son amie avait deux visages : Oscar et Oscar de Jarjayes. Elle lui montrait le premier, réservant le second aux personnes ne voyant en elle que l’héritier de la lignée de militaires dont elle était issue.

 

Il n’en conçut que davantage de tendresse pour la fillette : il savait combien le travail identitaire qu’on lui demandait coûtait parfois à la petite fille. Quelle que soit l’attente, elle l’avait toujours satisfaite. Jamais, il n’avait pris Oscar en défaut lors des instants où elle se devait d’être Oscar de Jarjayes. Il savait combien satisfaire son père était important aux yeux d’Oscar. Et pourtant, il aurait voulu qu’elle n’adopte pas ce visage d’adulte avant l’âge, il aurait voulu la garder comme elle était lorsqu’ils étaient seuls. Depuis que Grand-Mère avait annoncé à la fillette qu’elle souperait avec son père, elle avait adopté un air grave et n’avait pas aligné deux paroles, ne répondant même pas aux taquineries d’André. Avant d’aller rejoindre son père, elle s’était contentée de souffler à son ami de la rejoindre dans ses appartements une fois la nuit tombée, en lui précisant d’emprunter la corniche et non la porte. Puis, d’un pas résolu mais calme, un voile de distance sur le visage, elle avait descendu l’escalier avec une lenteur grave, digne et ferme.

 

La regardant descendre, une pointe de chagrin lui brûlant le cœur,  André s’était surpris à penser qu’une fois adulte, il rencontrerait souvent la martiale Oscar de Jarjayes et de moins en moins la rieuse Oscar. Cette dernière ne lui en parut que plus précieuse. S’il devait la perdre en grande partie, il devait profiter de chaque instant passé en sa compagnie. Il ne pouvait se permettre de gaspiller la moindre minute, la moindre occasion de retrouver Oscar, aujourd’hui, demain ou dans les années à venir.

 

 

 

Quant à Oscar, quitter son ami en ce jour si pénible pour lui l’attristait profondément. Elle aurait tant voulu le distraire à nouveau. Cependant, elle ne pouvait se le permettre : son devoir de fils la réclamait. Et, elle ne le déserterait jamais, car elle savait que c’était la destinée de l’héritier de sa famille. A regret, son amitié se vit contrainte de courber l’échine devant son devoir, de sorte que pour lutter contre la tristesse qui emplissait son cœur, elle releva la tête avec défi. Oscar de Jarjayes la réclamait. Soit. Elle répondrait présent, sans faiblir. Bien que chaque pas l’éloignant de son ami lui fasse ruisseler sur son cœur une cascade de verre pilé, elle noya sa douleur sous un fard de fierté et de dignité, celui que requérait le rôle du parfait fils attendu par son père.

 

C’est donc droite et martiale qu’elle se présenta devant le Général. Ce dernier observait Oscar de Jarjayes sur lequel rien ne semblait avoir prise.  Cette froideur impassible sur son visage d’enfant semblait si incongrue qu’elle fit frissonner son  cœur de père. N’étant pas autorisée à adresser la parole à son père en premier, la fillette se contentait de souper en respectait tous les codes du savoir-vivre. Intérieurement, elle scrutait le moindre de ses gestes, gourmandant celui qui n’entrait pas dans le rang des exigences du Général. Oscar se montrait aussi parfaite qu’impénétrable. Le Général ne pouvait adresser qu’un seul reproche à son enfant : celui d’être par trop conforme à ce qu’il exigeait, adoptant la distance qu’il convient d’adopter entre parent et enfant.

Le spectacle de cette enfant par trop semblable à une adulte fit naître en son cœur l’envie de connaître davantage Oscar, la contemplation d’Oscar de Jarjayes lui glaçant les veines. Cependant, comment chasser son héritier pour faire apparaître son enfant ? Que lui dire ? Il réalisait qu’il ne savait rien de la personnalité d’Oscar. Il la regardait porter à ses lèvres les différents plats en songeant qu’il était bien incapable de dire lequel son enfant préférait ou même s’il les appréciait. Il dut faire un intense effort de réflexion pour parvenir à adresser la parole à la petite fille qui lui faisait martialement face. Il pensa trouver un terrain d’approche en abordant le thème de sa version latine. Oscar y excellait. Etant jeune, il avait particulièrement apprécié la traversée des Alpes par Hannibal. C’était précisément sur un extrait de cette épopée que portait la version de la fillette…

 

 

«Oscar, maintenant que nous en sommes au dessert, peut-être pourrions-nous discuter de votre version latine. Ne portait-elle pas sur Hannibal ?

– Oui, père.

– Pourriez-vous aller la chercher ?

– Elle n’a pas encore été corrigée par M. de Priam.

– Peu importe.  Je suis curieux de lire votre travail.

– Bien, Père» répondit une Oscar gagnée intérieurement par l’affolement : occupée à soulager le chagrin d’André, elle n’avait tout simplement pas fait la version en question.

 

Cependant, rien dans son comportement ne la trahit. Et, c’est fière et digne qu’elle sortit de table, se dirigeant vers la porte avec lenteur. Tant que le regard de son père put l’apercevoir, elle ne se départit pas du maintien martial qu’elle s’était imposé. Une fois hors du champ de vision paternel, elle s’était précipitée en cuisines auprès d’André et de Grand-Mère, expliquant le péril imminent qui lui tendait dangereusement les bras. Bien que la version ne fût à rendre que dans les jours à venir, son père avait toujours imposé à la fillette d’effectuer les devoirs exigés par son précepteur aussitôt qu’on les lui donnait. Elle se trouvait donc en faute et ne le savait que trop.

 

Comprenant l’épineuse situation dans laquelle la fillette s’était mise par amitié, Grand-Mère l’écarta d’un geste ferme, lui dit : «Oscar va chercher une feuille vierge, puis rejoints-moi. Ne discute pas. Fais ce que je te dis !».

 

Et c’est avec autorité qu’elle ouvrit la porte de la salle à manger. Fermement, elle dit au Général : «Je viens de voir Oscar monter dans ses appartements. J’ai donc supposé que je pouvais desservir. J’en profite pour vous avertir des méfaits d’une bande de renards que le meunier est venu me signaler aujourd’hui. Non seulement, ils attaquent les animaux, mais ils ravagent les cultures, et vont même jusqu’à éventrer les sacs de grains et de farine ! Général, il vous faut impérativement prendre des mesures !

– Es-tu certaine que…

– Parfaitement ! Vous devez agir ! »

 

 

Oscar arriva à ce moment, sa feuille  -blanche- à la main.  Grand-Mère fit mine de la tancer :

«Oscar ! Crois-tu que ce soit le moment ?!

– Mais… Père m’a demandé ma version…

– Ne discute pas et vas te coucher ! Allez ! Ce n’est pas le moment de songer au latin. Ton père a une décision importante à prendre !

– … Oui Grand-Mère. Je vous prie de me pardonner si je vous ai interrompu, Père.

– Oscar, restez un instant ! Demain, vous m’accompagnerez à la chasse ! Des renards sévissent sur nos terres !

– André nous accompagnera-t-il ?

– En aucun cas ! André est roturier, l’auriez-vous oublié ?! Seuls les nobles ont le droit de chasse.

– Bien, Père. Je serai prêt au levé du jour».

 

 

 

Une fois dans ces appartements, Oscar rangea la feuille de papier porteuse de la version latine inexistante. André eût tôt fait de frapper à la fenêtre. Elle le fit rentrer, et dit un peu triste :

«Nous ne pourrons pas passer la journée de demain ensemble, car…

– Je sais, j’ai entendu. Tu vas à la chasse aux renards…. Vous risquez de rentrer bredouilles, puisque les renards en question c’est nous !

–  Je sais. Ceci dit, tu conviendras que je ne pouvais pas le dire à Père et que l’excuse de Grand-Mère était très bien trouvée et arrivait à point nommé. Je serai quitte pour une journée d’ennui profond.

– Ne t’inquiète pas, le lendemain, on ira chasser un animal beaucoup plus intéressant !

– Ah oui ? Lequel ? Dis, dis !!!! Allez, André !!!!

– Hmmm… Bon d’accord. Je te le dis, mais tu gardes le secret !

– Promis !

– Nous allons chasser… le dahu !

– Le dahu ? Quel est cet animal ? A quoi ressemble-t-il ?

– Tu le sauras quand tu le verras. C’est un animal mystérieux dont la forme peut varier selon les régions ….

– C’est vrai ? Oh qu’il me tarde d’aller le chasser. Rien que le fait d’y penser me rendra la journée de demain moins pénible»  s’écria la petite fille des étoiles dans les yeux….

 

 

A Suivre…