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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Jarjayes! (fini) Répondre à : Jarjayes! (fini)

#842
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Jarjayes! 

Chapitre 3: Le Secret de l’Ange 

 

Une fois la porte correctement fermée, Grand-Mère demanda à Oscar et à André de s’asseoir. La vieille femme semblait très inquiète, comme si elle redoutait quelque chose qui allait se produire. Son visage ridé était pâle, elle tordait ses mains à cause de l’angoisse.

– Allons bon, Grand-Mère, mais que se passe-t-il enfin? Demanda alors André qui n’avait jamais vu sa grand-mère si mal en point
– André a raison. De quoi as-tu peur? Le secret poussant Père à nommer André comme étant mon héritier ne peut pas être si horrible. Ajouta Oscar

 

Oscar l’invita à s’asseoir, pensant qu’elle serait plus à son aise. Elle obéit en commença à parler.

– Si ton père a nommé André comme ton héritier, il y a une raison. Tout comme il y a une raison qui l’a poussé à vous demander pardon sur son lit de mort. Monsieur n’était pas aveugle. Il a bien vu que vous vous aimez tous les deux. Et ce secret, qu’il a gardé pendant des années pour l’honneur des Jarjayes, va détruire tout ce que vous êtes l’un pour l’autre.

Le duo se regarda, incrédule. La militaire osa demander pourquoi son père n’aurait pas cherché à les séparer, si ce secret était si terrible.

– Vous auriez tout fait pour vous retrouver. S’il m’a demandé de tout vous dire seulement maintenant, c’est parce que l’honneur ne compte plus, ce qui compte, c’est que vous sachiez la vérité. Non pas parce que vous êtes ses héritiers mais parce qu’il vous aimait.

Grand-Mère prit une grande inspiration avant de se lancer.

– Oscar est ta demi-soeur, André.

L’interpellé éclata d’un rire nerveux. Lui, le frère d’Oscar? Non, le deuil faisait perdre la tête à sa pauvre grand-mère!

– Je ne plaisante pas. Tu es le fils naturel de Rainier de Jarjayes.

La voir si sérieuse, si triste que de devoir briser leur amour, firent en sorte qu’Oscar comprenne que c’était la vérité. Aussitôt, son monde s’écroula. Le sol se dérobait sous ses pieds. Son être était un château de verre que l’on venait de casser à coup de massue. Elle était amoureuse de son demi-frère. Elle s’était donnée à son demi-frère. Elle avait désiré et désirait toujours son demi-frère. Son amour pour André devenait illicite car incestueux. Elle, qui venait de perdre son père, se voyait arracher l’une de ses dernières attaches. L’amour qu’elle avait pour André était prohibé. Tout lui était interdit: son statut de femme, la maternité et maintenant, même l’amour lui était impossible.

– Ce n’est pas possible… Murmura-t-elle dans un état second

André lui prit la main, lui aussi étant perturbé par l’annonce.

– C’est la vérité, Oscar. Et cette vérité, je vais te la raconter.

 

 

XXXXXX 

 

Jarjayes, janvier 1754.

Qu’allait-il faire? Qu’allait-il dire à Marguerite? Comment allait-elle réagir?

Léonie, la fille de Grand-Mère, servante de son épouse, était venue le trouver, en larmes et inquiète.

Elle était enceinte.

D’un bâtard Jarjayes.

Près de deux mois auparavant, lors d’une fête, il avait bu plus que de raison. Et de fil en aiguille, il s’était retrouvé dans la couche de la jeune femme, nu, lui ayant pris sa virginité. Quand il avait repris ses esprits, Léonie et lui avaient convenu de ne jamais reparler de cet incident. Sauf que l’incident allait faire reparler de lui aussitôt que le ventre de la demoiselle commencerait à prendre quelques rondeurs. C’était un accident, il le savait très bien, il ne l’avait pas fait exprès mais le résultat était là. Il avait trompé sa femme et avait engrossé une de ses servantes. La fille de la femme qui avait élevé ses propres filles.

– Rainier, mon ami, vous semblez si abattu! Que vous arrive-t-il? Demanda son épouse alors qu’elle entrait dans la pièce

Sentant les larmes poindre dans ses yeux, il tomba à genoux, lui prit les mains.

– J’ai commis une terrible erreur, Madame! Et cette erreur vous a déshonorée…

Avec un sourire tendre, elle le berça et lui demanda de s’expliquer. Il raconta alors le tout. La fête, le vin, Léonie et cet enfant adultérin, ses regrets. Il l’avait sentie se raidir quand il annonça la grossesse de la petite normande, néanmoins, elle resta près de lui. A la fin de son récit, elle était toujours là, le même sourire peint sur son visage d’ange.

– Vous ne m’avez pas trahie, Rainier. L’alcool est le responsable, et non vous. Il vous a mis hors d’état de réfléchir. Sans lui, vous n’auriez jamais défloré Léonie. La pauvre petit n’a sans doute pas eu le courage de vous repousser, de peur d’être renvoyée ou que l’alcool ne vous rende mauvais. Ni elle ni vous n’êtes responsables. Je ne puis vous pardonner une faute qui n’existe pas.

Le militaire sentit son coeur devenir léger et un soulagement l’envahit un bref instant. Puis, il repensa à Léonie. Oui, c’était un accident dont ils n’étaient pas responsables, mais un petit être allait venir au monde et malgré leur innocence, ils avaient un devoir envers lui.

– Nous pourrions envoyer Léonie sur nos terres de Normandie. Elle pourrait y mener une grossesse paisible, loin des tourments. Nous ferons en sorte qu’elle ne manque de rien. Quant à la paternité de l’enfant, nous pourrions évoquer un fiancé malheureusement décédé avant les noces. Proposa Marguerite

Rainier acquiesca. Léonie fut d’accord, pleine de reconnaissance, enchaînant remerciement après remerciement.

 

Le 31 août 1754, le couple recevait une lettre de Sophie Grandier, la mère de Léonie, la nourrice de leurs filles, leur annonçant que la jeune femme avait accouché le 26 août 1754, d’un petit garçon qu’elle avait prénommé André. N’étant pas mariée, l’enfant prenait son patronyme, Grandier. Si le militaire se réjouissait que la mère et l’enfant se portaient bien, il s’en voulut terriblement. Non content que de faire subir à sa femme l’existence d’un enfant illégitime, il avait fallu qu’il fasse un fils à Léonie, alors que Marguerite se lamentait que d’avoir donné uniquement des filles à son époux. Madame de Jarjayes, quant à elle, semblait rayonnante.

– Quelle merveilleuse nouvelle! Nous devrions leur rendre visite! Qui sait? Quand il sera plus grand, André pourrait peut-être devenir un compagnon de jeu pour nos filles?

Quand il eut André pour la première fois dans ses bras, Rainier sentit son coeur se remplir d’amour. Il était aussi beau que chacune de ses soeurs. Il l’aimait autant que chacune de ses filles. Il remplirait son devoir de père. Même si ce n’était que de loin, en faisant en sorte que la mère et le fils ne connaissent ni la faim ni le froid. Même si André grandirait loin de lui, ignorant son sang, et qu’il ne l’appelerait sans doute jamais “Père”. Rainier était prêt à faire ce sacrifice. Parce qu’il aimait son petit garçon, illégitime ou non.

 

Marguerite mourut deux jours après avoir mis au monde leur petite Oscar.

Léonie mourut alors qu’André avait huit ans. Rainier sut qu’il devait agir.

– André viendra vivre ici, à Jarjayes. Il sera élevé avec Oscar. Dit-il à Grand-Mère
– En êtes-vous sûr?
– Je ne puis laisser mon fils dans l’indigence et je refuse qu’il soit envoyé dans un orphelinat alors que moi, son père, vit encore! Je veux, je dois, le mettre à l’abri, même s’il ignore qui je suis. Il est un Jarjayes. Il n’a peut-être pas mon nom, mais il a mon sang. Il sera mon héritier, après Oscar.

 

 

XXXXXX 

 

 

 

 

A la fin du récit de Grand-Mère, André pleurait en silence.

Si une part de lui souffrait car jamais Oscar et lui ne pourraient s’aimer, une autre était soulagée.

Il avait longtemps cru que son père était un ivrogne lâche qui avait charmé sa mère, répandu sa semance fertile en elle avant de la laisser seule et enceinte. Il avait eu, au contraire, un père qui l’aimait sincèrement, qui avait fait tout ce qu’il pouvait pour le protéger tout en épargnant le nom de Jarjayes. Son père n’avait jamais eu honte de lui, il le nommait héritier, prouvant ainsi qu’il le reconnaissait. Il le laissait libre que d’afficher leur filiation avec son autorisation de modifer ou de changer son patronyme. Il le laissait même libre de crier sur les toits de toute la France qu’il était André de Jarjayes, fils naturel de Rainier de Jarjayes, une lettre étant prête à ce propos pour être envoyée au roi et publiée à la cour, afin d’éviter trop de ragots médisants et blessants.

Il avait eu un père.

Il se leva et se rendit sur la tombe du Général. Il se mit à genoux, touchant la stèle de marbre.

– Grand-Mère m’a tout expliqué. Je suis désormais au courant. Madame de Jarjayes, merci pour votre gentillesse envers ma mère et envers ma personne. Général… Non… Père. Père, je voulais vous dire merci. Merci que de m’avoir donné un toit, une éducation, de l’amour… J’ai conscience des sacrifices que vous avez fait, que vous faites encore par-delà la mort, des souffrances que vous avez endurées… Pour moi. Pour un bâtard. Et pourtant, vous m’élevez, vous me donnez un avenir. Père, je… Je veux prendre votre nom. Car moi non plus, je n’ai pas honte. Le monde saura qui je suis, qui vous étiez, l’homme bon que vous avez été. Je suis heureux, honoré, fier même, que d’être votre enfant, moi qui avait souvent fantasmé à ce propos quand j’étais un petit garçon en deuil. Je vous avais aimé jadis. Je vous aime toujours. Je vous aimerai toujours. Je vous remercie que de m’avoir donné ce destin. Destin que j’embrasse de toutes mes forces.

Il baisa la pierre froide avant de se signer. André Grandier était mort. Venait de naître André de Jarjayes, dont le père était mort en le mettant au monde.

A Suivre 

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!