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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Le lys et le coquelicot [Fini] Répondre à : Le lys et le coquelicot [Fini]

#879
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Le Lys et le Coquelicot

Chapitre 3 : Ironie

– C’est la vérité, Oscar ! Je vous le jure ! Dans son dernier soupir, Maman m’a avoué être ma mère adoptive. Je suis née d’une noble dame, Martine-Gabrielle.

Les mots de Rosalie résonnaient encore dans l’esprit d’Oscar.

Rosalie, une enfant noble.

Cela l’étonnait et pourtant, tant d’indices auraient dû le lui indiquer ! Oh, elle savait bien que les nobles étaient juste des personnes ayant eu la chance de naître dans la soie et que rien ne différenciait vraiment un aristocrate d’un roturier mais cette dignité autour de Rosalie, sa capacité naturelle à apprendre les us et les mœurs de la haute société… Elle savait que rien n’était vraiment inné, l’être humain était une bête d’acquisition, mais dans le cas de sa petite brise de printemps, elle remettait en question sa croyance. Elle la compara un instant à Madame du Barry, comme pour étayer son propos. Madame du Barry aussi avait vécu dans la pauvreté, elle avait été élevée au rang de comtesse, elle avait sans doute eu une éducation pour s’intégrer dans le clan nobiliaire. Les mêmes leçons que Rosalie. Et malgré tout, un net contraste se dessinait. Malgré les belles toilettes, ses efforts, elle faisait fausse, alors que Rosalie était criante de sincérité dans les mêmes actions. Le parfum de la roture avait collé à la peau de l’ancienne favorite, comme si on avait baigné le nourrisson qu’elle était dans un bac de cette eau de senteur, jusqu’à ce qu’elle se grave dans son épiderme. Etait-ce là le miracle du sang ?

Quand Rosalie avait émis le désir de la retrouver, André et elle avait de suite entamé les recherches. Fersen les trouva un matin, tous encore endormis, les livres leur servant d’édredons. Après un bon chocolat revigorant avec de quoi se restaurer, Oscar expliqua à son ami suédois l’origine de cette nuit particulière.

– Oh, mais Oscar, il aurait fallu me le dire plus tôt ! J’ai des connexions avec l’ambassade de Suède en France et celle de France en Suède ! Je vais leur demander de regarder dans leurs enregistrements s’ils ont une Martine-Gabrielle. La dame est peut-être une fille ou une femme d’ambassadeur ! Nous pourrions peut-être même la localiser ! S’exclama-t-il

Depuis, Fersen venait régulièrement apporter les nouvelles de ses recherches à Rosalie, s’excusant toujours quand il y avait peu d’informations. La jeune femme se sentait un peu honteuse. Le jeune homme était un noble, un favori de la reine, qui avait sans doute des devoirs envers sa royale amante ou même des devoirs plus prosaïques et pourtant, il se donnait corps et âme dans la recherche de sa génitrice pour elle, une enfant bâtarde dans tous les sens du terme, une demi-noble née hors des liens du mariage. Mais à travers sa gène, elle comprit aussi pourquoi Marie-Antoinette et Oscar aimaient tant cet étranger venu du Nord. Au-delà de sa beauté physique se cachait une tout aussi belle personne. Fersen était un homme humble, gentil, serviable, loyal en amitié, prêt à tout pour aider ceux qui avaient son affection, sans rien demander en retour. Et elle se sentait honorée de faire partie de ce petit groupe fermé d’individus.

– Je voudrais le remercier, lui faire comprendre l’étendue de ma gratitude, même si je ne pourrais jamais payer ma dette envers lui, envers les Jarjayes. Pensait-elle régulièrement en le regardant partir sur son destrier

Il avait en effet contacté les deux ambassades, mais il utilisait aussi son réseau privé, à l’intérieur même de la cour de Versailles. Il avait même demandé à la reine elle-même ! La souveraine était une femme aimable et sociable, avec un large cercle d’amis, elle pouvait connaître une Martine-Gabrielle. Et après les explications de Fersen sur une amie recherchant sa mère, elle accepta de suite de l’aider. Elle ne connaissait que trop bien la douleur que d’être séparé des bras aimants de celle qui vous avait donné la vie.

– Oh oui, j’ai tant de personnes à remercier ! Je sais ! Même si c’est peu, je leur montrerai ma reconnaissance !

Rosalie entreprit alors de, sur son temps libre, confectionner des mouchoirs brodés pour toutes les personnes l’ayant aidée dans sa quête maternelle. Oscar, André, le Général, sa femme, Grand-Mère, les servantes, la reine, Fersen… Elle commençait très souvent vers neuf heures et ne cessait que quand son estomac criait famine, vers une heure. Oscar remarquait très souvent les petits points rouges sur les doigts de sa protégée.

– Elle se donne du mal. Songeait-elle

Les attentions de Rosalie touchèrent leurs destinataires. André la remercia avec un sourire. Oscar l’enlaça. Madame de Jarjayes et Grand-Mère se sentirent à la fois touchées et gênées, n’ayant pas fait grand-chose à leurs yeux. Le Général n’était pas très expansif mais Rosalie avait appris à le connaître, il avait apprécié son geste. La reine avait envoyé un petit mot à la jeune fille pour la remercier de sa délicate pensée, elle connaissait le travail qu’une telle œuvre demandait. Enfin, il y eut Fersen. En découvrant son cadeau, il eut un regard ému et doux, des doigts effleurant le
motif brodé par les mains fines de la demoiselle.

– Oh, Rosalie… C’est un magnifique présent. Et je n’ose imaginer le temps et le travail que cela vous a demandé. Cela me touche d’autant plus. Je suis honoré d’avoir été jugé digne d’une telle œuvre.
– Vous avez toujours été bon envers moi et même maintenant, vous continuez de m’aider. Vous le méritez amplement.

Le sourire du suédois fit battre son cœur un peu plus vite.

XXXXX

– Martine-Gabrielle… Martine-Gabrielle de Gureille était son nom de jeune fille ! Elle l’a changé en épousant son mari ! Il n’y a aucun doute possible Oscar ! Martine-Gabrielle de Gureille est Julie de Polignac !

Depuis qu’elle les avait entendus alors qu’elle revenait d’une promenade à cheval, les paroles d’André formaient une litanie blessante au plus profond du cœur de Rosalie.

Polignac. Julie de Polignac. Polignac. Julie de Polignac…

Etait à la fois le bourreau de sa mère adoptive et celle qui l’avait enfantée.

Poilgnac, Julie de Polignac, Polignac…

Rosalie de Polignac.

L’idée même que son prénom fusse associé au patronyme de celle qui avait tué Nicole lui donnait envie de rendre ! Le Destin était une chose cruelle ! Celle qu’elle voulait poignarder était également celle dont elle désirait l’étreinte maternelle et aimante ! Elle n’eut alors qu’une envie : fuir. Fuir, l’espace d’une journée, d’une heure, d’un instant même, fuit cette réalité amère, cette vérité paradoxale :

Pour venger sa mère, elle devait commettre un matricide.

Elle se sentait fiévreuse, tremblante, perdue, elle avait besoin d’une épaule sur laquelle pleurer, quelqu’un auprès de qui s’épancher mais cette fois-ci, à la place de sa sempiternelle Oscar, un autre nom valsa alors dans sa tête, remplaçant alors le terrible combat causé par la révélation de son lien de parenté avec celle qu’elle haïssait le plus en ce bas-monde :

Fersen. Fersen. Fersen.

L’homme fut bien surpris que de la voir chez lui, annoncée par un serviteur. Il ne le fut que plus quand, une fois seuls, elle se jeta dans ses bras, le corps parcouru de sanglots.

– C’est elle ! C’est elle ! Julie de Polignac est ma mère ! Celle qui a tué ma mère est ma génitrice !

Fersen comprit alors douloureusement le dilemme de sa jeune amie française. Que dire ? Les mots étaient si impuissants, si faibles pour décrire l’horreur de la situation. Il se contenta de resserrer un peu son étreinte, laissant Rosalie évacuer sa peine.

Oui, la Vie était décidément bien cruelle.

 

 

A SUIVRE

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!