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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Jarjayes! (fini) Répondre à : Jarjayes! (fini)

#845
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Jarjayes!

Chapitre 5: André, vole de tes propres ailes

 

Les cinq sœurs Jarjayes ne furent presque pas choquées d’apprendre qu’André était leur petit-frère. Joséphine, triomphante, avait même dit à son mari avec un petit air taquin :

– Je vous l’avais dit qu’André était des nôtres !

Pour elles, cela expliquait la tendresse et l’indulgence de leur père à l’égard du jeune homme. Elles acceptèrent sans mal la vérité car pour elle, et ce depuis longtemps, André était un membre de leur famille.

Loulou avait écrit à André et dans sa lettre, elle se réjouissait de pouvoir l’appeler « Oncle » sans pour autant avoir à attendre qu’il épouse Oscar, ce qui semblait désormais impossible.

La lettre post-mortem du général légitimant André avait été diffusée à Versailles. La nouvelle en avait choqué plus d’un. Rainier de Jarjayes, un modèle de droiture, avait en fait un bâtard ! La cour se scinda en deux. La majorité était composée de nobles qui, malgré leur émoi, félicitèrent le défunt d’avoir pris soin de son enfant contre vents et marées après la mort de sa mère et le cran de lui laisser une position véritable après son trépas. Aussi acceptèrent-ils l’idée qu’André soit le légataire d’Oscar. L’autre camp était celui des injurieux, qui ne cessaient jamais de crier qu’André, lettre ou non, restait un bâtard et donc dans l’incapacité d’hériter. Ce fut dans cette ambiance électrique que Louis XVI dut trancher. Il décida de respecter les volontés de Rainier, en mémoire de tous les services qu’il avait rendu à la couronne de France. De plus, André, alors qu’il n’était encore qu’un Grandier, avait lui aussi prêté main forte à la famille royale, sans jamais se plaindre ou réclamer quelque chose. Le premier acte d’André en tant que Jarjayes légitimé fut d’envoyer un cadeau de remerciement au roi et de prêter allégeance devant toute la cour.

– Moi, André Grandier, légitimé Jarjayes par la volonté bienveillante de Votre Majesté, prête serment en ce jour, devant la cour et devant Dieu. Je jure sur mon honneur de servir à jamais loyalement la famille royale et ce, jusqu’au dernier jour de ma vie. Je suis l’humble et dévoué serviteur de Votre Majesté, mon épée est la vôtre, ma vie vous appartient.

Oscar avait assisté à la scène. Alors qu’il prononçait ses vœux, elle réalisa un peu plus qu’André était son grand-frère, qu’il ne serait plus jamais son amant. Il était un Jarjayes. Pourtant, elle ne pouvait pas s’y résigner.

– Après tout, les pharaons couchaient bien entre frère et sœur. La rumeur dit que les enfants bâtards d’Alexandre VI, César et Lucrèce, étaient amants. Pourquoi André et moi ne pourrions-nous pas être les César et Lucrèce de notre temps ? Je sais qu’André m’aime, il ne pourra jamais m’oublier…

Pourtant, elle sentait qu’André lui échappait peu à peu. Il avait décidé de quitter les gardes françaises, afin de ne pas causer d’esclandre, car sa romance avec Oscar était bien connue là-bas. Et il ne voulait pas qu’Oscar l’ait toujours sous les yeux, lui, la cause de ses tourments. La véritable parenté de l’ancien soldat avait secoué ses amis mais ils furent étrangement compréhensifs. François Armand avait même dit qu’André et Oscar n’avaient commis aucune faute car à l’époque, ils ignoraient leur lien de famille. Ils saluèrent la noblesse de son geste.

– Ne t’en fais pas pour Oscar, André. On veillera bien sur elle. Lui avait dit Alain alors qu’André faisait ses paquets.

Avec une virile et amicale tape dans le dos, il ajouta :

– Allez, Monsieur le comte, ta destinée t’attend ! Et botte quelques culs de nobles trop prétentieux pour nous !

André avait rit avant de lui dire que la compagnie B allait lui manquer. Il promit de passer de temps en temps pour dire bonjour.

– N’hésitez pas non plus à venir à la maison. La porte sera toujours ouverte.

Chez eux, Oscar l’évitait, à juste titre. Elle demeurait courtoise, mais leur belle complicité semblait être partie en vacances. Les repas se déroulaient dans un silence glacial, les seuls mots prononcés étant insipides et purement conventionnels. Cela le peinait mais il ne voulait pas revenir sur sa décision.

– La reine m’a mandé. Je dois aller la voir demain à Versailles. Entama-t-il

Son interlocutrice acquiesça simplement tout en portant à ses lèvres son verre de vin.

– Souhaites-tu que je lui transmette un message? Persévéra le jeune homme
– Que je l’aime et que je demeure son humble et dévouée servante.

La voix de sa sœur cadette était neutre. Mentalement, il soupira. Que croyait-elle ? Que cela était facile pour lui ? Qu’effacer plus d’une quinzaine d’années d’amour, dont deux réellement vécues, était si aisé ? Que combattre son attirance pour elle était une sinécure ? Elle n’était pas la seule à souffrir ! Il essayait de rendre cela plus facile pour eux.

– Mon Dieu, que la frustration la rend aigrie ! Pensa-t-il

Oscar n’y était pour rien mais lui aussi était un innocent dans cette affaire. Lui aussi devait contrôler ses passions, ses ardeurs. Et le fait de s’éloigner, de voir autre chose, de s’occuper, allait très certainement l’aider.

– Pourquoi avoir quitté les Gardes Françaises ? Lui demanda-t-elle alors subitement
– Pour protéger ta réputation. Notre romance est connue là-bas. Maintenant que notre lien de sang est également de notoriété publique, je ne peux plus rester à tes côtés, sans quoi, on risque de te causer du tord avec des rumeurs. Heureusement que seule la compagnie B, très compréhensive au demeurant, était au courant de notre amour. Expliqua-t-il
– Par Saint George, je me fiche de ma réputation ! S’écria Oscar avec véhémence, bondissant de sa chaise.

André demeura calme et la fixa droit dans les yeux.

– César et Lucrèce Borgia aussi se fichaient de leur réputation. Et des siècles plus tard, leur nom est toujours traîné dans la boue. Nous afficher serait détruire le travail de notre père. T’en rappelles-tu, Oscar ? Celui d’élever le nom de Jarjayes parmi les plus honorables ? Ce n’est pas en causant des esclandres que l’on préservera notre nom. Le nom est tout ce qu’il reste de nous une fois partis.
– Est-ce donc là tout ce qui compte uniquement pour toi désormais ? Le nom ?

Elle avait craché ses mots, blessée, des larmes dans les yeux.

– Pourquoi me le demander alors que tu sais que c’est faux ? Tu comptes pour moi, petite sœur. Nos sœurs comptent pour moi. Nos neveux, nos nièces, nos beaux-frères, Grand-Mère… La liste est bien longue. Sais-tu pourquoi Père ne s’est jamais remarié ? Parce que l’amour est la mort du devoir. Et notre père avait un devoir envers toi, envers ta mère et sa promesse de faire de toi son légataire. J’ai désormais un devoir, Oscar. Un devoir biblique. Honore ton père et ta mère. Je me dois d’honorer ce que notre père a eu la bonté de me laisser. J’accomplirai mon devoir, même si cela m’en coûte.

Se mordant la lèvre, Oscar fit volte-face et le quitta pour aller se réfugier dans ses appartements.

– N’y es-tu pas allé un peu fort, André ? Demanda alors Grand-Mère, inquiète
– Avec Oscar, il ne faut pas y aller par quatre chemins. Elle est intelligente, elle comprend, c’est juste qu’elle se refuse à l’accepter. C’est difficile pour moi aussi, tu sais…

Des larmes perlaient dans ses yeux émeraudes. La veille femme l’enlaça alors, le berçant doucement.

 

XXXXX

 

Versailles

 

– Monsieur André de Jarjayes, Votre Majesté.

André s’avança et s’inclina, le genou à terre.

– Bien le bonjour, André ! Dit gaiement Marie-Antoinette
– Ma Reine. Répondit le jeune homme en lui baisant la main

La souveraine l’invita à s’asseoir. Elle était rayonnante dans sa robe vert tendre.

– Quel choc cela a été pour nous que d’apprendre que vous étiez le frère de notre très chère Oscar ! Comment va-t-elle d’ailleurs ?
– Toujours sous le choc de la nouvelle mais en dehors de cela, sa santé est excellente. Ma chère sœur vous transmets d’ailleurs ses mots d’affection et de loyauté.

La jeune femme rit en disant qu’elle n’en avait jamais douté avant qu’elle ne mette son masque de sérieux sur son visage si fin.

– André, je tiens à vous assurer que le roi et moi ferons notre possible pour vous éviter des désagréments à la cour, comme des injures sur votre naissance, de face comme de dos. Vous êtes désormais un Jarjayes à part entière, la cour doit donc agir en conséquence.
– Vos Majestés sont trop bonnes.

Soudain, le comte de Girodelle fut annoncé. Il baisa respectueusement la main de sa reine et salua André.

– Monsieur de Jarjayes.
– Monsieur le comte.

Marie-Antoinette proposa un siège à son nouveau visiteur, lequel prit place avec grâce et reconnaissance.

– Je vous ai fait mander tous les deux car l’affaire vous concerne autant l’un que l’autre, Messieurs. Le roi, mon mari, a décidé qu’André devrait avoir une position officielle à la cour, afin de faire taire les médisances. Il a donc naturellement pensé à lui offrir un poste dans la Garde Royale, comme feu son père avant lui.

Les deux hommes se regardèrent. Ni l’un ni l’autre n’arrivaient à y croire. André dans la Garde Royale ! A un poste de haut niveau en plus, si l’idée était d’honorer la mémoire du Général !

– La bonté de Sa Majesté me va droit au cœur, mais je ne saurais priver Monsieur de Girodelle d’un poste où il excelle. D’autant plus que je n’ai guère d’expérience dans le commandement.

L’homme à la longue chevelure ondulée lui adressa un sourire de gratitude, son geste, à la fois noble et humble, l’avait touché.

– C’est exactement ce que j’ai expliqué à Sa Majesté, cher André. C’est pourquoi, avec bien sûr l’accord de Monsieur de Girodelle, que nous aimerions faire de vous son lieutenant de la Garde, tout comme il fut le lieutenant de votre sœur quand elle était capitaine puis colonelle. Ainsi vous auriez votre poste sans pour autant ôter quoique se soit à qui que se soit. Expliqua alors la souveraine

Les deux hommes se regardèrent une nouvelle fois. L’idée était plutôt bonne.

– C’est un plaisir plutôt qu’un devoir que d’accéder au désir de Sa Majesté. Dit alors Girodelle
– Je suis de l’avis de Monsieur de Girodelle. Je ne saurais jamais assez remercier Vos Majestés. Ajouta André

 

Les deux nobles prirent congés de Marie-Antoinette. Ils se retrouvèrent à marcher ensemble dans la Galerie des Glaces. André pouvait entendre dans son dos des mots comme « Bâtard ». Il sentait Girodelle prêt à se retourner pour les corriger avec vigueur.

– Laissez donc. C’est la vérité, après tout. Un enfant né hors des liens du mariage ou d’un adultère est un bâtard. Ils ont simplement oublié d’apprendre la définition du mot « légitimé ». Lui dit André avec un sourire
– Monsieur de Jarjayes, n’ayez crainte pour la Garde. Je ferai en sorte qu’ils vous respectent. Et je ne serai pas sans vous guider les premiers jours.
– Je vous en remercie, Monsieur de Girodelle.
– Je vous en prie, appelez-moi Victor.
– Seulement si vous m’appelez André et que nous devenions amis.
– André.
– Victor.

Les deux hommes se firent face avec un petit sourire en coin mais avec une aura de sincérité les entourant.

Leur poignée de main scella le début d’une longue amitié entre le nouveau Jarjayes et le rejeton non légataire Girodelle.

 

A Suivre

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!