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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Jarjayes! (fini) Répondre à : Jarjayes! (fini)

#847
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Jarjayes!

Epilogue

 

 

Etrangement, Oscar ne ressentit aucune peine quand Lucrezia annonça être enceinte de deux mois. Elle ne pensa pas que ce petit être en sa belle-soeur aurait pu être son enfant. Non, tout ce qu’elle vit, c’était le bonheur de son frère, c’était le bonheur d’André, les larmes de Grand-Mère, ravie à l’idée d’avoir un arrière petit-enfant. Toute cette joie était contagieuse, car la femme soldat sentait son cœur s’en imbiber. Elle comprit enfin ce que Victor lui avait expliqué des mois plus tôt. On pouvait être heureux de part le bonheur des autres. Construire le sien était dans la nature humaine. Profiter de celui des autres, en observateur, en se réjouissant de leurs expériences positives, était une des nombreuses formes de la Félicité.

André était heureux.

Et même si cela tuait Oscar de l’admettre, Lucrezia était l’épouse qu’il lui fallait. Elle était fraîche, douce, mais aussi avec un certain piquant, n’hésitant pas à blaguer. Les deux se comprenaient. Oscar avait aimé André. Mais l’avait-elle vraiment compris ? Lui qui s’était si longtemps senti coincé entre deux mondes, né roturier mais élevé dans un monde de nobles, étant trop aristocrate pour le peuple et trop paysan pour les gens au sang bleu. Lucrezia savait ce qu’André avait pu ressentir. Sa mère était de descendance noble, mais son amour pour Jean avait coincé sa fille entre deux identités. Trop italienne pour être française, trop française en Italie pour être une vraie Farnèse.

– Ai-je été trop exclusive ? Etais-je trop axée sur ma propre personne ? Nous nous aimions, mais notre amour, au-delà de notre relation filiale, était-il sain ?

Le soleil du mois de juin tapait dans les carreaux. Juillet allait bientôt poindre. Entendre le rire cristallin de Lucrezia la fit penser à Victor. Ce bon Victor, qui encore une fois avait protégé André. Quand la garde royale fut envoyée pour disperser l’Assemblée Nationale fraîchement née, Victor menait l’armée. Son lieutenant n’était pas à ses côtés. Le comte savait qu’Oscar serait face à eux. Il n’avait pas voulu que le frère et la sœur aient à se faire face en ennemis. Le fait qu’il battit en retraite après sa discussion avec elle, sous cette pluie torrentielle, lui coûta fort cher. Victor perdit sa place de colonel.

– Il a fait ça pour André, pour nous, pour moi…

Le noble ne s’en plaignit jamais, prétendant, au contraire, que cela le soulageait. Il pourrait ainsi plus se consacrer à sa chère sœur et à son enfant à naître. Il était très loin de l’indigence. André prit alors sa place, selon le souhait de la reine, mais s’il accepta, ce fut avec un arrière-goût amer dans la bouche.

– Je suis un Jarjayes. Les Jarjayes servent les rois. Les Jarjayes doivent obéissance à leurs souverains. Même si la France se tourne contre eux, même si cela implique des luttes fratricides, les Jarjayes restent fidèles au roi de France et de Navarre. Ne cessait-il de se répéter

Il avait promis sur la tombe de son père qu’il ferait honneur à la lignée. Il accomplirait son devoir.

 

12 juillet 1789, au soir.

– La France s’embrase, André. Il y a eu un appel aux armes. La compagnie B va devoir se battre.
– Pour le roi, ou pour les révolutionnaires ?
– Pour une instance plus grande. Pour la France.

Avec délicatesse, elle ôta un pendentif qui ornait son cou long et fin.

– Il appartenait à Mère. S’il m’arrivait quelque chose, je voudrais que ma nièce ait un souvenir de moi.

André accepta le présent mais lui rappela la promesse qu’elle lui avait fait : tenir le nouveau-né sur les fonts baptismaux. Pour la première fois depuis des mois, il vit renaître dans les pupilles océans de la jeune femme cette éclat, cette vie qui l’animait adolescente. Elle n’avait jamais été aussi belle et radieuse. Une véritable enfant de Mars.

– Je ne compte pas mourir, André. Pas encore.

Elle avait choisi son destin. Elle laissait l’héritage des Jarjayes entre les mains capables de son demi-frère. Son roi pouvait bien lui attribuer le titre de renégat s’il le désirait. Elle voulait se battre pour la Justice, elle croyait en cet idéal nouveau : Liberté, Egalité, Fraternité. Elle serait une héroïne anonyme de l’histoire de son pays. Cela lui paraissait si beau.

14 juillet 1789, vers deux heures de l’après-midi

Ce fut Alain qui apporta la nouvelle de la mort d’Oscar aux époux de Jarjayes.

Lucrezia fondit en larmes dans les bras de son époux. Elle avait appris à aimer sincèrement cette belle-soeur si spéciale. Grand-Mère s’écroula au sol, ses sanglots incontrôlables. Seul André fut incapable de pleurer. Il était triste, si triste, anéanti même, Oscar avait été une si grande partie de lui, et pourtant, il n’arrivait pas à verser une seule larme.

Peut-être parce qu’Oscar était morte heureuse.

Elle avait succombé après avoir appris que la Bastille était tombée. Ils avaient gagné la bataille.

– Oh, France, regarde ton peuple, si combatif, si fier ! C’est là que se dessine ton avenir !

Son regarde s’était perdu dans le ciel lointain et elle dit alors, d’une voix étonnamment claire pour une mourante, comme si elle voulait que ses dernières paroles résonnent dans tout Paris, dans tout le pays, dans tous les cœurs :

– Vive la France !

Elle expira avec un rire de soulagement, d’exaltation, des larmes de joie au coin des yeux. Oscar était morte en guerrière, comme elle l’avait toujours voulu, et cela était peut-être pour cela qu’André se trouvait dans l’incapacité de pleurer sa sœur. Oscar lui manquerait à jamais mais Oscar était morte en vraie amazone, fière et digne.

– Ma sœur a-t-elle mentionné quelque chose concernant ses funérailles ? Demanda-t-il
– Non.
– Elle sera inhumée aux côtés de Père.

Il regarda Alain s’en aller peu après et alors que la porte se refermait, il sentit quelque chose rouler le long de ses joues. Il finit par craquer, lui aussi. Oscar était peut-être morte heureuse, mais son manque serait cruel et difficile à supporter.

 

1 janvier 1790

Après quatorze heures de travail et des cris, des vagissements se firent entendre dans le château. André se précipita alors dans la chambre de son épouse, normalement, Grand-Mère aurait été le chercher mais il ne pouvait pas attendre. La douleur de Lucrezia lui paraissait insupportable et il s’en voulait que de l’avoir mise dans cette situation. La belle italienne semblait épuisée mais radieuse, elle souriait. Elle avait dans ses bras un petit bébé potelé au duvet de jaïs. Et non loin d’elle, l’aînée des Grandier en tenait un autre.

– Est-ce que je vois double ?! S’exclama-t-il incrédule
– Mais non, comme tu peux être bête ! Ria Grand-Mère
– Si tu savais comme je suis heureuse, André ! Nous avons eu des jumeaux ! Deux fils !

Grand-Mère lui confia l’un des enfants, qui s’avéra être le cadet. Elle avait les yeux mouillés par l’émotion. André pensa à Oscar, à leur père.

– Je sais comment les appeler mon amour. Dit l’accouchée

Il la regarda.

– Rainier et Oscar.

Le nouveau père l’embrassa alors tendrement. Ces noms étaient parfaits.

 

25 décembre 1793

– La France part en couilles. Dit simplement Lucrezia avec sa sincérité naturelle alors qu’elle brodait.

Ranier et Oscar jouaient paisiblement près d’elle avec les soldats de bois qu’André leur avait fabriqué. S’ils ressemblaient fort à leur père, ils avaient hérité des yeux de leur mère. Victor était également présent. Il les accompagnait dans leur jeu avec plaisir. Comme il semblait loin, le tumulte de Paris ! Le peuple n’avait jamais causé aucun problème à Jarjayes. Peut-être grâce à Oscar, qui l’avait aidé le 14 juillet 1789. Son nom résonnait encore dans les rues.

En 1792, Fersen était venu les voir. Il voulait essayer d’aider une nouvelle fois les souverains prisonniers de la Révolution. Malgré le fiasco de Varennes. Au nom de l’amitié commune qu’il avait pour Oscar, il l’avait aidé, une dernière fois. Puis tout s’était enchaîné. Les Tuileries avaient été saccagées. Le roi et la reine avaient alors été enfermés dans la tour du Temple, la monarchie avait été abolie.

– Ma chère Oscar… Si tu savais ce que de mauvaises mains font du rêve que tu avais fait pour la France… Heureusement qu tu es partie, chère sœur, car je crains que ton cœur aurait été brisé une fois encore…

Le roi avait été exécuté, la reine séparée de ses enfants. André avait réussi à la voir, à la Conciergerie, grâce à Rosalie. La pauvre Marie-Antoinette ! Elle lui avait fait mal au cœur. Toute de noir vêtue, les cheveux d’un blanc neige, le visage émaciée, elle avait l’air si fatiguée, si… vieille.

– Je ne pense plus à être sauvée. Je ne pourrais pas vivre en sachant que j’ai laissé mes enfants derrière moi. Pensez à vous, André. Je sais que le peuple n’a jamais attaqué votre famille. Cela me soulage. Mais les temps s’annoncent sombres. Aussi, par mesure de sécurité, quittez le pays. Le temps que cela se calme. Votre reine vous l’ordonne.

Elle lui tendit une bague à travers les barreaux. Il y avait une phrase gravée dessus « Tutto a te mi guida ».

– Et si vous voyez Fersen… Donnez-la lui et dîtes lui que cette inscription n’a jamais été aussi véridique.

André avait envoyé la bague au suédois, qui lui confirma la réception et le remercia avec chaleur. Le 16 octobre 1793, Marie-Antoinette, reine de France, avait été exécutée. André avait assisté à sa fin, caché dans la foule. Le 8 décembre de la même année, Madame du Barry subit le même sort.

L’homme hésitait à quitter la France. Certes, sa famille n’avait subi aucune attaque mais il suffisait d’un seul assaut pour qu’un malheur arrive. Lucrezia avait gardé contact avec ses oncles et tantes de Rome. Ils avaient assuré qu’elle pouvait venir chez eux, avec ses enfants, son mari, son frère… Avec tout ceux qu’elle aimait. Ils avaient appris à aimer la France grâce à Jean. Elle comprenait son époux cependant. Quitter sa terre natale était un deuil en soi, elle en savait quelque chose.

– Je ne veux pas que l’on m’appelle déserteur.
– Mes oncles parlent de cela comme « prendre des vacances pour visiter la famille ». Il suffit que nous soyons assez malins pour que le pays y croit.
– En laissant des gens ici afin qu’ils gèrent le château le temps de notre voyage. Mais si jamais on les attaquait ? Je m’en voudrais s’il leur arrivait malheur…
– Le peuple respecte les Jarjayes. Ta sœur nous a tous sauvés d’une possible agression. Elle continue à nous protéger par delà la mort. Elle veillera sur nos terres.

Il eut un faible sourire.

– J’ai un cadeau pour toi. Finit-elle par dire avec son ton blagueur
– Encore un ? Tu me gâtes.

Elle eut un regard complice avec son frère. Victor était donc dans la confidence.

– Je suis enceinte.

Un sourire illumina alors le visage d’André et il l’embrassa avec amour. Il pensa alors à ses enfants. Il pensa à ses serments, à son devoir. Il était un Jarjayes et devait obéissance à son roi. La reine lui avait ordonné de quitter le pays le temps que tout se calme. Soit.

– Que dirais-tu de rendre visite à ta famille de Rome ? Et j’avoue que voir notre enfant baptisé au Vatican par le Saint-Père serait un instant magique.

Les papiers furent faits. La raison du départ fut : Visite familiale à l’étranger pour une durée indéterminée. André quitta donc la France avec sa femme, ses enfants, sa grand-mère et son beau-frère. Le voyage fut sans accroc.

Le 26 août 1794, à Rome, naquit la petite Victorine, un ange aux cheveux châtains bouclés et aux yeux émeraudes. La petite famille foula à nouveau le sol français en 1795, la Terreur passée.

Ils ne quittèrent plus jamais la France.

La France ne les mit jamais en danger.

 

2014, Paris.

 

Victor de Jarjayes soupira alors que la cloche annonçant la fin des cours retentit dans le bâtiment. Il remit à sa place une mèche noire rebelle et sortit. Son frère aîné, Oscar, l’attendait sagement à bord de sa petite voiture verte.

– Alors, frangin ? Les cours ?
– Chiant. Et toi ?
– J’ai eu mon CAPES ! Je vais pouvoir devenir prof d’histoire !

Ravi pour lui, l’adolescent lui fit un high five. Décidément, la passion de l’Histoire coulait en ses trois frères. Rainier était un biographe et il avait retracé l’histoire de leur famille, il avait également fait du château de Jarjayes un musée. André était le directeur du musée de Versailles. Et désormais, Oscar allait enseigner cette matière aux collégiens et aux lycéens. Mais lui, l’Histoire, ça ne l’intéressait pas plus que cela. Lui, il voulait devenir soldat et servir la patrie.

Comme l’avaient fait la grande Oscar et le célèbre Rainier de Jarjayes avant lui, au temps de la Révolution.

FIN

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!