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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Le lys et le coquelicot [Fini] Répondre à : Le lys et le coquelicot [Fini]

#881
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Le Lys et le Coquelicot

Chapitre 5 : Vivre

Trois semaines s’étaient écoulées depuis le suicide de Charlotte.

Rosalie avait assisté aux funérailles de sa jeune demi soeur, qui eut droit à une cérémonie religieuse. Les témoins du drame avaient bien vu que la jeune fille n’était pas dans son état normal et après enquête, on avait conclu que la pauvre enfant avait eu une crise d’hystérie liée à l’angoisse de son mariage naissant. Son vieux fiancé avait eu la décence de ne pas se montrer et Rosalie lui en était reconnaissante. Du coin de son œil noyé, elle avait vu Madame de Polignac vêtue de noir, pâle, sans fards, effondrée et en larmes, aux bras de son mari qui, malgré ses efforts pour rester digne, avait la lèvre tremblante, les larmes perlant. Quant à elle, elle avait traversé la cérémonie en véritable poupée de cire. Aucune émotion sur son visage fin, elle avait déjà trop pleuré la perte de la pré-adolescente, le regard fixé sur le cercueil, ne pouvant réaliser, malgré ses efforts pour se raisonner, que le corps de sa petite sœur était à l’intérieur de cette boîte. Comme elle paraissait minuscule ! Comment Charlotte, plus grande que les enfants de son âge, avait-elle pu entrer dedans ?! Oscar, André et Axel l’avaient accompagnée, mais même leur soutien, leur présence, elle ne pouvait pas les sentir. Les mains posés sur ses genoux, l’air indescriptible, son esprit, son âme et son corps s’étaient dissociés le temps de l’office. Le temps de voir le dernier lit de Charlotte posé sur une charrette mortuaire pour être emmenée dans la crypte des Polignac. Le regard de sa mère croisa le sien. Elle semblait vouloir lui adresser quelques mots mais elle ne put rien prononcer. Ses yeux parlaient pour elle. Elle était reconnaissante.

– Mademoiselle Lamorlière ? Demanda cependant son mari

Rosalie opina du chef.

– Charlotte nous avait souvent parlé de vous, en des termes assez élogieux. Vous avez été une bénédiction pour elle dans ses derniers jours. Vous serez toujours la bienvenue sur nos terres, si vous voulez venir la voir ou…

La jeune femme serra doucement la main de celui qui était son beau-père en signe de soutien.

– Je vous ferai parvenir un portrait d’elle, ainsi que sa broche préférée. Elle aurait aimé que vous les ayez.

Elle le remercia et les regarda partir. Ce ne fut que quand le cercueil de Charlotte eut disparu dans l’horizon que Rosalie détourna le regard et que le quatuor s’apprêta à son tour à regagner leur demeure.

Depuis cette sombre journée, Rosalie n’était plus sortie de sa chambre. Prostrée, elle se levait, s’habillait de noir t très simplement, et passait ses journées dans un silence religieux. Elle ne touchait plus à son piano, elle ne lisait plus ses livres, elle ne dessinait plus, ne cousait plus, ne brodait plus. Elle était assise et fixait le paysage que lui offrait la fenêtre de sa chambre. On lui apportait à manger, elle y touchait un peu, par respect pour la nourriture, elle qui avait eu si faim et tant de mal à se nourrir jadis, ainsi que par respect pour les cuisiniers. Elle réfléchissait. Tous ceux qu’elle aimait, qu’elle avait connu, avaient des destins tragiques. Son père était mort avant de la connaître. Sa génitrice avait du l’abandonner et venait de subir la pire épreuve possible pour une mère. Sa mère était morte dans ses bras. Le cœur de Jeanne s’était changé en pierre. Oscar avait failli mourir pour elle. Enfin, sa pauvre petit Charlotte… Son sort était de porter malheur. Elle en était convaincue. Aussi, par amour pour toutes les personnes qui étaient chères à son cœur, elle était prête à devenir une enfant de la Solitude. Le fait de les savoir en vie, protégés de sa malédiction, serait la source de son nouveau bonheur.

XXXXX

Descendant de son cheval, Fersen observa la demeure des Jarjayes, bien décidé à sortir Rosalie de son enfermement, qui l’inquiétait au plus haut point. Qui commençait à sérieusement angoisser Oscar et André. Il la sauverait de ses noires pensées. Comme elle l’avait sauvé. Car elle l’avait sauvé. Elle lui avait fait connaître à nouveau la possibilité d’aimer sans obstacles.

Car il aimait Rosalie.

Ces semaines sans la voir lui avaient fait réaliser l’étendue de ses sentiments pour la jeune femme. Certes, il ne cesserait jamais d’aimer Marie-Antoinette, il ne le pourrait pas, mais l’Amour n’était pas sans issue. Son inquiétude pour Rosalie, son envie de la chérir, de la protéger, de la faire sourire… Elle avait fait peu à peu son nid dans son cœur, sa place dans son esprit et si la reine de France avait toujours sa place dans son organe donneur de sentiments, Rosalie l’avait chassée de sa tête, elle avait réussi à dominer son âme. Combien de fois s’était-il surpris à penser à elle des heures durant ? Il aimait la reine, cela ne changerait jamais. Mais il ne pouvait nier qu’il aimait également Mademoiselle Rosalie Lamorlière. Et il était libre de l’aimer. La reine le lui avait fait comprendre.

– Vous l’aimez. Avait-elle dit sobrement

Il avait eu la décence de baisser les yeux.

– Oh mon ami, je ne vous en veux pas ! Je l’ai réalisé quand je vous ai vus tous les deux au bal. Vous l’aimez. Et je n’en prends pas ombrage, car je sais que j’ai toujours ma place en votre cœur. Mais Fersen, mon doux Fersen, je veux votre bonheur. La vie est si courte ! Ne vous privez pas des plaisirs terrestres en mon nom, moi qui ne peut vous offrir que des instants volés et nocturnes ! Au contraire, votre bonheur fera le mien. Ici, je ne suis ni heureuse, ni malheureuse. Votre joie causera la mienne. Si vous m’aimez, alors de grâce, Fersen, vivez ! Vivez, je vous l’ordonne ! Avait-elle déclaré, un grand sourire doux sur ses lèvres

Il avait fondu en larmes, ému, soulagé mais aussi honteux, la pauvre, qui avait si peu malgré son statut, se sacrifiait encore pour lui ! Quel misérable !

– Il est possible d’aimer plusieurs personnes. Mon père aimait ma mère, mais il aimait aussi sa maîtresse. J’ai de l’affection pour Louis et je vous aime aussi. Vivez, Fersen. Vivez.

Il lui avait baisé la main et était parti.

L’arrivée d’Oscar le sortit de ses pensées. Elle semblait fatiguée, sans doute l’angoisse pour sa protégée.

– Merci, Fersen… Même moi, elle ne me laisse pas entrer au cœur de ses ressentis…
– Je ferai au mieux.

Il monta alors vers la chambre de Rosalie.

– Axel ? S’étonna-t-elle

Comme elle était pâle ! Sans maquillage, vêtue de noir, les cheveux défaits, elle avait l’air d’une morte !

– Le moment est sans doute mal choisi, Rosalie, mais je vous dois la vérité. Commença-t-il
– La vérité ?
– Vous pleurez Charlotte et une personne pleurée est une personne chérie, je le sais, mais Rosalie, elle n’aurait pas voulu vous voir ainsi.
– Je ne peux m’en empêcher… On m’a arraché une partie de moi… Elle est morte sans savoir que j’étais sa sœur… Elle me considérait comme telle… Quelle ironie !
– Et désormais, elle est dans le royaume de Dieu, et elle le sait ! Vivez, Rosalie ! Continuez à vivre ! Vivre, c’est la respecter aussi.

Elle murmura, la voix tremblante, que, peut-être, elle sortirait pour aller honorer sa tombe. C’était déjà un bon pas.

– Je vous dois une autre vérité, sans doute tout aussi déplacée dans ce contexte. Confessa le suédois
– Encore ?

Fersen tomba à genoux.

– Je vous aime, Rosalie.

Sous le choc, elle se leva aussitôt, les yeux écarquillés.

– Mais… Comment… La reine…
– La reine comprend et c’est même elle qui me donne cette audace. Elle aura toujours une place en mon cœur, je ne puis l’en déloger, mais Rosalie, vous dominez mon être tout entier. Nuit et jour, je ne pense qu’à vous. Je veux vous protéger, vous chérir ! Je ne puis faire taire mon cœur plus longtemps, je vous aime, je vous aime !

La voyant sous le coup de l’émotion, il se leva et la laissa, mais avant de partir, il se retourna :

– Sachez, Rosalie, que, même si vous n’avez que de l’amitié pour moi, cela me convient. Mon amour pour vous ne brisera pas l’amitié que je vous porte. Je ne veux pas forcer votre cœur.

Il la quitta et s’il avait ouvert son cœur, il ignorait qu’il venait de briser celui d’une Oscar qui avait entendu toute sa confession.

 

 

A SUIVRE

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!