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LADY OSCAR / LA ROSE DE VERSAILLES Les fanfictions Le Jeu des Trônes (fini) Répondre à : Le Jeu des Trônes (fini)

#836
Marina de Girodelle
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@marina-de-girodelle

Le Jeu des trônes

Epilogue

 

 

La naissance du dauphin Louis-Ferdinand et de son jumeau, Jean-Guillaume, fut célébrée par une France en liesse. Les paysans qui avaient encore des idées sur Jeanne les oublièrent et elle devint pour eux la reine incontestée. De son lit d’accouchée, la souveraine jubilait. Dire qu’il y avait encore peu, elle traînait les rues sales et nauséabondes de Paris ! Et voilà qu’elle était reine, la reine de France et de Navarre, la mère du futur roi ! Elle, la fille Valois au sang bâtard, avait détrôné sans effusion de sang la royale Habsbourg et avait réussi là où la blondinette avait échoué. Elle n’oublia pas son protecteur, le duc de Germain, qui se vit nommer au conseil du roi, allouer une rente et il obtint également les terres de son défunt ami.

– Je peux tout accepter, sauf ça. Avait-il dit à Jeanne
– Je suis la reine désormais. Avec mes fils, on ne peut me détrôner et tout le pays me sait fertile. Je n’ai qu’à faire d’autres fils pour asseoir un peu plus mon autorité. Mais je ne puis être la reine et la duchesse de Saint-Rémi. Il faut quelqu’un pour régenter. Les terres de mon géniteur. Qui mieux que vous, qui avez tant aimé mon père ?

Cela toucha le duc.

– Je n’ai pas d’héritier et je ne suis plus tout jeune, Jeanne.
– Il y a un autre héritier du sang des Saint-Rémi.

Elle vit soudain quelque chose briller au fond des pupilles de son protecteur. De la surprise mais peut-être également du soulagement.

– J’ai une sœur, qui vit encore dans les bas-fonds de Paris. Elle s’appelle Rosalie. Rosalie Lamorlière. Prenez notre mère à votre service afin qu’elle ne manque de rien. Nommez Rosalie comme votre héritière.

Devenir mère lui avait fait penser à la sienne et à Rosalie, restées derrière. Certes, elles avaient choisi cela mais elle était reine désormais. Elle pouvait améliorer leurs existences.

– Et comment justifier que je trouve la petite sœur de la reine trois ans après la reine ? Demanda l’homme
– Paris est grand. Vous trouverez bien une justification.

 

XXXXX

 

Quand Nicole vit, du fond de son lit, l’ami de feu son amant pénétrer dans sa demeure, elle crut revenir des années en arrière, quand il était venu lui annoncer son décès. Etait-il arrivé quelque chose à Jeanne ? Elle savait ce qu’il était advenu de son aînée. Comment aurait-il pu en être autrement ? Ses aventures avaient fait le tour de la France entière. Sa petite Jeanne était devenue sa reine.

– Bonjour, Nicole.
– Monsieur le duc. Pardonnez-moi… Je me lèverais bien pour vous saluer mais voyez mon état…
– Tu es chez toi. Je n’ai rien à dire contre la mère de la reine Jeanne. Je suis ici pour ton autre fille, Rosalie.

Nicole crut mourir. Jeanne était partie et désormais, il allait lui prendre sa dernière fille !

– C’est la reine qui m’envoie. Je suis le protecteur des terres de feu son père. Elle souhaite que Rosalie devienne la future duchesse de Saint-Rémi.
– Jeanne a pensé à moi pour un travail si important ? Dit alors une voix fluette et douce

Le duc observa alors l’adolescente qui parut devant lui. Il n’ignorait rien du fait que Nicole n’avait pas accouché de Rosalie. Elle n’avait pas grand chose de son père non plus. Aussi blonde que sa sœur était brune, si il y avait une seule chose qu’elle avait hérité de son géniteur, c’était peut-être la blancheur de sa peau et les yeux océan de sa grand-mère paternelle, la duchesse Catherine de Saint-Rémi.

– Oui, chère Rosalie. Ta sœur, la reine, m’a confié les terres de votre père et elle juge normal qu’elles te reviennent. Elle ne peut les régenter, puisque qu’elle a la France à gérer aux côtés de son mari. Mais elle te juge apte et digne de reprendre votre héritage.

Jeanne s’était souciée d’elle. Cette pensée réchauffa le cœur de la jeune fille. Elle avait souvent pleuré, pensant que Jeanne ne l’aimait plus, qu’elle avait honte, qu’elle les avait oubliées, sa mère et elle. Néanmoins, elle ne pouvait pas accepter.

– Monseigneur, vous remercierez la reine de sa générosité mais je ne puis accepter. Je ne saurais laisser ma mère derrière, elle a bien trop besoin de moi. Qui veillera sur elle si je ne suis plus là ?
– La reine a également pensé à cela, très chère. Ta mère entrera à ton service. Vous ne serez pas séparées.
– Et comment justifierez-vous que ma fille ait été retrouvée tant d’années après sa sœur ? Demanda alors Nicole

L’homme sourit. Malgré la maladie, la domestique n’avait rien perdu de l’esprit piquant qui l’animait dans sa prime jeunesse et qu’elle avait transmis à sa souveraine de fille.

– Nous dirons que nous avons retrouvé Rosalie en même temps que Jeanne mais sa jeunesse et sa santé nous avaient forcés à l’envoyer à la campagne. Je donnerai à Rosalie la même éducation que Jeanne. Elle sera aimée de son peuple. Elle semble avoir hérité de la gentillesse de son père.
– Je refuse que ma fille intrigue pour arriver au sommet ! Jeanne avait peut-être du talent pour cela, mais Rosalie n’est pas Jeanne !
– Paix, Nicole. Jeanne devait intriguer pour arriver là où elle le voulait. Rosalie n’aura pas besoin de cela. Jeanne lui offre sa place sur un plateau d’argent.

L’alitée réfléchit. Rosalie retrouverait sa place de noble et sera la légataire de son père. Elle serait assez noble pour aller à Versailles et revoir Jeanne. Les deux sœurs pourraient redevenir des amies, comme jadis. Mais elle pensa alors à la mère biologique de la jeune fille. Si elle reconnaissait sa fille, elle risquerait de briser ce dur travail qu’avait fait Jeanne pour offrir à sa demi-soeur ce magnifique cadeau. Comme s’il avait lu dans ses pensées, le duc lui dit :

– L’autre est impuissante. Elle n’a pas ses entrées à Versailles. Trop peu fortunée. Et la seule qui aurait pu la faire monter en grâce est désormais une comtesse suédoise, enceinte de son premier enfant. Si elle tente quoi que se soit, nous la détruirons et l’attaquerons pour diffamation. Et attaquer la sœur de la reine, c’est attaquer la reine elle-même. Sois sans crainte. J’aime les enfants de Guillaume comme s’ils étaient les miens et je ne laisserai rien ni personne tenter quoi que ce soit contre eux.
– Une fois duchesse, pourrais-je engager à mon service mes amis parisiens et tout ceux qui ont été bons envers moi ?

La question de Rosalie, prononcée d’une voix timide, leur rappela qu’elle était présente.

– Mais bien sûr, douce Rosalie. De toutes façons, une fois ton éducation terminée et une fois ta présentation à Versailles faite, je me retirerai pour te laisser en maîtresse absolue sur les terres de ton père. Tu seras riche à ne plus savoir où donner de la tête. Tu pourras faire ce que bon te semble.

La jeune fille semblait pensive. Elle n’avait pas imaginé sa vie ainsi. Elle pensait épouser un brave travailleur et continuer à vivre à Paris. Mais si elle devenait duchesse, elle pourrait soulager la vie de tous ses amis qui avaient été si gentils avec elle, elle pourrait soulager tant d’autres vies ! Et puis, il y avait sans doute des nobles tout aussi braves et gentils que les bonnes gens modestes.

– Alors d’accord. J’accepte.

Une semaine plus tard, mère et fille étaient au château des Saint-Rémi, que le duc avait fait restauré. Rosalie s’avéra meilleure élève encore que Jeanne, si bien que six mois plus tard, elle put être officiellement présentée à la cour, aux côtés de sa mère qu’elle avait fait nommer dame d’honneur. Elle devint très vite la favorite de sa royale sœur.

 

XXXXX

 

La vie de Marie-Antoinette ne fut jamais aussi douce que depuis le jour où l’on ôta officiellement la couronne de France de sa tête. Sa vie ressemblait enfin à celles des héroïnes du peu de romans qu’elle avait lu. Elle avait épousé celui qu’elle aimait. Louis avait permis au couple de demeurer en France et pour montrer toute son amitié envers elle, devenue alors sa pupille, il avait offert au couple en guise de cadeau de mariage, le petit Trianon.

– Vous êtes née Archiduchesse. Vous devez avoir une demeure royale. Lui avait-il dit

L’endroit était un enchantement et elle pouvait enfin respirer ! Finie l’étiquette pesante, les yeux qui vous dévoraient alors que vous tentiez de déjeuner, de devoir attendre telle heure pour pouvoir aller déféquer, toujours accompagnée bien sûr. C’était l’endroit idéal pour fonder leur famille. Elle invitait très souvent Oscar à venir déjeuner et c’était la colonelle qui la tenait au courant des nouveautés à la cour.

– Je suis bien heureuse que la reine Jeanne puisse à nouveau jouir de la présence de sa sœur. Moi-même séparée d’une sœur que j’aime tendrement, je ne peux que me réjouir de retrouvailles fraternelles. Lui avait-elle dit avec sincérité
Sa grossesse se passa merveilleusement bien et elle occupait son temps à broder des vêtements pour son enfant ainsi que pour son filleul, le dauphin de France. C’était Jeanne qui avait suggéré cela et Marie-Antoinette lui en était reconnaissante. Elle n’hésitait pas non plus à gâter le petit frère du futur roi.

Le 16 octobre 1778, elle mit au monde une petite Marie-Thérèse Charlotte, que son père adorait et gâtait comme une pharaonne d’Egypte.

 

XXXXX

 

Au fil des ans, la popularité de Jeanne ne cessait de croître. Elle donna à son mari la force que de s’imposer face à tous ses détracteurs et il parvint à imposer les réformes dont le pays avait besoin.
Vers 1789, si le pays était encore fragile au niveau de ses finances, il était déjà bien loin de la banqueroute laissée par Louis XV. Le peuple aimait le roi et le coût de la vie avait bien baissé.
A ses fils de onze ans, Jeanne avait donné encore deux frères et trois sœurs : Eugène, Hortense, Jean, Anne et Mathilde. Aimée du roi, aimée du peuple, rien ne pouvait plus lui nuire. La France semblait sur la bonne voie et jamais aucun vent de rébellion n’avait soufflé contre la monarchie. Son triomphe était complet.

Marie-Antoinette donna à Fersen trois autres enfants en plus de Marie-Thérèse : Louis-Joseph, Louis-Charles et Sophie. Leur amour était aussi fort qu’au premier jour, preuve en était du joli ventre rebondi qu’arborait la comtesse lors des festivités pour les onze ans des petits princes.

Le duc de Germain tint parole et laissa Rosalie en maîtresse totale sur les terres de Guillaume de Saint-Rémi. Elle le garda néanmoins auprès d’elle en tant que premier conseiller. Elle tint parole également en prenant à son service tous ceux qui avaient été bons avec elle lors des années de disette. L’homme dut convenir que si elle n’avait pas la fibre courtisane et intrigante de sa sœur, elle avait cependant cet instinct qui lui dictait ce qu’il fallait faire si elle voulait demeurer à sa place. Il lui fallait un héritier. Tant pis pour l’amour, elle pourrait toujours prendre des amants, après tout, c’était ce que les femmes nobles de l’abbaye de Penthemont, venues exprès pour l’éduquer, lui avaient dit. Et puisqu’elle désirait que le nom de Saint-Rémi demeure, il fallait un homme prêt à accepter qu’il soit adopté en tant que Saint-Rémi par son protecteur, le duc de Germain, prêt à abandonner son nom de famille. Jeanne l’aiguilla vers son fidèle Nicolas. En janvier 1780, Rosalie l’épousa et il devint duc de Saint-Rémi. De nom seulement. Il laissa Rosalie gérer les terres de son père. En décembre 1780, elle accoucha de jumelles, Jeanne et Nicole. En novembre 1781, elle eut enfin le garçon désiré : Antoine. En 1782, elle eut Laurent et en 1785, elle leur donna un autre frère, Alexandre. En mai 1789, après une grossesse surprise, elle eut une troisième fille qu’elle prénomma Agnès. Elle fut une duchesse adorée par les gens qu’elle régentait.

Nicole mourut paisiblement, dans son sommeil, en 1800.

Le duc de Germain quitta ce monde, l’esprit en paix, deux ans plus tard.

Et alors que Jeanne tenait dans ses bras son petit-fils Louis-Jean en 1808, après avoir eu deux petites-filles Marie-Louise et Désirée, né de Louis-Ferdinand et de Marie-Louise d’Autriche, elle se rappela alors ce qu’elle s’était dit quand elle entra à Versailles des décennies plus tôt, alors qu’elle éprouvait quelques remords à l’idée de prendre Louis à son épouse :

Quand on joue au jeu des trônes, soit on gagne, soit on perd mais il n’y a aucun juste milieu.

FIN

~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!