Répondre à : En attendant les cloches [Recueil d’OS – fini]

LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions En attendant les cloches [Recueil d’OS – fini] Répondre à : En attendant les cloches [Recueil d’OS – fini]

#824
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

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Sujet 2: Un petit malin des gardes françaises s’amuse à dissimuler du chocolat dans la caserne. Oscar, trouvant cette plaisanterie de très mauvais goût, fait des remontrances à ses soldats afin que cela cesse. Puis, finalement, quand celle-ci tombe sur du chocolat, elle se laisse aller et part à la chasse.

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En attendant les cloches 

 
Des bonnes intentions 

Alors qu’elle marchait le long du couloir de la caserne, le nez plongé dans un rapport sur l’état des armes de la compagnie B, Oscar n’écoutait que d’une oreille le son de la crécelle, qui annonçait le début de l’office du matin. C’était le vendredi saint. Les cloches s’étaient tues et allaient rester muettes jusqu’au dimanche de Pâques, un hommage silencieux, endeuillé, pour la mort du Christ avant sa résurrection. Par chance, cette année, la sécurité des offices pascaux n’incombait pas à sa troupe mais à celle d’une caserne voisine. Ses hommes allaient pouvoir rentrer chez eux, profiter des leurs, embrasser leurs mères, faire l’amour à leurs femmes, jouer avec leurs enfants. Grand-Mère se faisait une joie de ce jour chômé, le trouvant bien mérité et elle avait promis de préparer, pour l’occasion, l’un des plats préférés d’Oscar :

Un carré d’agneau.

André aussi ne pouvait cacher son excitation à l’idée de quelques jours de repos. Une lueur, fine mais brillante, attira l’oeil bleuté de la commandante. Elle s’approcha. Sa curiosité ne fit que grandir davantage quand, en s’agenouillant, elle découvrit, presque complètement caché derrière une tenture lourde qui servait de rideau, un morceau de chocolat emballé dans un papier doré. Elle le prit, contempla la marque.

– Ce n’est pas n’importe quoi. Laisser traîner un produit d’une si bonne qualité ! Pensa-t-elle

Elle se demanda, l’espace d’un instant, qui était le propriétaire de cette douceur, aussi délicieuse qu’onéreuse. Elle n’ignorait pas que certains de ses soldats étaient nobles mais ils étaient tous d’une petite noblesse, souvent trop peu fortunés pour se permettre ce genre d’écart.

– Daguerre, peut-être ?

L’homme ne lui avait pourtant jamais paru apprécier le sucré. Ni même la nourriture d’ailleurs. Il mangeait pour vivre et non l’inverse. Oscar aurait bien laisser couler l’affaire, la rangeant dans la catégorie des anecdotes insolites mais drôles à raconter en société. Sauf que dix minutes plus tard, elle trouva un autre morceau dans son tiroir, alors qu’elle n’en avait pas rapporté de chez elle. Puis, une heure plus tard, encore un près des latrines ! Vers trois heures, après une collecte qui lui rapporta six morceaux, la coupe fut pleine et elle exigea une réunion dans la cour. Face à ses yeux, ses hommes, pourtant bourrus et assez peu impressionnables, semblaient pourtant se raidir. Ses pupilles lançaient des dagues.

– Messieurs, j’irai droit au but. Entama-t-elle

Elle tendit devant elle une de ses trouvailles.

– J’ai retrouvé cinq autres morceaux semblables dans la caserne aujourd’hui, dans des endroits aussi insolites qu’incohérents dans leur logique ! Et je dois vous avouer que cela commence à m’irriter.

Alain voulut répliquer mais face à l’expression dure de son supérieur hiérarchique, les mots se coincèrent dans sa gorge.

– Il est évident que je n’ai aucun droit de regard sur la manière dont vous dépensez votre solde. Vous êtes assez grands pour le gérer. Néanmoins, ce n’est pas tant la dépense que l’irresponsabilité de ce geste qui m’énerve.

Elle reprit sa respiration. Si elle était calme en apparence, son être bouillonnait.

– Venant de moi, j’ai conscience que cela semble être l’hôpital qui se moque de la charité. Et se priver ne permet pas à la France entière de manger. Mais je vous rappelle que ce produit est un produit qui est cher ! En acheter, pour le cacher dans la caserne, comme une chasse au trésor, dans des endroits où il peut se gâter, je trouve que c’est aller voir un paysan qui meurt de faim, agiter un morceau de pain sous son nez pour lui donner un soufflet par la suite ! Se priver ne permets pas à la France entière de manger, je le maintiens. Cependant, avoir de la considération, du recul sur sa position et surtout du respect pour la nourriture me paraît être pourtant une valeur morale de base ! J’ignore si c’est l’approche des congés de Pâques qui excite vos cerveaux, mais j’exige que cette farce de mauvais goût cesse !

Certains de ses hommes, les plus jeunes, baissèrent les yeux. Elle sembla se calmer un peu car elle lâcha un soupir.

– Le propriétaire de ces sucreries peut venir me trouver dans mon bureau pour que je les lui rende. Je veux bien passer l’éponge pour cette fois. Mais gardez à l’esprit l’état de la France avant de gâcher les produits qu’elle nous offre encore.

Un quart d’heure plus tard, le soldat Simon se présentait devant sa porte. Ses yeux bleus fixaient ses pieds et il n’osait pas la regarder en face. Le jeune homme était une toute nouvelle recrue, un charmant garçon de dix-sept ans, aux cheveux blonds et aux traits si délicats qu’on l’avait pensé efféminé. Le premier qui avait tenté de lui jouer un mauvais tour s’en était mordu les doigts. Sous le visage d’ange se cachait une volonté de fer et surtout un combattant. Avec un bon cœur certes. Mais qui ne courbait l’échine devant personne, si ce n’était les supérieurs hiérarchiques.

– Je tenais à vous présenter mes excuses. Je ne pensais pas à mal. Commença-t-il
– Je m’en doute. Répondit Oscar. Mais pourquoi cette machination ?
– Le mot est un peu fort, Commandant.
– Peut-être. Mais répondez à ma question.

Le jeune homme semblait gêné.

– A défaut d’avoir des œufs à chercher, je voulais offrir à mes amis un simulacre de chasse pascale. Nous sommes des adultes, il est vrai. Je voulais juste rendre le sourire à certains.

Toute la colère d’Oscar retomba comme un soufflé avec ces explications. Elle se sentait bien bête désormais. Elle maintenait son idée qu’il ne fallait pas gâcher. Mais l’idée était si adorable qu’elle ne pouvait plus être fâchée.

– La prochaine fois, demandez-moi avant d’organiser par vous-même ce genre de fantaisie. Soupira-t-elle
– Oui, Commandant.

Alors qu’elle se levait, elle découvrit un autre chocolat, derrière son encrier. Un sourire naquit sur ses lèvres. Elle tendit ses morceaux au soldat.

– Allez les cacher avec un peu plus de soin dans les endroits de la caserne et une fois que vous aurez fini, dites à vos collègues qu’une chasse au chocolat est ouverte. Mais ne leur dites pas ce que vous m’avez dit. Juste que je trouve dommage qu’un si bon chocolat ne puisse pas être dégusté. Celui qui en trouvera le plus se verra offrir une bouteille de vin, de ma cave personnelle, pour rendre l’exercice plus piquant. Par contre, celui-ci…

Elle déballa le chocolat qu’elle venait de trouver.

– Celui-ci est pour moi.

 

FIN

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!