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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Jarjayes! (fini) Répondre à : Jarjayes! (fini)

#844
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Jarjayes!

Chapitre 4:

La Nuit du serment solennel

 

Malgré son excès de brandy, Oscar ne se sentait pas plus gaie qu’avant.

– Bah, de toute façon, j’ai toujours eu l’alcool triste. Pensa-t-elle

Elle reposa son verre, laissant sa fenêtre ouverte malgré l’orage qui s’était déclaré en début de soirée. Le vent frais battait ses joues rougies. Le craquement du tonnerre résonnait jusqu’au plus profond d’elle, ce dont elle ne s’étonna pas. Elle était vide, creuse, depuis qu’elle avait appris la vérité.

Son frère.

Son grand-frère.

Son demi-frère.

Même l’amour lui était interdit. Quelque part, cela était logique. Elle n’était ni homme ni femme. Les asexués n’ont besoin ni d’amour ni de sexe. En théorie seulement. Elle se rappela une phrase de sa souveraine, il y avait des années de cela, à propos de sa compréhension du cœur d’une femme. Près de dix ans plus tard, Oscar comprenait enfin. Et elle avait payé le prix fort pour cela, avec un amour qui défiait à la fois les lois divines et les lois terrestres.

– Qu’a décidé André ? Se demandait-elle sans cesse

Elle se resservit un verre. Un verre qui la ragaillardit. Une idée traversa son esprit ivre. Il fallait essayer.

XXXXXX

Dans sa chambre, André se séchait. Il était resté longtemps sur la tombe de son père, à lui faire mille promesses qu’il comptait tenir. Et aussi étrange que cela pouvait paraître, parfois, il avait l’impression de sentir la présence du Général, il l’imaginait souriant et ému, sans doute soulagé sur son fils bâtard n’éprouvait aucune rancœur à son égard. Mais comment le nouveau Jarjayes aurait-il pu en éprouver ? Le mort avait toujours été bon avec lui, patient. Un très lointain souvenir lui revint alors. Il était enfant et apprenait à lire, mais il n’y arrivait pas, et face à une Oscar déjà lettrée, il se sentait si inférieur ! Mais le Général avait pris sur son temps libre et l’avait aidé, avec douceur. Il ne manquait jamais de le féliciter à chaque réussite et quand enfin il sut lire et écrire son nom, lui lisant à la perfection une fable de La Fontaine, l’adulte avait eu un sourire magnifique, il lui avait ébouriffé les cheveux avec affection et pour le féliciter d’avoir gagné cette bataille de plusieurs mois, il lui avait offert un superbe jouet. Le regard émeraude d’André se posa alors sur cette peluche habillée aux couleurs de la garde royale. Il en avait pris le plus grand soin. Elle lui rappelait que son père avait fait de son mieux pour assumer son rôle, même anonymement. Il tendit la main, ses doigts en effleurèrent la fourrure.

– Papa…

Malgré les quelques larmes qui coulaient sur ses joues, un sourire s’était peint sur son visage.

– J’ai eu un père.

La nouvelle lui réchauffait toujours autant le cœur.

Il entendit alors quelques coups secs frappés à sa porte.

– Typiquement oscariens… Soupira-t-il avant d’autoriser le visiteur à entrer.

En effet, c’était bien Oscar qui était venue. Vêtue d’une tenue qu’André ne l’avait jamais vue porter. Son corps long et fin était recouvert d’une chemise de nuit légère, blanche, presque transparente, lui arrivant aux chevilles. Sa chevelure d’or était lâchée, toujours aussi sauvage. La jeune femme avait l’air d’un ange. Un ange avec les joues d’une personne ayant un peu bu, mais le propriétaire de la chambre lui-même venait d’avaler un verre de vin, et vu les circonstances, il ne pouvait guère la blâmer que de rechercher une échappatoire dans l’alcool.

– Bonsoir André.
– Bonsoir, Oscar.

Il l’invita à s’asseoir et lui proposa un verre de vin.

– Merci mais je crains que ça ne soit pas raisonnable. J’ai déjà trop bu.

Il rangea alors le pichet.

– Qu’allons-nous faire, André ? Lui demanda-t-elle avec un air de désespoir dans la voix qui lui brisa le cœur
– J’ai bien une idée, mais je te laisse exposer la tienne en premier.

Elle se leva et tenta de lui dérober un baiser, mais il la repoussa.

– Nous ne pouvons pas, Oscar.
– Tu ne m’aimes plus ?
– Je t’ai toujours aimé, je t’aime toujours et je t’aimerais toujours. Mais nous ne pouvons plus faire cela. Tu es ma sœur, je dois t’aimer comme telle.
– Ta virilité ne semble pas me considérer comme une sœur. Répliqua-t-elle sur un ton taquin
– Hélas pour elle, je suis de ces rares mâles à penser avec un cerveau. Tu es ivre, Oscar. Tu me veux maintenant mais demain, tu regretteras.

Il s’éloigna un peu d’elle. Elle le regardait avec une tristesse presque mortelle.

– On pourrait taire ce secret ! Personne n’a à savoir ! Je pourrais abandonner ma position dans les gardes françaises et devenir ta femme ! Aux yeux du monde, tu serais devenu un Jarjayes par mariage et nous pourrions vivre notre amour au grand jour ! Les pharaons se mariaient bien entre frères et sœurs ! Pourquoi pas nous ? Je serai une épouse modèle, vertueuse, je te donnerai des fils, plein de fils ! Tu pourras prendre autant de maîtresses que tu le veux, je me tairai, cela serait mon prix à payer pour taire le secret de notre père ! J’aimerai tes enfants naturels comme s’ils étaient issus de mes entrailles ! Ensemble, nous serons à l’origine d’une immense famille ! Je ne vais pas en rajeunissant, tu sais. Tu as la chance de pouvoir faire des enfants jusqu’à ta mort, moi, sous peu, je deviendrais vieille et stérile. Ne perdons pas de temps. Marions-nous et aimons-nous.

Elle n’avait pas crié mais sa voix trahissait sa détresse. Elle se tordait les mains tout en parlant. Elle était parfaitement brisée, et André en avait le cœur brisé. Il l’enlaça avec douceur et lui embrassa le front. Malgré son état, Oscar pouvait sentir la différence entre ce geste de tendresse et ceux qu’il avait eu pour elle avant la mort de leur père. Elle réalisa. André l’aimerait sans doute toujours, mais plus jamais il ne lui ferait l’amour. Elle était devenue sa petite sœur. Il avait choisi d’embrasser son destin et de devenir un Jarjayes à part entière, fier de son héritage et de son sang. Il ne l’avait laissée s’exprimer que par politesse et par respect pour elle.

– Je comprends… Tu as peur au niveau de la loi. Je ne t’en veux pas, c’est normal. Mais si je ne puis être ta femme, je peux peut-être devenir ta maîtresse…

La tenant avec délicatesse mais aussi avec fermeté, André lui leva le menton. Elle pouvait voir ses yeux verts imperturbables.

– Je t’aime, Oscar. Comme un frère doit aimer sa sœur. Et je ferai tout pour que tu sois heureuse, jouissant d’un bonheur sain et sans tâche. Si le poids de l’armée te pèse, tu es libre de la quitter et de redevenir une dame, je prendrais avec plaisir ta place car je saurais que toi, tu seras contente. Si tu désires te marier et fonder une famille, je ferais mon possible pour te trouver un bon mari, gentil et respectueux, avec lequel tu pourras t’adonner à tous les plaisirs conjugaux. Mais je ne puis être cet homme, Oscar. Je suis ton frère, je suis un Jarjayes. J’ai un devoir à accomplir, tout comme toi, tu as accompli le tien.

Il la serra une dernière fois contre lui avant de quitter la pièce, jugeant qu’Oscar allait très certainement y passer la nuit.

– Ne vas-tu pas partager ma couche ? Tenta-t-elle une dernière fois
– Bonne nuit, petite sœur.

Une fois seule, Oscar éclata en sanglots et s’effondra sur le sol. Elle avait gagné un frère mais elle avait perdu un amant qu’elle aimait avec passion. André Grandier était mort et sous ses traits était né André de Jarjayes. Elle avait l’impression qu’on lui avait arraché une partie d’elle, une partie de son cœur. Elle ne pouvait rien faire d’autre que de se résigner. André ne la toucherait plus comme un homme amoureux, il la toucherait en frère aimant.

Elle passa une très mauvaise nuit et le lendemain matin, ses yeux rougis trahissaient l’activité nocturne à laquelle elle s’était adonnée. Elle avait réfléchi. André s’était toujours sacrifié pour elle. Pour une fois, elle devait cesser d’être égoïste. André voulait respecter les volontés de leur père. Soit Elle deviendrait le chef de la famille et André serait son héritier. Elle le laisserait régir sa vie, en épouser une autre s’il le voulait. Elle lui devait bien ça.

– Mais si je ne peux être à toi, je ne serai à personne. Non, à personne.

A suivre

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!