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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Le lys et le coquelicot [Fini] Répondre à : Le lys et le coquelicot [Fini]

#880
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Le Lys et le Coquelicot

Chapitre 4 : Evolution

 

Rosalie ne rentra à Jarjayes que le lendemain dans la matinée. Un orage avait éclaté peu après son arrivée et la pauvre avait été bien trop secouée pour pouvoir rentrer. Le temps exécrable lui donna une excuse pour découcher. Fersen avait fait envoyer un mot à Oscar, afin de la rassurer. Il était normal qu’elle sache sa protégée en lieu sûr, à l’abri de l’ire des éléments. Il avait fait préparer une chambre pour la jeune femme. Leur soirée se passa sans un mot, Rosalie clairement secouée jusqu’au plus profond d’elle-même par la vérité sur sa mère biologique. Pour autant, ce n’était pas un silence accablant. C’était le silence de la compréhension, où une discussion sans mot formulé avait lieu entre les deux personnes. Rosalie ne mangea que peu et se coucha tôt, épuisée. Elle se leva avec les rayons du jour perçant à travers ses rideaux. En descendant, elle eut la surprise de voir un Fersen déjà levé, habillé, lisant tranquillement sur sa terrasse. Le soleil rayonnait, faisant briller les dernières gouttes laissées par l’averse de la veille.

– Bonjour Rosalie. Lui dit-il avec un sourire. Avez-vous bien dormi ?
– Oui, merci, Monsieur de Fersen. Répondit-elle
– Je vous en prie, appelez moi Axel.
– C’est que… Oscar et André vous appellent par votre nom de famille…
– J’ai eu beau tenter de les corriger, cela n’a jamais pris. Plaisanta le suédois

Il l’invita à s’asseoir en face de lui, où un petit-déjeuner copieux l’attendait.

– Je vais demander à une domestique de vous faire chauffer de l’eau, si vous souhaitez faire un brin de toilette. Proposa-t-il
– Comment vous remercier, Axel ? Vous n’êtes que bonté envers moi.
– Vous êtes mon amie, Rosalie. Il est normal que je vous vienne en aide quand vous en avez besoin.

Rosalie remonta dans sa chambre un peu plus tard et se rafraîchit un peu. La gentillesse d’Axel à son égard la touchait autant qu’elle la troublait. Etait-ce parce qu’elle avait vécu dans un Paris difficile que la générosité d’autrui, offerte sans concession, avait un goût étrange pour son palet ? De plus, elle se sentait honteuse. Avoir débarqué ainsi chez lui, presque hystérique… Pourtant, Oscar ou André auraient très bien pu la consoler, mais non, son esprit, son âme aspirait aux bras du suédois. Qui l’avait accueillie à bras ouvert. Avant d’être enlacée. Rien que d’y penser à nouveau, une chaleur lui brûla les joues. Oh Seigneur, mais que lui était-il donc passé par la tête ?

XXXXX

Rosalie revint à Jarjayes vers onze heures, accompagnée par Axel. Oscar fut la première à les accueillir, elle enlaça aussitôt la jeune femme.

– Pardon, Oscar, je n’aurais jamais dû… S’excusa la demoiselle, la tête baissée et honteuse
– Ce n’est rien Rosalie, avec les circonstances, je peux comprendre. Et puis, tu étais en sécurité. Va donc te changer.

La colonelle observa sa brise de printemps s’éloigner.

– Comment vous remercier, Fersen ? Le mot, votre hospitalité…
– Je vous en prie Oscar, c’était tout naturel. Rosalie est une amie. J’espère juste… Qu’elle arrivera à mieux vivre avec la terrible nouvelle qui s’est abattue sur elle.

Une amie. Oui, Axel de Fersen considérait Rosalie Lamorlière, bâtarde de Madame de Polignac, comme une amie, il ne disait pas cela juste pour faire plaisir à Oscar ou pour se montrer courtois. La jeune femme était si attachante que la détester aurait été impossible. Oui, le mystère entourant sa personne, le secret de sa naissance, l’avait intrigué mais l’avoir vue si fragile, si déboussolée, comme si elle allait se briser sous le moindre choc, l’avait inquiété au plus haut point. Et plus que de raison. Quand Oscar avait été blessée suite à l’escarmouche de laquelle il l’avait sauvée, il avait été inquiet pour elle, pour sa santé mais il n’avait pas eu cette peur viscérale qui l’avait saisi quand Rosalie était sanglotante dans ses bras. Il tenait à elle, il tenait énormément à elle, pour une raison qu’il ignorait encore.

Ou qu’il se refusait à admettre.

Il ignorait s’il aimait Rosalie. Il était attaché à elle, il avait de la tendresse pour elle, il avait de l’affection pour elle, mais de l’amour ? De plus, il ne pouvait pas l’aimer. Il aimait Marie-Antoinette. La reine n’était pas sans savoir que le retour en France de son amant était motivé par un désir de son père :

Qu’il prenne une épouse.

Elle comme lui savaient très bien que dans cette vie, ils ne pourraient jamais être ensemble, et la royale déesse lui avait dit, malgré toute la douleur d’un cœur blessé, qu’elle voulait son bonheur, que son bonheur ferait une partie du sien, et ses mots étaient enrobées de la douceur sucrée de la sincérité. Mais pouvait-il décemment lui imposer la présence d’une Madame de Fersen alors qu’elle, elle n’avait pas eu le choix, on lui avait imposé son mariage à la France. Ah, la Providence ne l’avait pas mis sur Terre pour qu’il ait une vie aisée, avec des choix simples, sans conséquences !

– Prendrez-vous le déjeuner avec nous, Fersen ? S’enquit Oscar
– Cela aurait été avec plaisir, Oscar Malheureusement, je suis attendu ailleurs.
– Alors, une prochaine fois.
– Puis-je… Puis-je me permettre d’écrire à Rosalie ?

La militaire semblait étonnée d’une telle demande, comme si il était évident qu’il le pouvait.

– Bien sûr. Cela lui fera très plaisir et peut-être même du bien.

Axel la remercia et prit congé d’elle, partant pour Versailles, où l’attendait sa Vénus.

XXXXX

– Tu as une lettre de Fersen, Rosalie ! Chantonna André en lui remettant la missive

Le sourire de la jeune femme n’échappa pas à Oscar, qui l’observa monter dans sa chambre pour la lire. Un lien solide s’était noué entre les deux, ce qui la surprenait autant que cela la ravissait. Rosalie n’avait que peu d’amis et Fersen était doux et gentil. Et ses courriers avaient redonné à la jeune femme des couleurs. Depuis qu’elle avait su que Madame de Polignac était sa mère, elle avait été d’une humeur sombre, elle avait même failli passer à l’acte :

Le matricide.

Mais les lettres de Fersen la faisaient redevenir cette gentille jeune fille modeste, désireuse de bien faire. C’était une bonne chose.

Rosalie s’installa à son secrétaire et détacha le cachet de cire. Elle entama sa lecture.

 

Ma très chère Rosalie,

Oh, ne fustigez pas ! Vous avez entamé l’acte mais vous ne l’avez pas consommé ! Votre bon cœur et votre âme, votre conscience, ont arrêté votre bras vengeur. Et cela est tout à fait admirable. Cela me prouve à nouveau toute la bonté et la noblesse de votre personne. Bien peu de gens auraient eu ce revirement de cœur. Je suis admiratif et je ne puis que me mettre à vos pieds, vous êtes une personne de laquelle je dois prendre exemple. De laquelle moults nobliaux devraient prendre exemple.

La reine me demande très souvent de vos nouvelles et adorerait vous revoir. Il y a un bal dans une semaine, à Versailles. Avec l’accord d’Oscar, cela va de soi, me feriez-vous le très grand honneur de m’accompagner ?

Un bal à Versailles ! Axel l’invitait à un bal à Versailles ! Elle se voyait déjà dans ce château splendide, d’or et de verre, accrochée à son bras, valsant parmi les courtisans et saluant Marie-Antoinette ! Oh, même la vue de la Polignac ne gâcherait en rien ce spectacle magnifique ! Elle n’était qu’un détail de cette tapisserie digne des maîtres flamands ! Souriante, elle sortit en courant et dévala presque tout l’escalier, la lettre à la main.

– Oscar ! Oscar ! S’exclama-t-elle, la voix excitée

L’interpellée eut un rire.

– Eh bien Rosalie ! Quelle mouche te pique donc ?
– Axel m’invite au bal de Versailles qui a lieu la semaine prochaine !

Oscar tilta à cette phrase. Deux détails la frappèrent. Rosalie appelait Fersen par son prénom. Même si le suédois avait dit à maintes reprises qu’elle et André pouvaient utiliser son nom de baptême, ils n’avaient jamais réussi. Pourtant Rosalie, très timide, l’employait avec une aisance déconcertante. Enfin, une invitation au bal. Rosalie était la première femme qu’il invitait depuis qu’il était en France. Pourtant, il ne manquait ni d’amies ni de soupirantes volontaires. Mais c’était Rosalie qu’il avait choisi. Elle ne put s’empêcher de la jalouser un instant avant de se rendre compte qu’elle était injuste. Rosalie n’avait rien à voir avec ses conflits intérieurs ou avec sa vie compliquée de femme vivant en homme.

– Pourrais-je y aller ? Demanda-t-elle
– Oui, bien sûr, si tu le désires. Parvint à dire sa protectrice
– De plus, nous ne serons pas loin, Oscar doit assurer la surveillance de ce bal. Répliqua André

Sur le coup, elle maudit son ami de le lui avoir rappelé. Elle allait devoir voir Rosalie au bras de Fersen et prétendre que cela ne lui faisait rien.

 

XXXXX

Ce n’était pas la première fois que Rosalie allait à Versailles mais la beauté du lieu lui coupait toujours le souffle. Elle portait une longue robe jaune au léger décolleté en V. Au bout de la pointe, une broche jaune entourée de perles rouges avec quelques perles en forme de goutte vers le bas de celle-ci. Les manches étaient des manches ballons, serrant le bras et s’évasant à la fin en un long pan de tissu ondulant. En-dessous, un haut et un jupon ample blanc, les manches blanches du haut étant révélées par la largeur des manches jaunes. L’ensemble rappelait une fleur en pleine éclosion. Ses oreilles étaient ornées de boucles semblables à sa broche. Ses cheveux étaient remontés, parsemés de perles vertes, une tiare aux couleurs de sa broche complétant le tout. Axel, quant à lui, avait revêtu son bel uniforme blanc avec un ruban bleu allant d’une épaule jusqu’à la taille. Il amena son invitée jusqu’à la reine.

– Rosalie, je suis bien heureuse de vous revoir ! Dit-elle avec douceur
– Merci, Votre Majesté.

Rosalie passa sa soirée à danser avec Axel, tout était absolument magique, malgré les commérages sur le futur mariage de Charlotte, onze ans, à un homme de cinquante-trois printemps. Oscar et Marie-Antoinette observèrent le couple et les deux en virent à cette conclusion :

Ils s’aimaient.

Tout en eux trahissait ce sentiment. Leurs yeux. L’aura de bonheur qui émanait d’eux. Marie-Antoinette était heureuse. Même si cela lui faisait mal de ne pas pouvoir s’afficher publiquement avec Fersen, elle savait qu’il ne cesserait jamais de l’aimer. Mais il avait le droit au bonheur, elle ne voulait pas qu’il sacrifie sa vie pour elle, qui ne pouvait lui offrir que des moments volés au cœur de la nuit, loin des regards indiscrets. Et pour le peu qu’elle avait vu Rosalie, elle lui semblait être une bonne personne. Elle leur souhaitait tout le bonheur possible.

– Venez vite ! Mademoiselle Charlotte ! Mademoiselle Charlotte est sur le plus haut toit du château ! S’écria un serviteur apeuré

XXXXX

– Tu es si belle ! Tes pétales sont si blancs ! Tu es comme le vent de la vie. Jamais tu ne faneras. Envole-toi… pour l’éternité !

Rosalie regarda, impassible, la silhouette de sa jeune demi sœur dominer la cour, du haut de son toit, les cheveux battus par les bourrasques de vent, tendre le bras, lâcher sa rose et s’élancer dans le vide. Il y eut un craquement sec. Elle observa le corps sans vie, les cheveux se mêlant aux pétales et au sang, d’une enfant qu’on avait voulu forcer à grandir. Madame de Polignac secouait vainement sa fille, criant son nom, le regard écarquillé et horrifié avant de s’écrouler, en larmes, en enlaçant son enfant.

– C’est étrange. Je ne ressens rien. Rien du tout. Alors que nous sommes du même sang. Mais ça n’a rien d’étonnant. Nous avons peut-être le même sang mais c’est tout, nous n’étions pas du même monde. Dit Rosalie tout bas avant de s’éloigner

Avant de se retourner vers Axel, les yeux inondés de larmes.

– Oh, Axel ! Cria-t-elle en s’effondrant à son tour dans ses bras, sa voix exprimant toute la peine du monde. Charlotte… Ma petite sœur ! Ma petite sœur est morte !

A SUIVRE

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!