Adieu ma jeunesse

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    Marina de Girodelle
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    @marina-de-girodelle

    Cette vignette est une réponse au défi n°3 de la page Facebook « Bibliothèque de fictions », avec le thème de la fuite. Les conditions imposées étaient : l’idée de s’enfuir de chez soi, 100 mots minimum, insérer une phrase en langue étrangère, prononcée par le protagoniste, autres que les usuels bonjours, merci etc.

     

     

    Adieu ma jeunesse

    Si on lui avait dit, vingt ans auparavant, quand elle venait épouser le dauphin de France, qu’une foule déchaînée de français allait venir jusqu’aux portes de son château pour les ramener, elle et les siens, de force à Paris, Marie-Antoinette aurait pensé à une boutade de mauvais goût.

    Pourtant, c’était bien là le cas.

    La prise de la Bastille ne fêtait pas encore ses trois mois que le peuple avait envahi Versailles. La bulle dorée et magnifique créée par le Roi Soleil avait été crevée dans une violence inouïe et elle prenait en plein visage, comme une gifle magistrale, la haine de ce peuple qu’elle aimait pourtant de tout son cœur. Vingt ans plus tôt, elle traversait le Rhin, elle était applaudie, aimée…

    Que s’était-il passé pour qu’ils la détestassent autant ?

    Elle se savait fautive sur bien des points, des points qu’elle avait essayé de corriger. Mais n’avait-elle pas ouvert les yeux trop tard ? Ou lui avait-on fait une mauvaise presse, parce qu’il fallait un bouc émissaire pour se sentir mieux face aux difficultés que la France traversait ? La France n’hésitait plus à montrer sa part sombre et sa xénophobie assumée. La France était violente et raciste. On la blâmait de tous les maux…

    Parce qu’elle était née autrichienne.

    La chienne autrichienne disaient-ils.

    Son plus jeune fils, qui n’avait que quatre ans, se serra contre elle, tremblotant.

    – Ich liebe dich, mein engel. Lui dit-elle, se voulant rassurante, l’enlaçant contre elle, dans son allemand natal et regretté

    Dans le carrosse qui allait la conduire dans une ville où elle avait tant été acclamée jadis, son mari avait pris vingt ans en quelques heures, épaules et tête baissées, comme si les misères du monde avaient été jetées sur ses épaules. Sa fille, qui allait fêter ses onze ans en décembre, se tenait droite, fière, en noble descendante de Louis XIV et de l’impératrice Marie-Thérèse, mais Marie-Antoinette savait que les horreurs de cette nuit du 5 octobre 1789 allaient rester gravées à jamais dans son cœur sensible. Contrairement à son frère, elle n’avait plus la jeunesse de l’esprit pour lui permettre d’omettre cet événement de sa mémoire. Sa belle-soeur, Elisabeth, à côté de son frère, lui tenait gentiment la main. Elle avait bien raison, elle devait l’admettre, elle qui avait dit un jour que les hommes n’étaient pas sur Terre pour être heureux. Elle jeta un dernier coup d’oeil au palais qui lui avait servi de demeure pendant vingt ans. Elle avait le sentiment qu’elle ne le reverrait jamais et avec lui, c’était peut-être la dernière partie de sa jeunesse qui s’éteignait.

     

     

    FIN

    ~ Un soleil se couche, un autre se lève et ce qui fleurit aujourd'hui périra demain. Tout n'est que vanité!

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